l'an 796 (1393-4), il reçut un coup de lance de son neveu, Mohammed-Ibn-Fetîta, à la suite d'une querelle. Blessé à mort, il succomba dans la soirée du même jour, avant de pouvoir atteindre sa tente. Il eut pour successeur dans le commandement des Kaoub son neveu Soula-Ibn-Khaled. Cette nomination fut faite par notre seigneur, le sultan Abou-'l-Abbas. PRISE DE SOUÇA ET D'EL-MEHDIA. Après la défaite de l'armée mérinide aux environs de Cairouan et l'occupation de toutes les provinces de l'empire hafside par les Arabes, le sultan Abou-'l-Hacen leur concéda plusieurs villes et territoires qui ne leur avaient jamais appartenus jusqu'alors. Ce fut ainsi qu'il accorda à Khalifa-Ibn-Abd-Allah-Ibn-Meskîn, chef des Hakîm, le commandement de la ville de Souça. Khalifa y établit sa demeure et s'en appropria les impôts ; il usurpa mème l'autorité suprême, sans avoir égard aux droits de son seigneur. Quand il mourut, son cousin Amer-Ibn-Meskîn, devint chef de la tribu et reçut d'Abou-Mohammed-Ibn-Tafraguîn, qui était alors tout-puissant, l'autorisation de garder la ville et de suivre le système de son prédécesseur. Amer fut tué par les Kaoub, et Abou-Sanouna, neveu de Khalifa, prit le commandement de la tribu. Il établit à Souça la siége de son gouvernement et se rendit indépendant; quelquefois même il déclarait la guerre au sultan et faisait des courses dans les provinces de l'empire et jusqu'aux environs de la capitale. Dans une de ces incursions il fit prisonnier Mansour-Serîdja, affranchi du sultan Abou-Ishac et général de ses armées; mais, après quelques jours, il relâcha cet officier et rentra dans l'obéissance. Ce fut ainsi que tous ces Arabes avaient l'habitude d'agir et, pendant ce temps, les cultivateurs et les négociants, victimes constantes de leur oppression, ne cessèrent d'invoquer le secours de Dieu afin d'échapper au malheur qui les accablait. La providence rendit enfin le bonheur aux peuples de l'ifrîkïa et leur permit de rentrer sous la protection d'un gouvernement régulier. Notre seigneur, le sultan Abou-'l-Abbas, étant devenu maître de la capitale et de toutes ses provinces, fit éclater partout l'orage de sa puissance et le dirigea sur la tête des Arabes. Vers cette époque, Abou-Sanouna quitta Souça, s'étant aperçu que les habitants n'étaient pas bien disposés en sa faveur. La populace expulsa alors les fonctionnaires qu'il y avait laissés et accueillis avec empressement les agents du sultan. Quelque temps après, l'émir Abou-Yahya conduisit un armée dans la province de Tripoli et força les habitants de cette région à faire leur soumis-sion et à payer l'impôt. El-Mehdia avait alors pour gouverneur Ibn-el-Djekdjak, chef qui tenait sa nomination d'Abou-Mohammed-Ibn-Tafraguin. Il fut revêtu de ce commandement à l'époque où son patron, le chambellan, arracha El-Mehdia aux mains d'Abou-'Abbas-Ibn-Mekki et de l'émir Abou-Yahya-Zékérïa. Après la mort d'Ibn-Tafraguîn il se rendit indépendant; mais, maintenant que l'aiguillon de la domination impériale lui blessait les flancs et que la poussière de l'armée royale s'avançait vers lui, il craignit les conséquences d'une défaite et s'embarqua pour Tripoli. Abou-Bekr-Ibn-Thabet, seigneur de cette ville, l'accueillit très-bien à cause des liens de mariage qui attachaient, depuis longtemps, sa famille à celle du refugié. Le sultan Abou-'l-Abbas s'empressa de faire occuper El-Mehdia, d'y envoyer des administrateurs et de l'incorporer dans son empire. Ainsi, partout, le succès de ses armes fut complet. L'ÎLE DE DJERBA EST INCORPORÉE DANS LE ROYAUME DU SULTAN. Mohammed-Ibn-Abi-'l-Oïoun, nommé gouverneur de Djerba par Abou-Abd-Allah-Ibn-Tafraguin, adopta la ligne de conduite suivie par ses voisins, les gouverneurs de Cabes, de Tripoli et des villes du Djerîd. Comme eux, il cessa d'obéir au sultan ; comme eux, il usurpa l'autorité suprême, adopta les allures, le cérémonial et l'habillement distinctif d'un prince indépendant. Nous avons déjà parlé de sa famille et mentionné que son père avait été ministre des finances à Tunis, sous l'administration du chambellan Abou-Mohammed-Ibn-Tafraguîn. Nous avons dit aussi que le fils entra en qualité de secrétaire, au service d'Abou-Abd-Allah, fils du même chambellan. Lors de la conquête de Djerba [en l'an 763], il obtint de son patron le commandement de cette île et, quand celui-ci, croyant à la reconnaissance de son ancien protégé, y chercha un asile contre le sultan Abou-Ishac, il l'empêcha d'y pénétrer. Vers cette époque, il se concerta avec les BeniSemoumen, cheikhs de Djerba et, pendant les règnes d'Abou-Ishac et d'Abou-'l-Baca-Khaled, il y maintint son indépendance. La prise de Tunis par le sultan Abou-'l-Abbas le remplit de consternation; il courut assister aux réunions dans lesquelles les cheikhs du Djerîd essayaient d'organiser une coalition défensive contre ce souverain, et, dans ces conférences, il prit une part très-active, bien qu'il se fût toujours tenu en seconde ligne jusqu'alors. Sa désobéissance et son refus de payer l'impôt excitèrent