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1387 de J. C.), pour me rendre à Tor, port situé sur la côte orientale1 de la mer de Suez. Le dixième jour du mois suivant je m'embarquai à Tor, et après un mois de navigation j'arrivai à Yenbo. Ayant rencontré le mahmil2 dans cet endroit, nous l'accompagnâmes à la Mecque, où nous fîmes notre entrée, le 2 du mois de dou 'lcâda. Après avoir accompli les devoirs du pèlerinage, je m'en retournai (le mois suivant) à Yenbo, où je restai cinquante jours avant que le temps permît à notre vaisseau de prendre la mer. Nous partîmes enfin; mais, arrivés près de Tor, un vent contraire nous empêcha d'y aborder, et nous mit dans la nécessité de traverser la mer et de débarquer sur la côte occidentale 3, à El-Coseïr. De là nous fûmes escortés par des Arabes jusqu'à Cous, chef-lieu de la haute Égypte; et, après y avoir pris quelques jours de repos, nous nous embarquâmes sur le Nil; trente jours plus tard, au mois de djomada (maijuin 1381), nous arrivâmes au Caire. Je m'empressai d'offrir mes devoirs au sultan et de l'informer que j'avais fait des prières pour sa prospérité. Il accueillit mes paroles avec bienveillance et continua à me favoriser de sa protection “.

1 L'auteur a écrit, par inadvertance,

.occidentale » الغربي

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Le mahmil est une espèce de boîte pyramidale, couverte d'ornements et d'inscriptions, et portée à dos de chameau. Le souverain d'Egypte l'envoyait à la Mecque tous les ans, avec la caravane des pèlerins. On a supposé que le mahmil renferme le drap qui doit servir de couverture à la Câba, et qu'on renouvelle tous les ans; mais cette opinion est erronée : le mahmil est toujours vide et sert seulement à constater la suprématie du prince qui l'envoie.

3 Ici encore l'auteur fait une erreur du même genre que la précédente; il a écrit 3, «l'orientale. »

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jurisconsulte Abou 'l-Cacem Mohammed, fils d'Ibrahîm es-Saheli et petit-fils d'EtToueidjen. (Voyez Journal asiatique de mars 1843, p. 266, note.) Ce docteur y était venu aussi pour faire le pèlerinage et, comme il se trouvait chargé d'une lettre pour notre auteur, de la part d'Ibn Zemrek, vizir et secrétaire particulier d'Ibn el-Ahmer, roi de Grenade, il s'empressa de la lui remettre. Dans cet écrit, qui est partie en vers, partie en prose, le vizir rappelle à Ibn Khaldoun leur ancienne amitié et le prie de présenter au sultan Barcouc un poëme qu'il avait composé en l'honneur de ce prince et qui se trouvait joint à la lettre. Comme les extraits qu'Ibn Khaldoun nous donne de cette lettre n'offrent rien d'important, je passe à la suite de son récit.

Quelque temps après, ce prince eut à subir une rude épreuve 1; mais, Dieu l'ayant replacé sur le trône, je retrouvai auprès de lui la même bienveillance qu'il m'avait toujours montrée. Depuis mon retour, j'ai continué jusqu'à ce moment, c'est-à-dire au commencement de l'an 797 (fin d'octobre 1394), à vivre dans la retraite, jouissant d'une bonne santé et uniquement occupé de l'étude et de l'enseignement. Puisse Dieu nous accorder ses grâces, étendre sur nous son ombre tutélaire et regarder nos œuvres comme méritoires!

Les indications suivantes serviront à faire connaître ce qui arriva à Ibn Khaldoun depuis son retour de la Mecque jusqu'à sa mort:

« Le 10 du mois de ramadan 801 (17 mai 1399 de J. C.)2, on expédia un courrier à Ouéli 'd-Dîn Abd er-Rahman Ibn Khaldoun, qui demeurait alors dans son village, situé dans la province d'El-Feiyoum. (On l'appelait au Caire) pour remplir les fonctions de cadi malékite, place pour laquelle le cadi Cheref ed-Dîn avait offert une somme de soixante et dix mille dirhems (de trente à quarante mille francs), que le sultan refusa. Le 15 du même mois, Ibn Khaldoun arriva au Caire et obtint la charge de cadi malékite, en remplacement de Nacer ed-Dîn Ibn et-Tenneci, qui venait de mourir. Il fit aussitôt procéder à des enquêtes sur la moralité des individus qui servaient de témoins, et ordonna la fermeture de plusieurs cabarets. On rouvrit ces établissements après sa déposition 3. »

Le village dont il est fait mention ici fut probablement un ictâ (concession, bénéfice) que le sultan lui avait assigné pour

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A cette époque, le gouvernement égyptien paraît avoir eu pour règle de ne conserver le même cadi en exercice que pour un temps assez court; presque chaque mois il y eut des destitutions et des nominations de cadis; aussi le remplacement d'Ibn Khaldoun ne se fit pas attendre. Il avait d'ailleurs perdu son meilleur appui, le sultan El-Mélek ed-Dhaher Barcouc, qui mourut le 15 choual 801 (21 juin 1399).

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Le jeudi 12 moharrem 803 (4 septembre 1400), le grand cadi (cadi 'l-codat) Oue'li 'd-Dîn Abd er-Rahman Ibn Khaldoun fut remplacé par le cadi Nour ed-Din Ali Ibn el-Djelal, par suite d'une promesse qu'on avait faite à celui-ci 1. »

Selon Ibn Cadi Chohba2, le motif de ce changement fut la sévérité d'Ibn Khaldoun et sa promptitude à infliger des punitions. En cette occasion, il fut cité devant le grand chambellan (ministre d'état) et mis aux arrêts. Quelque temps après on le nomma professeur au collège malékite, en remplacement d'Ibn el-Djelal.

