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toire et la puissance de l'empire prirent un grand accroissement. De beaux monuments attestent encore l'excellence de l'administration de Yahya : à ses soins éclairés Fez dut la construction de ses bains, de ses faubourgs et de ses caravansérails; aussi était-elle devenue une ville très-florissante dans laquelle refluaient jusqu'aux habitants des villes éloignées.

Au nombre des personnes qui vinrent alors s'établir à Fez, on cite une femme de Cairouan nommée Omm-el-Benîn (mère des fils), fille de Mohammed-el-Fihri (de la tribu arabe de Coreich). Selon Ibn-Abi-Zerâ, elle s'appelait Fatema et appartenait à une tribu berbère, les Hoouara. Cette femme, ayant hérité de grandes richesses, à la mort de ses proches, résolut de dépenser sa fortune en œuvres de bienfaisance, et fonda la grande mosquée du quartier des Cairouanides. Ce fut en l'an 245 (859) qu'elle fit poser les fondements de cet édifice dans un champ inculte dont Idris lui avait fait la concession. Dans la cour de la mosquée, elle fit creuser un puits pour l'usage du public: on dirait même que la sollicitude des souverains de Fez pour le bien-être du peuple leur avait été inspirée par la conduite d'Omm-el-Benîn. La mosquée d'Idris étant devenue trop petite pour le nombre toujours croissant des fidèles, on fit par la suite célébrer l'office du vendredi dans celle du quartier des Cairouanides. En l'an 345 (956-7), environ un siècle après l'érection de cet édifice, Ahmed-Ibn-Said-Ibn-Bekr en fit construire le minaret, comme on le voit par une inscription gravée sur pierre et placée au coin oriental de la tour. El-Mansour-Ibn-Abi-Amer fit aggrandir cette mosquée et bâtir un aqueduc pour fournir de l'eau à une fontaine située auprès de la porte d'El-Hofat. Les derniers souverains almoravides firent aussi des additions [à cette mosquée], et leur exemple fut suivi par les souverains almohades et mérinides; tous ont continué à l'embellir, à l'entretenir avec un soin particulier, comme on le peut voir dans les ouvrages qui retracent l'histoire du Maghreb.

1 Voy. p. 65, note 3 de ce volume.

Yahya mourut l'an......, et eut pour successeur son fils Yahya. Le nouveau souverain s'abandonna à son mauvais naturel et osa porter atteinte à l'honneur des femmes. Par un de ces méfaits il donna un si grand scandale 2 que le peuple l'expulsa du quartier des Cairouanides. Il alla se cacher dans le quartier des Andalousiens où il mourut de chagrin dans la même nuit. Cette révolte fut suscitée par Abd-er-Rahman-Ibn-Abi-Sehl-elDjodami, et elle eut pour résultat l'enlèvement de l'empire aux descendants de Mohammed-Ibn-Idris.

La nouvelle de la mort de Yahya fut portée à son cousin AliIbn-Omar, souverain du Rif: de pressantes invitations lui arrivèrent en même temps de la part des grands officiers de l'empire, tant arabes que berbères, ainsi que des affranchis et clients de la maison royale. Cédant à leurs instances, Ali se rendit à Fez, reçut d'eux le serment de fidélité et réunit sous son autorité toutes les provinces du Maghreb.

Quelque temps après cet événement, un partisan des doctrines hérétiques des Sofrites, nommé Abd-er-Rezzac, leva l'étendard de la révolte dans les montagnes de Mediouna, d'où il marcha sur Fez et s'empara du quartier des Andalousiens. Ali-IbnOmar s'enfuit chez les Auréba; mais, le peuple du quartier des Cairouanides résista vigoureusement au rebelle, après avoir proclamé Yahya, surnommé Es-Saram 3, fils d'El-Cacem, fils d Idris. Ce prince vint à leur secours avec une armée, livra plusieurs batailles à Abd-er-Rezzac, et parvint à l'expulser du quartier des Cairouanides. Il donna le commandement de cette partie de la ville à Thâleba-Ibn-Mohareb-Ibn-Abd-Allah, natif du faubourg (rebed) de Cordoue et descendant du célèbre émir Mohelleb-Ibn-Abi-Sofra. Thâleba eut pour successeur son fils

