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tailles, celui dont les triomphes ont répandu le plus vif éclat, mêine

« jusqu'au fond du Maghreb 1. C'est vous dont les favoris de Dieu ont

prédit la venue; c'est vous qu'ont désigné les tables astrologiques

« et le Djefer2, attribué au khalife Ali, émir des croyants; vous, << sous la grande conjonction des planètes, vous qui êtes l'imam dont « on attend l'apparition vers la fin du temps. Mes ouvrages sont au Caire, et, si je pouvais me les procurer, je ne quitterais jamais « votre étrier, je n'abandonnerais jamais votre seuil. Je remercie Dieu de m'avoir fait trouver un homme sachant m'apprécier, me patro«< ner et me protéger, etc. »

« Timour lui demanda la description du Maghreb, des royaumes que ce pays renferme, de ses routes, villes, tribus et peuples..... et Ibn Khaldoun lui raconta tout cela, comme s'il eût eu le pays sous les yeux, et, en faisant ce récit, il eut soin d'y donner une tournure conforme aux idées de Tîmour..... Tîmour lui fit alors le récit de ce qui s'était passé dans son propre pays, de ses guerres, etc. Ensuite il l'autorisa à se rendre au Caire pour y prendre sa famille, ses enfants et ses ouvrages, et lui fit promettre de revenir sans retard, en l'assurant qu'à son retour il trouverait le sort le plus heureux. Ibn Khaldoun partit en conséquence pour la ville de Sefed, et se tira d'une position difficile. »

Arrivé au Caire, notre auteur ne tarda pas à rentrer dans la vie publique. Au mois de ramadan de la même année (avrilmai 1401), il fut (encore) nommé grand cadi malékite d'Égypte, en remplacement de Djemal ed-Dîn el-Acfehci, et, au mois de djomada second 804 (janvier 1402), il fut remplacé par Djemal ed-Dîn el-Bisati". Au mois de dou'l-hiddja 804 (juil

1 Littéral. «< celui dont la lune de ses victoires s'est élevée à l'orient du Maghreb (en se dégageant) des ténèbres des conflits. »

2

Livre de prédictions, fort célèbre parmi les musulmans. (Voyez la 2o partie

des Prolégomènes et la Chrestom. ar. de M. de Sacy, 2° éd. t. II, p. 300.)

3 Ibn Cadi Chohiba, fol. 181 v°; Solouk, fol. 29 r°; Anba 'l-Ghomr, fol. 174 vo.

Ibn Cadi Chohba, fol. 196 v°. Selon l'auteur de l'Anba, fol. 188 vo, Ibn Khal

let 1402), il fut nommé cadi à la place d'El-Bisati, et celui-ci le remplaça de nouveau en rebiâ premier 806 (septembre-octobre 1403) 2. En châban 807 (février 1405), il fut nommé grand cadi, pour la cinquième fois, en remplacement d'El-Bisati3, qu'il eut encore pour successeur au mois de dou'lcaada (mai 1405)“. Enfin, au milieu du mois de ramadan 808 (5 mars 1406), il remplaça El-Bisati; mais il mourut le 25 du même mois (15 mars 1406) 5, mars 1406), âgé de soixante et quatorze ans.

Telle fut la carrière d'Ibn Khaldoun. Livré malgré lui aux occupations les moins conformes à ses penchants, et obligé de sacrifier aux exigences de sa position comme homme d'État l'amour de la retraite et de l'étude, il essayait toujours de se dérober aux tracas des affaires publiques et y réussit quelquefois.

Ce fut dans ces intervalles de loisir qu'il put satisfaire à ses goûts favoris et rédiger plusieurs ouvrages, dont le seul qui nous reste, celui qui se compose de l'Histoire universelle et des Prolégomènes, a suffi pour immortaliser son nom. La lecture de l'Autobiographie et de certains chapitres de l'Histoire des Berbers fait clairement reconnaître qu'en sa qualité de secrétaire d'état et d'homme de cour il ne manquait ni d'habileté ni de talent, et qu'il avait presque toujours l'adresse de se ménager des amis, même parmi les ennemis des divers souverains dont il fut successivement le serviteur. Sa belle figure et l'élégance de sa tenue contribuèrent peut-être à son succès

doun fut remplacé par El-Bisati, au mois de châban (mars) de cette année.

'Ibn Cadi Chohba, fol. 199 v°; Bedr ed-Dîn, fol. 55 v°; Anba, fol. 189.

Ibn Cadi Cholba, fol. 212 r°; Bedr ed-Din, fol. 64 vo; Solouk, fol. 40 vo.

3

Solouk, fol. 47 r°; Bedr ed-Dîn, fol. 70 ro.

Solouk, fol. 49 r°; Bedr ed-Dîn, fol. 70 vo.

5 Solouk, fol. 56 r°; Bedr ed-Dîn,

fol. 75 ro; Anba, fol. 218 ro.

comme diplomate et comme courtisan; mais ce fut certainement à ses qualités aimables et à sa grande instruction qu'il dut l'avantage d'être bien accueilli des grands partout où il se présentait. Il est vrai que, selon un auteur cité par El-Maccari, il eut beaucoup d'ennemis, qui lui reprochaient une humeur tracassière, la manie de contredire et d'entamer des discussions à tout propos, de fréquentes incartades et un esprit roide et inflexible. Je ne sais jusqu'à quel point ces reproches sont bien fondés, mais on peut voir dans l'Autobiographie qu'il avait offensé une classe très-nombreuse, celle des gens de loi, dont il froissait, dans l'exercice de fonctions très-importantes, l'amour-propre et les intérêts, en dévoilant impitoyablement leur ignorance et leurs prévarications.