Au mois de rebiâ second de la même année (novembredécembre 1400), El-Melek en-Nacer Feredj, fils de Barcouc et sultan d'Égypte, apprit que Tîmour3 venait d'emporter d'assaut la ville d'Alep. Craignant le même sort pour Damas et les autres villes de la Syrie, Feredj sortit du Caire le jour même, et alla camper auprès de la Reïdaniya, mosquée située hors de la porte de Bab el-Fotouh. De là il se mit en marche pour Damas, emmenant avec lui ses émirs, le khalife, les grands cadis des rites chafeïte, malékite et hanbalite; mais il laissa

1 Solouk, fol. 22 r°; Bedr ed-Dîn, manuscrit no 684, fol. 36 ro; Anbâ 'l-Ghomr, manuscrit n° 658, fol. 174 vo.

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Manuscrit n° 687, fol. 170.

Le célèbre Tamerlan. Dans ces ex

traits, le nom de ce conquérant est écrit tantôt Tîmour et tantôt Témerlenk, c'est-àdire, Timour le Boiteux. De ce dernier nom, les Européens ont formé Tamerlan.

après lui le cadi hanéfite, qui était malade. Il ordonna à l'émir Yachbek de partir pour la même destination et d'emmener Ibn Khaldoun avec lui1.

On sait que le gouvernement mamlouk de l'Égypte reconnaissait la suprématie des Abbacides, et qu'il gardait toujours au Caire un fantôme de khalife appartenant à cette famille.

Le jeudi 6 du mois de djoumada premier (24 décembre 1400), le sultan fit son entrée à Damas, et alla s'installer dans la citadelle; mais, ayant appris que l'avant-garde de Tîmour approchait de la ville, il sortit, le samedi suivant, pour aller au-devant de l'ennemi. Deux combats eurent lieu, et Tîmour s'était presque décidé à éviter une troisième rencontre, quand plusieurs émirs égyptiens, et un grand nombre de mamlouks, abandonnèrent leur sultan et prirent la route du Caire. Ils avaient, à ce qu'on a prétendu, l'intention de mettre sur le trône un officier mamlouk nommé le cheïkh Ladjîn 2. Les autres émirs, consternés de cette trahison, enlevèrent le sultan de nuit, à l'insu de l'armée, et le ramenèrent en Égypte. Le reste des troupes se débanda, à l'exception du faible détachement qui formait la garnison de Damas. Les habitants de cette ville pensèrent d'abord à faire une vigoureuse résistance; mais, se voyant cernés de toute part, ils se décidèrent à envoyer le grand cadi, Ibn Moflih, avec une députation de cadis, de négociants et de notables auprès de Tîmour, afin de traiter avec lui. Comme le commandant de la garnison égyptienne ne voulut consentir à aucun arrangement, ni permettre à la députation de sortir de la ville, les envoyés se firent descendre du haut de la muraille au moyen de cordes, et se rendirent ensuite au camp des assiégeants. Tîmour, les ayant reçus,

1 Solouk, fol. 24 r°; Ibn Cadi Chohba, fol. 174 v°; Bedr ed-Dîn, fol. 38 r°.

2 Solouk, fol. 26 ro; Ibn Cadi Chohba fol. 177 r°; Bedr ed-Dîn, fol. 39 vo.

consentit à se retirer moyennant une contribution d'un million de dinars (environ douze millions de francs); mais, quand la somme lui fut payée, il exigea encore dix mille dinars 1. On eut alors l'imprudence de le laisser occuper une des portes de la ville par un détachement de troupes chargé de maintenir l'ordre parmi les Tartares qui y entreraient pour faire des emplettes. Tîmour profita de cette occasion pour s'emparer de la place. Il enleva aux habitants toutes leurs richesses, et en fit périr un grand nombre dans les tortures. Le reste fut emmené captif, et Damas devint la proie des flammes.

Nous allons examiner ce que devint Ibn Khaldoun pendant ces événements désastreux.

« Le cadi 'l-codat Ouéli 'd-Dîn Abd er-Rahman Ibn Khaldoun était à Damas lors du départ du sultan. Quand il apprit cette nouvelle, il descendit du haut de la muraille au moyen d'une corde, et alla trouver Tîmour. Ce prince l'accueillit avec distinction, et le logea chez lui; puis il l'autorisa à rentrer en Égypte 2. »

Quand Ibn Khaldoun se trouva enfermé à Damas, il descendit du haut de la muraille au moyen d'une corde, et, s'étant rendu au milieu des troupes de Tîmour, il se fit conduire auprès de leur chef. Tîmour, frappé de son air distingué, ébloui même par ses discours, le fit asseoir, et le remercia de lui avoir procuré l'occasion de connaître un homme si savant. Il le retint auprès de lui et le traita avec les plus grands égards, jusqu'au moment où il lui accorda la permission de partir. Il lui fournit aussi des provisions pour la route.

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Le jeudi 1 châban (17 mars 1401), Ibn Khaldoun arriva au Caire, ayant quitté Damas avec l'autorisation de Tîmour, qui lui avait donné un sauf-conduit signé de sa propre main. La suscription se composait des mots Timour Gorghan 3. Grâce à l'intervention d'Ibn

1 Anba 'l-Ghomr.

El-Macrîzi, dans son Solouk, fol. 27 v°.

3 Selon Abou 'l-Mehacen, ms. arabe, n° 666, fol. 83, le mot Gourghan est l'équi

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