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Abou-Yousouf Yacoub-el-Mansour, le célèbre Almanzor, à qui elle envoya une ambassade dès son avènement.

1186.

Diplôme commercial accordé par Almanzor aux Pisans.

:

L'acte impérial délivré par Yacoub aux Pisans, le 15 novembre 1186, est au fond, quoique sous forme de charte octroyée et quoique la mutualité d'engagements n'y soit pas expressément stipulée, un acte réciproquement obligatoire. Notifié par une seule partie, il n'en est pas moins un traité synallagmatique. Il fut toujours désigné et considéré comme un acte bilatéral, et il fut renouvelé comme tel en 1211. Ses conditions, étendues à une durée de vingt-cinq ans, furent déclarées valables pour tous les États de la république de Pise, qui sont ainsi délimités de Civita-Vecchia au cap Corvo, près de la Spezzia, avec les îles de Sardaigne, de Corse, d'Elbe, et les îles Capraia, Monte-Cristo, Giglio et la Gorgone. La convention oblige les Pisans à punir tout sujet de la république ayant fait acte de piraterie contre les sujets de l'émir des mêmes peines qui protégeaient ses propres citoyens contre les pirates. Elle rappelle et prescrit toutes les mesures assurant la liberté des personnes, des biens et des transactions des Pisans dans les États almohades, sous la seule obligation de l'acquit de dix pour cent sur les marchandises vendues à des marchands arabes; la vente d'objets, navires ou marchandises entre chrétiens n'était assujettie à aucune contribution.

Elle renferme cependant quelques dispositions empreintes encore de certaines défiances à l'égard des Pisans. Les relations amicales qu'avait eues la républi

que avec les anciennes dynasties rendaient peut-être ces précautions nécessaires pour le gouvernement almohade. Ordinairement les navires chrétiens venant commercer en Afrique pouvaient aborder à toutes les villes du littoral où se trouvaient des bureaux de douane destinés à la perception des droits royaux. Le diplôme de Yacoub, dans une forme particulièrement impérative et rigoureuse, limite absolument la faculté de commerce donnée aux Pisans à cinq villes de ses États d'Afrique et d'Espagne, à savoir: Ceuta, Oran, Bougie, Tunis et Almeria. Les ports des quatre premières villes étaient indistinctement ouverts à leurs importations et à leurs exportations. A Almeria, ils pouvaient seulement se ravitailler et réparer leurs nefs. En aucun autre lieu ils ne devaient aborder, si ce n'est pour chercher un abri momentané au milieu d'une tempête; et en ce cas il leur était défendu de vendre ni d'acheter quoi que ce fût, ni même de parler d'aucune affaire avec les gens du pays, sous peine de confiscation ou de mort. Si Tripoli et El-Mehadia appartenaient encore à cette époque aux Almohades, comme tout l'indique, il est difficile de ne pas voir quelque motif politique dans l'exclusion aussi formelle de commercer avec ces villes, où les Pisans avaient eu jusque-là des magasins et des établissements considérables.

1180-1181. Traité de paix et de commerce entre le roi almohade Yousouf et le roi de Sicile.

Le rétablissement des bons rapports entre les souverains almohades et les Normands de Sicile se fit plus longtemps attendre que l'accord avec les Pisans. Une

circonstance fortuite les détermina, après vingt années d'hostilités continuelles entre les deux pays.

Vers l'an 1180, sous le règne de Guillaume le Bon, fils de Guillaume Ier, dont la mauvaise administration n'avait pas peu contribué à la perte d'El-Mehadia, la flotte sicilienne saisit un navire arabe à bord duquel se trouvait une fille du sultan Yousouf, que l'on conduisait à un émir, son fiancé. La princesse, amenée à la cour du roi Guillaume, y fut traitée avec égards et ramenée peu après dans le palais de son père. Touché de ce procédé, Yousouf envoya aussitôt un ambassadeur en Sicile pour remercier le roi et s'entendre avec lui sur le renouvellement des anciennes trêves qui règlaient les relations des deux pays. Les négociations ne furent pas longues, et l'année suivante (1181), au mois d'août, un traité de paix et de commerce, d'une durée de dix ans, fut signé dans la ville de Palerme, où l'envoyé almohade s'était rendu. Les sujets du roi de Sicile obtinrent, par suite de cet accord, la faculté de rétablir leurs comptoirs à Zouïla et à El-Mehadia. Il n'est pas possible de donner plus de portée à ce que Robert du Mont dit de la restitution des deux villes de Sibilia et d'Africa, faite par le roi de Maroc au fils de Guillaume Ier, à qui elles avaient été enlevées en 1160.

