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pays des] Beni-Meracen, et, ensuite, [le château des] Fendelaoua ; puis, en 458, il subjugua les contrées arrosées par le Ouergha. En 460, il se rendit maître du pays des Ghomara et, deux années plus tard (1069), il mit encore le siége devant Fez et l'emporta d'assaut. Plus de trois mille Maghraouiens, Ifrénides, Miknaciens et Zenatiens y trouvèrent la mort, et, à défaut de local assez vaste pour enterrer chaque cadavre séparément, on les entassa tous dans des fosses énormes creusées exprès. Ceux qui échappèrent au massacre se réfugièrent dans Tlemcen. Le vainqueur fit alors abattre le mur qui séparait le quartier des Cairouanides de celui des Andalousiens, et ayant ainsi formé de Fez une seule ville, il l'entoura d'un rempart et y fit élever plusieurs mosquées par les habitants.

En l'an 463 (4070-4), il partit pour le Molouïa, soumit les territoires que traverse ce fleuve, réduisit les bourgades d'Outat qui en sont voisines, et, deux années plus tard, il marcha contre la ville d'Ed-Demna et l'emporta d'assaut. Ensuite, il prit Aloudan, un des châteaux du pays des Ghomara, et, en l'an 467, il se rendit aux montagnes de Ghïatha et des Beni-Mekoud, dans la province de Tèza. Après avoir soumis ces localités, il partagea le Maghreb en gouvernements dont il confia le commandement à ses fils, à ses parents et aux chefs almoravides.

Quelque temps après, El-Motamed-Ibn-Abbad [roi de Séville] l'invita à l'aider contre les Chrétiens, mais il s'en excusa en lui représentant que la ville de Ceuta était occupée par le chambellan Soggout-el-Berghouati et une foule de partisans de la dynastie hammoudite. Ibn-Abbad le fit alors avertir par des ambassadeurs qu'il était disposé à le seconder dans une guerre contre les Hammoudites. Par suite de cette communication, Youçof mit en campagne une armée lemtounite sous les ordres de Saleh-IbnAmran. Soggout et son fils, Aziz-Diâ-ed-Dola (lumière de l'empire), menèrent un corps de troupes contre les Almoravides et leur livrèrent bataille aux environs de Tanger. Dans cette rencontre, Soggout perdit la vie, et son fils se réfugia dans Ceuta. Une lettre écrite par Saleh apprit à Youçof-Ibn-Tachefîn la nouvelle de cette victoire.

En l'an 472 (1079-80), Youçof expédia vers le Maghreb central un corps de Lemtouniens commandé par son parent, le général Mezdeli, fils de Tîlenkan -Ibn-Mohammed-Ibn-Oureggout, auquel il avait donné l'ordre d'attaquer les princes de race maghraouienne qui commandaient à Tlemcen. Cette ville avait alors dans ses murs l'émir El-Abbas-Ibn-Yahya, rejeton de

Yala-Ibn-Mohammed-Ibn-el-Kheir-Ibn-Mohammed-Ibn-Khazer. Mezdeli soumit le Maghreb central et, en traversant le pays des Zenata, il fit prisonnier Yala, fils de l'émir El-Abbas, et lui ôta la vie.

L'année suivante, lorsque ces troupes furent de retour, Youçof pénétra dans le Rif et occupa Guercif, Melila et les autres villes de cette province. La ville de Nokour, qu'il détruisit pendant cette expédition, ne se releva plus de ses ruines.

A la suite de ces conquêtes, Youçof mena ses Almoravides dans le Maghreb central et soumit la ville d'Oudjda ainsi que le pays des Beni-Iznacen. Il prit ensuite la ville de Tlemcen dont il tua le gouverneur, El-Abbas-Ibn-Yahya, et toute la garnison maghraouienne. Voulant faire de cette place un des boulevards de son empire et un lieu de station pour ses troupes, il y installa un corps almoravide sous les ordres de Mohammed-Ibn-Tinamer le messoufien. A l'endroit où il avait dressé son camp, il fonda la ville de Tagraret. Ce mot signifie station en langue berbère. Ayant ensuite effectué la conquête de Ténès, d'Oran, du Ouancherîch et de tout le pays jusqu'à Alger, il reprit le chemin de l'occident et rentra à Maroc en 475 (4082-3). Mohammed-IbnTinamer conserva le gouvernement de Tlemcen jusqu'à sa mort et eut pour successeur son frère Tachefin.

