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pables. Tous furent d'avis qu'il avait le droit de déposer les chefs réfractaires; opinion que les docteurs les plus distingués de l'Irac, tels qu'El-Ghazzali et Tortouchi confirmèrent par la leur. Fort d'une décision aussi favorable, Youçof se rendit à Grenade et en détrôna le souverain, Abd-Allah-Ibn-Bologguîn-Ibn-Badis (483: 1090-4) Il traita de la même manière Temîm, frère du précédent et souverain de Malaga; puis, ayant découvert que ces princes avaient été en négociation avec le roi chrétien dans un but hostile aux Almoravides, il les déporta tous les deux en Maghreb. Ce procédé inspira une telle frayeur à Ibn-Abbad qu'il évita de se rendre auprès de Youçof; aussi leur mésintelligence ne tarda pas à éclater.

Youçof s'étant alors transporté à Ceuta, où il avait l'intention de rester quelque temps, confia le gouvernement de l'Espagne à l'émir Sir-Ibn-Abi-Bekr-Ibn-Mohammed-Ibn-Oureggout, et lui ordonna de partir pour ce pays. Ibn-Abbad s'étant abstenu d'aller au-devant de ce chef pour lui faire sa cour, reçut bientôt de lui la sommation formelle de reconnaître l'autorité de l'émir Youçof-Ibn-Tachefin et d'abdiquer le trône. Il en résulta une guerre dans laquelle le général almoravide occupa les états de son adversaire, enleva Cordoue à El-Mamoun, fils d'Ibn-Abbad, et força Yezîd-er-Radi, autre fils du même, à abandonner le commandement de Ronda et de Carmona. Après avoir mis à mort tous ces princes, il assiégea El-Motamed-Ibn-Abbad dans Séville et le mit dans la nécessité d'invoquer le secours du roi chrétien. Ce monarque accourut pour le dégager et pour empêcher la chute de la ville; mais les Lemtouna le repoussèrent de manière à lui ôter tout espoir du succès, et en l'an 484 (1094), ils emportèrent Séville d'assaut. El-Motamed fut fait prisonnier et conduit à Maroc.

1 Abou-Hamed-el-Ghazzali, célèbre philosophe et légiste chafite, était professeur de jurisprudence à Baghdad et mourut en 503 (1109). Abou-Bekr-et-Tortouchi, docteur du rite malekite, controversiste et ascète, naquit à Tortosa, en Espagne, voyagea en Orient et mourut à Alexandrie en l'an 520 (1126). Dans le second volume de la traduction du dictionnaire biographique d'Ibn-Khallikan se trouvent deux notices consacrées à ces docteurs.

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le titre de Commandant des musulmans (Emir el-Moslemin), il fit proclamer la suprématie d'El-Mostadher, khalife de Baghdad, et lui expédia deux ambassadeurs. L'un de ces envoyés fut AbdAllah-Ibn-Mohammed-Ibn-el-Arebi-el-Mâaferi, natif de Séville, et l'autre fut le cadi Abou-Bekr, fils de celui-ci. Ces agens prirent un ton si insinuant et remplirent leur mission avec tant d'adresse, que le khalife déclara leur maître souverain de l'Espagne et du Maghreb et expédia des lettres patentes à cet effet, afin d'en donner connaissance au public. Ils rapportèrent aussi à Youçof un acte d'investiture par lequel le khalife lui accordait la souveraineté de toutes les contrées sur lesquelles il avait déjà étendu sa domination. L'imam El-Ghazzali et le cadi Abou-Bekret-Tortouchi lui adressèrent aussi des lettres de conseils et l'engagèrent de la manière la plus pressante à gouverner avec justice et à ne jamais s'écarter de la bonne voie; ils lui envoyèrent, en même temps, leur décision relative aux roitelets musulmans de l'Espagne, décision qui l'autorisait à exécuter sur eux la sentence de Dieu.

En l'an 497 (1103-4), Youçof passa en Espagne pour la quatrième fois, à la suite de l'expédition que le souverain hammadite, El-Mansour-Ibn-en-Nacer, avait entreprise, la même année, contre Tlemcen. Nous avons déjà parlé de cette démonstration hostile dans notre notice sur les Beni-Hammad et mentionné qu'Ibn-Tînamer avait enlevé à El-Mansour la ville d'Achir. Pour donner satisfaction au prince hammadite, Youçof ôta le commandement de Tlemcen à Ibn-Tînamer et ordonna à Mezdeli de quitter le gouvernement de Valence et d'aller remplir la place vacante. Abou-Mohammed-Ibn-Fatema fut nommé gouverneur de Valence.

Après avoir fait de nombreuses expéditions dans le pays des chrétiens, Youçof-Ibn-Tachefîn mourut à la fin du cinquième siècle (dans le mois de Moharrem 500. Septembre 1106). Ali-Ibn-Youçof, fils d'Ibn-Tachefin et prince d'un excellent

↑ Voy. vol. 1, p. 138.

