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l'accomplissement de ses projets. Les deux émirs restèrent avec leur protecteur jusqu'à ce qu'il eut pris Tlemcen et conquis le Maghreb central.

A cette époque, Abou-Salem apprit avec un vif dépit, que les habitants de Bougie avaient expulsé de leur ville Yahya-IbnMeimoun et les autres officiers mérinides; aussi, quand il fut rentré en Maghreb, il résolut d'évacuer les provinces orientales de son empire. Ayant, en conséquence, cédé à son ami Abou-'lAbbas la ville de Constantine, berceau de la gloire de cet émir et premier siége de son autorité, il adressa au gouverneur, Mansour-Ibn-Khalouf, l'ordre de remettre cette forteresse au prince hafside. L'émir Abou-Abd-Allah partit avec son cousin Abou'l-Abbas, afin de faire une tentative contre Bougie et d'envahir le territoire de son oncle, le sultan Abou-Ishac. De cette manière, Abou-Abd-Allah espérait faire oublier l'affront qu'il avait subi en perdant sa capitale.

Les deux princes quittèrent Tlemcen dans le mois de Djomada 761 (avril-mai 1360) et s'empressèrent de rentrer dans leur pays. Abou-l-Abbas remit à Ibn-Khalouf la lettre d'AbouSalem et obtint encore possession de la ville de Constantine. Dans le mois de Ramadan (juillet-août), il y fit son entrée et, monté sur le trône, il rendit la joie à ces palais qui avaient tant regretté son absence. Ce fut là le commencement de son règne comme sultan et un témoignage frappant du bonheur qui l'attendait.

L'émir Abou-Abd-Allah prit la route de Bougie et, parvenu à la frontière de la province, il rassembla autour de lui les AuladSebâ, fraction des Douaouida qui en fréquentait les campagnes et les plaines. Soutenu par ces Arabes, il assiégea Bougie pendant plusieurs jours et, trouvant que la garnison voulait prolonger la resistance, il transporta son camp à Beni-Baurar et prit à son service les Aulad-Mohammed-Ibn-Youçouf et les tribus azîziennes, fractions de la grande tribu des Sedouîkich. Trahi ensuite par ses nouveaux alliés qui passèrent du côté de son oncle, lequel se tenait alors dans Bougie, il partit avec les Douaouida et alla se jeter dans le Désert.

L'ÉMIR ABOU-YAHYA 1 –ZÉKÉRÏA QUITTE TUNIS ET ARRIVE CHEZ SON FRÈRE ABOU-'L-ABBAS. IL S'EMPARE DE BONE.

Nous avons dit que l'émir Abou-Yahya-Zékérïa avait reçu de son frère Abou-'l-Abbas l'ordre d'aller voir leur oncle, le sultan Abou-Ishac, et de lui demander des secours. Depuis lors, il était resté à Tunis. Le chambellan Ibn-Tafraguin ayant appris l'occupation de Constantine par Abou-Einan, avait craint que ce prince ne fît une tentative contre la capitale, et, croyant que la chute d'Abou-'1- Abbas avait réduit Abou-Yahya à l'impuissance, il s'était décidé à faire enfermer celui-ci dans la citadelle. Abou-'l-Abbas3 négocia ensuite un traité de paix et obtint la liberté de son frère qui avait été traité dans sa prison avec les plus grands égards. Quand il le revit à Constantine il lui donna le commandement d'un corps d'armée et l'envoya, en l'an 762 (1360), contre Bône. La ville fut prise et passa, avec son autorisation, sous le commandement du prince qui en avait fait la conquête. Elle reçut alors de Constantine un corps de troupes pour y tenir garnison et devint ainsi une des places frontières du royaume d'Abou-'l-Abbas.

L'ÉMIR ABOU-ABD-ALLAH S'EMPARE DE BOUGIE ET DE

TEDELLIS.

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L'émir Abou-Abd-Allah passa chez les Arabes nomades après avoir quitté le Maghreb et fait une première tentative contre Bougie. Les Aulad-Yahya-Ibn-Ali-Ibn-Sebâ embrassèrent alors son parti et le servirent avec un zèle extraordinaire. Ils le prirent sous leur protection, l'établirent dans leur camp et, chaque

1 Dans l'errata, on a imprimé, par erreur, Djebbi à la place de Yahya. 2 Ci-devant, page 57.

3 Le texte arabe et les manuscrits portent, à tort, Abou-'l-Hacen.

fois qu'ils rentraient de leurs quartiers d'hiver, ils marchèrent avec lui contre Bougie. Ils se chargèrent même de son entretien, de celui de sa famille et de ses serviteurs; ils lui donnèrent pour demeure la ville d'El-Mecîla et lui abandonnèrent toutes les sommes qu'ils recevaient à titre de tribut. Pendant quatre ans, il resta avec eux, ct, chaque été, il allait attaquer Bougie à plusieurs reprises. Dans la cinquième année, il quitta ses protec→ teurs pour les Aulad-Ali-Ibn-Ahmed et fixa son séjour dans Maggara, ville située dans le territoire de [leur chef] YacoubIbn-Ali.