Le roi chrétien [Alphonse VI, roi de Léon et de Castille] s'étant

1 Variantes: Melenkan, Temlenkan.

• Comme Oureggout signifie fils de Reggout, le mot arabe Ibn (fils) qui précède ce nom doit être supprimé. On remarquera que, dans les noms berbères, Ibn-Khaldoun commet très-sonvent la faute que nous indiquons ici.

3 Les copistes du Cartas ont écrit Tounis, c'est-à-dire Tunis. Celle bévue leur est échappée plus d'une fois.

acharné sur les pays musulmans d'outre-mer, profita des divisions qui régnaient entre les souverains de ces contrées pour mettre le siége devant Tolède. El-Cader-Yahya-Ibn-Di-'n-Noun, le prince qui s'y était enfermé, capitula, en l'an 478, après que la famine et la misère en eussent décimé la population. Comme il s'était rendu à la condition que le roi lui fournirait les moyens de s'emparer de Valence, il obtint de ce monarque un corps d'armée composé de chrétiens, et, avec leur aide, il accomplit son projet. Cette conquête lui avait été d'autant plus facile que le gouverneur, Abou-Bekr-Ibn-Abd-el-Azîz, était mort peu de temps avant le siége de Tolède. Le roi chrétien pénétra ensuite dans l'Andalousie et ne s'arrêta qu'à Tarifa, port où l'on s'embarque pour traverser le Détroit. Ayant soumis à la capitation 'les musulmans de l'Espagne, peuple qui n'avait plus aucun moyen de lui résister, il partit pour assiéger Ibn-Houd, dans Saragosse. Cette ville allait succomber à la suite d'un long blocus, quand ElMotamed-Ibn-Abbad invita l'émir des musulmans, Youçof-IbnTachefin, à remplir sa promesse en venant au secours de l'islamisme. Les docteurs de la loi et tous les personnages éminents. de l'Espagne [musulmane] lui envoyèrent aussi une adresse dans laquelle ils le prièrent de les protéger contre le roi chrétien.

Avant de commencer une guerre aussi sainte et aussi conforme à ses vœux, Youçof s'occupa de réduire la ville de Ceuta. Pendant qu'une armée, sous les ordres de son fils El-Moëzz, attaquait cette place du côté de la campagne, la flotte d'Ibn-Abbad la tenait bloquée du côté de la mer. Dans le mois de Rebiâ second de l'an 476 (août-sept. 1083), les assiégeants emportèrent Ceuta d'assaut et en firent prisonnier le gouverneur, Dià-ed-Dola. El-Moëzz, auquel on présenta cet officier, le fit mourir dans les tourments et écrivit à son père Youçof pour lui annoncer ce nouveau triomphe.

A la suite de cette conquête, Ibn-Abbad lui-même traversa le Détroit afin d'implorer l'assistance de Youçof-Ibn-Tachefîn et

1 On a déjà vu (page 28 de ce volume) que le roi Roger II soumit les musulmans de l'Ifrikïa à la capitation, taxe imposée par ce peuple sur les chrétiens et les juifs.

des Almoravides. Il trouva ce prince à Fez où il s'occupait à lever des troupes pour la guerre sainte, et, voulant lui fournir un point d'appui pour les opérations militaires qui devaient avoir lieu en Espagne, il ôta à son propre fils, Er-Radi, le commandement d'Algeciras et remit cette forteresse au chef africain. En l'an 479 (1086) Youçof y débarqua avec ses troupes almoravides et les contingents fournis par les tribus du Maghreb. ElMotamed-Ibn-Abbad, accompagné d'Ibn-el-Aftas, souverain de Badajos, allèrent le recevoir, pendant que le fils d'Alphonse, roi des Galiciens, rassemblait en Castille les populations de la chrétienté.