L'histoire n'avait pas été d'abord l'objet de ses travaux; avant de s'en être occupé, il avait composé plusieurs traités sur d'autres sujets, traités que nous ne possédons plus. Le vizir Liçan ed-Dîn Ibn el-Khatîb, pour lequel notre auteur s'était toujours montré un ami dévoué, parle de ces écrits avec admiration et nous en fournit la liste, que je reproduis ici :

1° Un commentaire sur le Borda, poëme célèbre, composé par El-Bousîri à la louange de Mohammed;

2° Un Talkhîs, ou épitome de la plupart des traités composés par Ibn Rochd (Averroès);

3o Un traité de logique;

4° Un Talkhîs de la Somme (Mohassel) de théologie composée par l'imam Fakhr ed-Dîn er-Razi;

5o Un traité d'arithmétique;

6o Un commentaire sur un poëme en vers techniques (redjez) composé par le vizir Ibn el-Khatib et renfermant une exposition des principes fondamentaux de la jurisprudence'.

La Vie du vizir Liçan ed-Dîn Ibn el-Khatîb, composée par l'historien El-Mac

A cette liste on peut ajouter plusieurs lettres et un grand nombre de poëmes (cacîda) dont on retrouve des fragments dans l'Autobiographie et dans la vie d'Ibn el-Khatîb.

Mais l'ouvrage auquel Ibn Khaldoun doit sa grande renommée, c'est l'Histoire universelle et les Prolégomènes qui l'accompagnent. Parlons d'abord de l'Histoire. Cette vaste compilation se compose de notices, quelquefois très-étendues, sur tous les peuples et tous les empires qui ont figuré dans le monde, depuis les temps les plus reculés jusqu'aux dernières années du XIVe siècle. Rédigée sur un plan tout à fait nouveau, ainsi que l'auteur lui-même le fait remarquer avec une satisfaction évidente', elle s'écarte beaucoup de la forme ordinaire des chroniques composées auparavant.

Au lieu de suivre d'un seul trait l'ordre chronologique des événements, depuis le commencement du monde jusqu'au temps de l'auteur, elle consacre une section spéciale, et quelquefois un tableau généalogique, à chaque race, à chaque peuple et à chaque dynastie. Dans ces articles, Ibn Khaldoun réunit tous les renseignements qui concernent le peuple ou la famille dont il parle, renseignements jusqu'alors épars dans divers livres. Ce système offre, sans aucun doute, de grands avantages; il nous fournit sur chaque peuple et chaque dy

cari, forme deux gros volumes in-fol. La plus grande partie de l'ouvrage consiste en poemes, lettres et autres pièces composées par le vizir, et en plusieurs notices biographiques, dans lesquelles l'auteur fournit des renseignements sur les aïeux d'Ibn el-Khatib, sur ses amis et sur ses contemporains les plus distingués. Un exemplaire de cet ouvrage se trouve à la Bibliothèque impériale, ancien fonds, n° 758, 759. L'Histoire littéraire et poli

tique de l'Espagne, dont M. de Gayangos nous a donné une traduction abrégée, et dont le texte entier, remplissant plus de 1600 pages in-4°, vient d'être publié par les soins de MM. Dozy, Wright, Dugat et Krehl, avait été composée pour servir d'introduction à la biographie de Liçan edDîn. Le passage relatif à Ibn Khaldoun et par El-Maccari se trouve dans le manuscrit n° 759, fol. 9 r.

cité

1

Voyez ci-après, p. 9.

nastie une notice plus ou moins complète; mais si le lecteur veut étudier l'histoire d'un pays tel que l'Égypte, où plusieurs dynasties de différentes races ont régné successivement, il se voit obligé de passer, à diverses reprises, d'une partie de l'ouvrage à une autre, afin de trouver tous les renseignements qui concernent cette contrée. Il est vrai qu'en faisant de pareilles recherches il rencontre assez souvent deux récits d'un même événement, dont l'un sert de contrôle et quelquefois de correctif à l'autre. Pour former ce recueil de monographies, l'auteur eut sous les yeux les principaux ouvrages historiques, généalogiques et géographiques de la littérature arabe, et c'est en les dépouillant avec soin, et en condensant les indications ainsi recueillies, qu'il parvint à composer cette série de mémoires. Il n'avait pas eu d'abord l'intention d'écrire une histoire universelle. Retiré dans un château situé auprès de Tîaret, ville de la province d'Oran1, il s'était borné, dans les premiers temps, à traiter des dynasties et des tribus qu'il connaissait alors le mieux, celles de la Mauritanie.

A cet ouvrage, intitulé Histoire des Berbers, il ajouta un volume de prolégomènes; peu de temps après, il compléta son travail par une nouvelle série de mémoires relatifs aux peuples et aux dynasties de l'Orient.

L'Histoire universelle est partagée en trois livres, dont le premier se compose des Prolégomènes; le second a pour sujet les peuples de l'Orient, et le troisième est consacré à ceux de la Mauritanie.

Un exemplaire complet de cet ouvrage doit contenir, de plus, l'Autobiographie, et former sept volumes. Dans l'exemplaire manuscrit de la Bibliothèque impériale, Supplément

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