enfin le mécontentement du sultan. Quand ce prince eut soumis les villes maritimes de l'empire, il plaça son fils, l'émir Abou-Bekr, à la tête d'une armée et l'envoya contre Djerba. Khalesa-t-edDola-Mohammed-Ibn-Ali-Ibn-Ibrahim-Ibn-Abi-Hilal, descendant de ce Abou-Hilal, cheikh des Almohades qui commanda à Bougie sous le règne du sultan El-Mostancer 3, fut autorisé d'accompagner cette expédition. Une flotte partit en même temps pour établir le blocus de l'île. L'émir campa près le gué qui sépare Djerba du continent, et quand ses navires furent arrivés au mouillage, il fit investir El-Cachetîl, forteresse dans laquelle Ibn-Abi-Oïoun s'était enfermé. Les cheikhs de la population berbère et les militaires que le rebelle avait pris à sa solde reconnurent, en se voyant bloqués par terre et par mer, que toute résistance serait inutile et abandonnèrent leur chef. Ils livrèrent 1 Voy. ci-devant, page 65. * Dans le texte arabe, il faut lire casadahou. Voy. t. 1, page 353. 1 alors la forteresse au commandant de la flotte et coururent au camp de l'émir pour lui offrir leur soumission. Khalesat-ed-Dola se mit aussitôt à leur tête et, s'étant fait suivre par la maison militaire de l'émir, il pénétra de vive force dans le château et se saisit d'Ibn-Abi-'l-Oïoun. Le palais du rebelle fut occupé par la troupe et l'île reçut un autre gouverneur. Les vainqueurs partirent alors pour se rendre auprès du sultan. Ibn-Abi-'l-Oroun fut transporté à Tunis par mer et débarqué à la douane. De là on le conduisit, à dos de chameau, jusqu'à la citadelle, en le promenant à travers les rues de la ville; ce qui tonna au peuple un nouvel exemple de la vengeance divine. Le ultan s'étant fait amener le prisonnier, lui reprocha la perversité de sa conduite et ses intrigues criminelles avec ces hommes égarés, les émirs du Djerîd. Il s'abstint toutefois de lui ôter la vie et le condamna à une détention perpétuelle. Ibn-Abi-'l Oïoun mourut en prison, l'an 779 (1377-8). LES FILS DU SULTAN REÇOIVENT LE COMMANDEMENT DES FORTERESSES OCCIDENTALES [BOUGIE ET CONSTANTINE]. Quand le sultan Abou-'l-Abbas, encouragé par les conseils de Mansour-Ibn-Hamza, céda aux instances du peuple de l'Ifrîkïa et entreprit l'expédition qui devait le rendre maître de la capitale, il étudia le caractère et la capacité de chacun de ses fils afin d'en choisir deux auxquels il pourrait confier les importants commandements de Bougie et de Constantine. Son choix se fixa, d'abord sur l'émir Abou-Abd-Allah, l'aîné de tous et celui qu'il affectionnait le plus. Ce prince reçut le commandement de la ville et de la province de Bougie, et fut installé dans Le texte arabe porte El-Khassa, mais il faut lire, avec les manuscrits, El-Khaleça. Quelques lignes plus haut, on a imprimé el-djezaïra à la place d'el-djezira. Celle-ci est la bonne leçon. le palais de gouvernement avec pleins pouvoirs: étant autorisé à disposer des fonds provenant des impôts et à enrôler autant de troupes qu'il jugerait convenable. Le commandement de la ville et de la province de Constantine avait été confié à l'affranchi Bechîr, l'épée de l'empire et le directeur de toutes les expéditions militaires. Elevé au palais, Béchîr était passé, par droit d'héritage, dans la possession du sultan actuel. Il se distinguait par sa bravoure et sa résolution, et il devait à de bons services et aux talents qu'il avait déployés dans une longue carrière administrative, la permission d'en user très-familièrement avec son souverain. Tant qu'Abou'l-Abbas vécut expatrié, Bechîr ne l'abandonna jamais; dans les jours d'adversité, il lui demeura toujours fidèle, et, à l'époque où ce prince épuisait ses efforts contre la ville de Constantine, l'affranchi dévoué passa par tant d'epreuves et subit un emprisonnement si prolongé qu'il mérita bien toute la faveur de son maître. Ayant enfin procuré à ce prince la possession de l'empire et d'une gloire sans tâche, il atteignit au but de ses désirs et à tous les honneurs qu'il pouvait ambitionner. Jouissant de la confiance du sultan, il eut toujours la direction des affaires militaires et le commandement de l'armée. Après la prise de Bougie, Abou-'l-Abbas se consacra à la défense de cette place forte et donna le gouvernement de Constantine à Bechîr, auquel il confia en même temps son jeune fils, l'émir Abou-Ishac, en le chargeant de l'élever avec soin. Lors de l'expédition contre Tunis, Bechir eut l'ordre d'amener des troupes au sultan, ce qui lui procura l'occasion d'assister à la prise de cette capitale. Il repartit ensuite pour Constantine, plus en faveur, plus puissant que jamais, et, jusqu'à sa mort, il continua à remplir dignement ce haut commandement. En l'an 773 (1371-2), le sultan envoya son fils, l'émir AbouIshac, auprès du sultan Abd-el-Azîz, roi du Maghreb, afin de le complimenter sur la prise de Tlemcen et de cultiver l'amitié de ce voisin redoutable. Le cheikh des Almohades, Abou-IshacIbn-Abi-Hilal, personnage dont nous avons déjà parlé ainsi que de son frère, accompagna le jeune prince dans ce voyage. |