En l'an 479 (1086), les musulmans rencontrèrent l'armée d'Alphonse à Ez-Zellaca, près de Badajos, et remportèrent sur elle une victoire à jamais célèbre. Youçof s'en retourna à Maroc après avoir laissé une garnison dans Séville sous les ordres de Mohammed-Ou-Meddjoun, fils de Semouïn-Ibn-Mohammed-IbnOureggout. Cet officier, appelé aussi Ibn-el-Haddj, parce que son père avait porté le titre d'El-Haddj (le pèlerin), était parent de Youçof-Ibn-Tachefîn et un de ses généraux les plus distingués.

Le roi chrétien se jeta alors sur l'Espagne orientale sans éprou

Ibn-Khaldoun avait assez de renseignements sur l'Espagne chrétienne pour savoir que ce prince s'appelait Alphonse; qu'il était fils. non pas d'Alphonse mais de Ferdinand et roi, non-seulement de Galice, mais de Léon et de Castille. Ici il a suivi l'usage des historiens arabes qui désignent presque toujours les rois de Castille par le titre de fils d'Alphonse. Nous prendrons cette occasion pour faire observer qu'en arabe le nom d'Alphonse s'écrit Adefouns ou Adfounch, avec un d ponctué, lettre qui représente le th doux des Anglais. Cette orthographe peut se justifier: dans le trésor de l'église de Saint-Jacques, à Compostelle, se voit encore un crucifix portant l'inscription suivante: Hoc opus perfectum est in era 1x00 et duodecima. Hoc signo vincitur inimicus, hoc signo tuetur pius, hoc offerunt famuli Dei Adefonzus, princeps et coniux. L'an 912 de l'ère d'Espagne répond à l'an 874 de J.-C. et à l'an 261-2 de l'hégire. Alphonse III, le grand, était alors roi des Asturies et de Léon.

Le texte imprimé et les manuscrits portent la date de 481. Plus loin, ils offrent 486 à la place de 481.

ver aucune résistance de la part des émirs indépendants qui s'étaient partagé ce pays. Ibn-el-Haddj marcha contre lui, la même année, à la tête des troupes almoravides, et mit les chrétiens dans une déroute vraiment honteuse. Ayant alors déposé IbnRechîc, seigneur de Murcie, il se dirigea sur Denia, et en força le seigneur, Ali-Ibn-Modjahed, à partir pour Bougie. En-NacerIbn-Alennas, souverain de cette ville, accueillit le fugitif avec une haute distinction.

Le même général almoravide plaça alors un corps de troupes à la disposition d'Ibn-Hadjaf, cadi de Valence, qui était venu le pousser à faire une expédition contre El-Cader-Ibn-di-'n-Noun. Ce détachement occupa Valence, en l'an 485 (1092), et Ibn-di'n-Noun y perdit la vie. A la réception de cette nouvelle, le roi chrétien alla camper sous les murs de la ville conquise et s'en empara, l'an 487. Plus tard, les Almoravides s'en rendirent maitres, et Youçof-Ibn-Tachefin en donna le commandement à l'émir Mezdeli.

En 481 (1088) Youçof passa en Espagne pour la seconde fois et remarqua que les émirs indépendants mirent très-peu d'empressement à venir le recevoir. Ces chefs s'étaient souvenus du mécontentement qu'il avait déjà éprouvé en les voyant accabler leurs sujets d'impôts, de corvées et de vexations de toute espèce. Sommés par lui, à cette époque, de faire cesser ces abus et de rentrer dans la légalité, ils évitèrent de se rencontrer avec lui. Ibn-Abbad fut le seul qui alla le rejoindre, et il profita même du peu d'empressement que montraient ses voisins pour tourner contre eux la colère du monarque africain. Il se fit même livrer Ibn-Rechîc contre lequel il nourrissait une haine violente. Youçof envoya alors un corps d'armée contre Almeria, et il en mit le seigneur, Ibn-Somadeh, dans la nécessité de se réfugier auprès d'El-Mansour-Ibn-en-Nacer, souverain de Bougie.

Comme les chefs indépendants qui régnaient en Espagne s'étaient engagés, d'un accord unanime, à ne fournir ni troupes ni approvisionnements aux Almoravides, Youçof conçut d'eux une opinion très-défavorable, et soumit leur conduite au jugement des légistes et des hommes d'Espagne et de Maghreb les plus ca

خاف

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