Voy. p. 54 de ce volume.

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caractère, monta alors sur le trône. Son règne commença par des jours prospères et par une suite de victoires sur les infidèles. Ayant passé le Détroit, il mit à feu et à sang le pays des chrétiens, ramena une foule de prisonniers et confia à [son frère] Temîm le gouvernement de l'Espagne. Le roi chrétien rassembla alors des troupes pour combattre les musulmans, mais son armée fut mise en déroute par celle de Temîm.

En l'an 503 (1109-40), Ali-Ibn-Youçof traversa le Détroit, assiégea Tolède et porta le ravage dans le territoire chrétien. Après sa rentrée de cette expédition, le fils de Radmîr [Alphonse I, fils de Don Sanche Bamirez] marcha contre Saragosse et défit les musulmans [de Tudèle] qui étaient sortis à sa rencontre. Leur chef, [El-Mostaïn-]1bn-Houd, mourut sur le champ de bataille, martyr de la foi, et le fils de Radmîr assiégea la ville [de Tudèle] jusqu'à ce qu'elle se rendit à discrétion '.

Quelque temps après, c'est-à-dire en 509 (1115-6), les Génois s'emparèrent de Maïorque. Cette île dut sa délivrance et le retour de sa prospérité à Ibn-Tafertast, général almoravide dont nous avons déjà parlé dans notre notice sur les roitelets d'Espagne 2.

Ali-Ibn-Youçof continua à jouir d'un règne prospère et à augmenter sa puissance. En l'an 526 (1131-2), il nomma son fils Tachefin gouverneur de l'Espagne occidentale, lui désigna Cordoue et Séville comme résidences, et le fit accompagner à sa destination par Ez-Zobeir-Ibn-Omar, chef almoravide de haut rang. Il accorda en même temps le gouvernement de l'Espagne orientale à Abou-Bekr-Ibn-Ibrahim-el-Messoufi auquel il assigna Valence pour lieu de séjour. Cet Abou-Bekr est le même émir que le poète Ibn-Khafadja 3 a célébré dans ses vers

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Saragosse fut as

1 Nous avons corrigé l'erreur d'Ibn-Khaldoun. siégé en 1444 par le roi d'Aragon. Ce prince s'empara alors de Tudèle, leva le siége de Saragosse, l'assiégea de nouveau en 1118 et s'en empara.

2 La notice des souverains espagnols se trouve dans la partie inédite de l'ouvrage.

3 La vie de ce poète se trouve dans le premier volume de la traduction d'Ibn-Khallikan, p. 36.

et qui eut à son service [comme ministre] le philosophe AbouBekr-Ibn-Badja [Avenpacé], mieux connu sous le nom d'Ibnes-Saïgh. Ali-Ibn-Youçof donna à Ibn-Ghania-el-Messoufi le gouvernement de Dénia et des îles baléares.

Pendant les quatorze premières années de son administration, Ali-Ibn-Youçof avait constamment joui des faveurs de la fortune, mais enfin, la prospérité de son règne fut interrompue par l'apparition du Mehdi, fondateur de la secte des Almohades. Cet imam s'était d'abord occupé de l'étude et de l'enseignement; ensuite il se chargea gratuitement des fonctions de musti (légiste consultant) et travailla avec un zèle extraordinaire à la réformation des mœurs. Dans l'accomplissement de cette tâche, il eut à subir bien des désagréments, surtout à Bougie, à Tlemcen et à Miknaça où il reçut toutes sortes de mauvais traitements des méchants et des gens pervers. Cité à comparaître devant l'émir Ali-Ibn-Youçof, il maintint une controverse avec les docteurs almoravides, les réduisit au silence et partit pour rejoindre sa tribu, les Hergha. Il était déjà arrivé au milieu de ce peuple quand Ali-Ibn-Youçof changea d'avis à son sujet et fit courir après lui. Les Hergha, sommés de livrer leur compatriote et se voyant menacés par un corps de troupes almoravides, formèrent une alliance avec les Hintata et les Tînmelel, et prirent tous l'engagement de protéger le Mehdi, de maintenir la vraie religion et de la propager, selon la promesse qu'ils lui avaient faite. Nous parlerons en détail de ces événements dans 1 histoire des Almohades. En l'an 524 (1130), [deux ans] après la mort du Mehdi, son principal disciple, Abd-el-Moumen-el-Koumi, prit le commandement en vertu du testament de cet imam.

Les tribus masmoudites, animées alors d'un seul et même sentiment, attaquèrent, à plusieurs reprises, la ville de Maroc, et, pendant que la puissance des Lemtouna s'affaiblissait en Espagne, elles travaillèrent à faire triompher la cause almohade en Maghreb et à y rallier les autres populations berbères.

1 Dans ma traduction d'Ibn-Khallikan,vol. I, p. 433, se trouve une notice d'Avenpacé.

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