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Origine du tribut payé par les rois de Tunis aux rois de Sicile.

C'est vraisemblablement dans ces circonstances, ou peu après, que s'établit entre l'Afrique et la Sicile une convention par suite de laquelle Tunis, redevenue capitale d'un royaume indépendant au treizième siècle,

dut payer annuellement au roi de Sicile une sorte de redevance, dont Charles d'Anjou avait à réclamer quelques arrérages au moment où saint Louis détourna momentanément de son but la seconde croisade qu'il avait entreprise, pour aider son frère à se faire rendre justice. Aucun monument ancien n'indique l'époque à laquelle ce tribut fut consenti pour la première fois. Les traités et les chroniques n'en parlent qu'au moment où l'obligation fut déniée par le roi de Tunis; son origine paraît remonter, si ce n'est au temps de la domination des Siciliens sur la côte du Magreb oriental, du moins au temps où le traité de Yousouf et de Guillaume II rétablit les relations entre les deux pays.

Les auteurs chrétiens ont d'ailleurs exagéré, dès le moyen âge, l'importance et la nature de la convention. qui avait établi le tribut. La redevance n'avait aucun caractère politique et n'impliquait aucune sorte de sujétion du royaume de Tunis vis-à-vis de la Sicile. C'était un simple abonnement, une prestation consentie par les rois de Tunis pour sauvegarder leurs sujets de toute attaque de la part des corsaires siciliens, pour leur garantir le libre accès des ports de la Sicile et la faculté d'y acheter du blé en franchise quand leurs récoltes avaient été insuffisantes. Jusqu'en 1830, la plupart des États d'Italie ont acheté à leur tour aux régences barbaresques par un tribut analogue la sécurité de leurs côtes.

Un document du treizième siècle constate que l'assurance de Tunis était d'une somme annuelle de 33 ou 34,333 besants d'or, somme répondant à peu près en valeur absolue à 326,163 francs de notre monnaie actuelle.

1181-1203.

Traités des Pisans et des Génois avec les Ibn-Ghania, prince des Baléares, jusqu'à la conquête de Majorque par les Almohades.

Sur le déclin de la monarchie almoravide, et avant que les Almohades eussent entièrement affermi leur puissance en Afrique, une branche des Ibn-Ghania était parvenue à se constituer une seigneurie indépendante dans les îles Baléares, après en avoir reçu le gouvernement des Almoravides. Cette famille tirait son origine d'Ali-Ibn-Yousouf-el-Messoufi, chef d'une tribu influente, à qui le sultan almoravide Yousouf-Ibn-Tachefin avait donné en mariage une de ses parentes, nommée Ghania. Les enfants issus d'El-Messoufi et de Ghania préférèrent le nom plus illustre de leur mère, et s'appelèrent, avec toute leur descendance, les IbnGhania, ou les Beni-Ghania, les fils de Ghania. Les deux premiers furent Yahya, ouali de l'Espagne occidentale, qui résida à Cordoue, et Mohammed-Ibn-Ghania, à qui Tachefin confia, en 1126, le commandement des Baléares.

Mohammed, secondé par l'assemblée des notables de Majorque, administra les îles comme un domaine particulier, sans tenir grand compte du sultan almoravide. Il conserva le pouvoir jusqu'à sa mort et le transmit à son fils Abd-Allah; celui-ci fut remplacé par un de ses frères, nommé Ishak, l'Abou-IbrahimIshak-Ibn-Ghania des documents diplomatiques, qui passe pour avoir assassiné son frère Abd-Allah, et qui n'est pas tout à fait pur du soupçon de parricide. On a deux traités de ce prince, l'un conclu avec les Génois en 1181, l'autre avec les Pisans en 1184; nous y voyons

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