Son oncle, le sultan Abou-Ishac, se decida, vers cette époque, à [quitter Bougie et] se rendre à Tunis; voulant prendre ses précautions en cas de la mort de son tuteur et chambellan, AbouMohammed-Ibn-Tafraguïn, événement qu'un devin lui avait secrètement annoncé comme devant bientôt arriver. Les habitants de Bougie ayant appris son intention, résolurent de l'abandonner à son sort et, cédant à leur mécontentement, ils invitèrent leur ancien émir, Abou - Abd - Allah, à quitter Maggara et à venir les trouver. Yacoub-Ibn-Ali seconda cette proposition et, s'adressant aux chefs des Sedouîkich, peuple qui vivait sous la tente, il leur fit jurer de servir fidèlement son protégé. Ils partirent alors tous avec leur prince et bloquèrent Bougie pendant quelques jours. La populace de la ville s'étant dégoûtée de son prévôt, Ali-Ibn-Saleh, et sachant que le sultan Abou-Ishac voulait s'en aller, répudia formellement l'autorité de ce monarque et le livra à l'émir Abou-Abd-Allah, qui se tenait à Er-Rassa, dans la banlieue de la ville. Ce prince épargna les jours du prisonnier et lui permit de partir pour Tunis. Ceci se passa dans le mois de Ramadan 765 (juin-juillet 1364).

1

Devenu encore maître de sa capitale, Abou-Abd-Allah [fit arrêter] Ali-Ibn-Saleh et les autres chefs de la canaille; les ayant ensuite fait juger selon la loi de Dieu, il les punit de mort et confisqua leurs biens. Deux mois après la prise de la ville, il

Ici, il faut sans doute insérer les mots oua tacabbed.

marcha contre Tedellis et, vers la fin de l'année (septembre), il enleva cette place à Omar-Ibn-Mouça, chef qui, par sa naissance, tenait un haut rang parmi les Beni-Abd-Ouad.

J'étais alors en Espagne, où je jouissais de l'hospitalité du sultan [de Grenade], Abou-Abd-Allah-Ibn-Abi-'l-Haddjadj-Ibnel-Ahmer. Je me trouvais là, loin de ma patrie, victime des vissicitudes de la fortune; la mort m'ayant ravi mon protecteur, le sultan Abou-Salem, prince qui m'avait porté aux honneurs, qui m'avait élevé au rang de secrétaire d'état, de secrétaire des commandements, de grand justicier du royaume, etc. L'émir Abou-Abd-Allah m'ayant alors envoyé chercher, je me rendis auprès de lui, « et si Dieu l'eût voulu, ils ne l'eussent pas fait!1» Si j'avais pu prévoir l'avenir, j'aurais fait provision de bonnes œuvres ! Dans le mois de Djomada 766 (fév.-mars 1365), je traversai la mer et j'obtins de ce prince la place de chambellan et l'administration de son royaume. Je remplis ces fonctions à la satisfaction générale et je continuai à les exercer jusqu'à ce que Dieu permit la chute de mon patron et la disparition de son empire.

-

LE SULTAN

MORT DU CHAMBELLAN ABOU-MOHAMMED-IBN-TAFRAGUÎN.-
[ABOU-ISHAC] ENTRE DANS L'EXERCICE DU POUVOIR.

Pendant les derniers temps de son séjour à Bougie, le sultan Abou-Ishac s'attendait à la mort de son chambellan et tuteur, Ibn-Tafraguîn. Ayant ajouté foi aux paroles des astrologues qui lui avaient prédit cet événement, il allait partir pour Tunis quand il se vit trahir par le peuple de Bougie. Livré à son neveu, l'émir Abou-Abd-Allah, il obtint de lui la permission de se rendre à la capitale, où il arriva dans le mois de Ramadan 765 (juin-juillet 1364).

Ibn-Tafraguîn lui fit un accueil très-empressé, et, s'étant

1 Coran; sourale 6, verset 138.

aperçu qu'il avait contracté, à Bougie, l'habitude de commander, il jugea nécessaire de se conformer en toutes choses aux volontés du maître, de flatter ses caprices et de cultiver sa bienveillance par de riches cadeaux. Il lui donna de beaux chevaux, de l'argent, et se démit de la direction générale des finances pour lui faire plaisir. Ensuite, sur la demande du sultan, il lui donna sa fille en mariage et, après la célébration de la nôce, il cessa de vivre. Sa mort eut lieu en 766 (1364-5).

Le sultan témoigna une douleur profonde en apprennant cet événement; il assista à l'enterrement, qui se fit dans l'école fondée par le défunt, en face de son hôtel, à l'extrêmité septentrionale de la ville, et là, debout, auprès de la fosse, il versa des larmes pendant que les courtisans la remplissaient de terre : en un mot, il lui rendit les derniers devoirs avec une attention qui frappa tout le monde.

Abou-Abd-Allah[-Mohammed] - Ibn-Tafraguîn était absent lors de la mort de son père, ayant quitté la capitale à la tête d'une colonne afin de faire rentrer les impôts et de maintenir le pays. dans l'ordre. A cette nouvelle inattendue, il conçut des soupçons fâcheux et, cédant à ses appréhensions, il renvoya ses troupes à Tunis. S'étant alors fait accompagner par les Hakim, tribu soleimide, il alla parcourir l'Ifrîkïa, en se présentant devant toutes les forteresses dont il croyait les garnisons bien disposées pour sa famille. Mohammed-Ibn-Abi-'l-Oïoun, son ancien sécrétaire, lui refusa l'entrée de Djerba, et Mohammed-Ibn-elDjekdjak, ancien serviteur et protégé de la maison Tafraguîn, lui ferma les portes d'El-Mehdïa. Ayant alors reçu, de la part du sultan, l'assurance qu'aucun mal ne lui serait fait, il consentit, après quelque hésitation, à prendre la route de la capitale. Le sultan l'accueillit avec une bonté extrême et le porta au faîte des honneurs et du pouvoir, après l'avoir nommé à la place de chambellan..

Accoutumé à commander du vivant même de son père, ce membre de la famille Tafraguîn fut très-mécontent de voir le sultan s'occuper d'affaires et recevoir sans difficulté les personnes qui désiraient l'entretenir. Bientôt des nuages s'élevèrent entre

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