1 Nous avons cherché inutilement la date de la mort de Yahya dans le Cartas et dans le Meçalek d'El-Bekri.

2 Il pénétra dans une salle de bain et fit violence à une juive.

3 Variante: El-Adam.

Voy. t. 1, p. 386, note 4.

Abboud, lequel transmit l'autorité à son fils Mohareb-Ibn-Abboud. [Yahya-Ibn-el-Cacem] continua à gouverner [le Maghreb] jusqu'à l'an 292 (904-5), quand il fut tué dans un combat avec ErRebiâ-Ibn-Soleiman [général de Yahya-Ibn-Idrîs].

Il eut pour successeur Yahya-Ibn-Idrîs-Ibn-Omar 1, seigneur du Rif et neveu d'Ali-Ibn-Omar. L'autorité du nouveau souverain s'étendit sur tous les états idriciens, et son nom fut proclamé du haut de toutes les chaires du Maghreb. Il fut le prince le plus puissant de cette famille, et, par ses connaissances dans la loi et les traditions, il s'acquit une haute distinction.

Pendant les changements dont nous venons de parler, les Fatemides étaient parvenus à fonder un royaume en Ifrîkïa, à s'emparer de Cairouan et à bâtir El-Mehdia. En l'an 305 (917-8), ils conçurent l'espoir de conquérir le Maghreb, et donnèrent à Messala-Ibn-Habbous, chef des Miknaça et gouverneur de Tehert, l'ordre d'entamer les hostilités contre les Idricides. Messala pénétra dans ce pays à la tête d'une nombreuse armée composée de troupes miknaciennes et ketamiennes. Yahya-IbnIdris marcha contre lui avec ses bandes arabes, son corps d'affranchis, les guerriers de la tribu d'Auréba et toutes les autres peuplades berbères qui s'étaient attachés à l'empire des Idrîcides. Dans la rencontre qui eut lieu, la fortune se déclara contre lui; ses partisans furent mis en déroute, et bientôt après, il fut assiégé dans Fez par Messala. Réduit ainsi à la dernière extrêmité, il consentità payer une contribution de guerre et à gouverner Fez au nom d'Obeid-Allah le fatemide. Les autres provinces du Maghreb furent données par le vainqueur à son cousin MouçaIbn-'l-Afïa, émir des Miknaça et seigneur de Teçoul et de Teza. Nous parlerons de ces événements dans l'histoire des Miknaça 3.

Une inimitié profonde régnait entre Ibn-Abi-'l-Afïa et YahyaIbn-Idris; aussi, en l'an 309 (921-2), le premier de ces chefs

Ci-devant, p. 526, ce personnage est désigné, à tort, comme fils d'Omar et petit-fils d'Idris.

2 Ailleurs, cette expédition est placée dans l'année 303

3 Voy. t. 1, p. 266.

profita de la seconde expédition des Fatemides en Maghreb pour indisposer Messala contre le prince de Fez. Il en résulta l'arrestation de Yahya, la saisie de ses trésors et son bannissement dans la ville d'Azîla. Rîhan le ketamien reçut de Messala le gouvernement de Fez. Plus tard, Yahya essaya de passer en Ifrîkïa, mais il fut arrêté et retenu en prison pendant deux ans par Ibn-Abi-'l-Afïa. Quand il recouvra la liberté, il partit pour El-Mehdïa où il arriva l'an 331 (942-3), et il mourut dans cette ville pendant qu'Abou-Yezîd la tenait assiégée. Ibn-Abi-'l-Afïa obtint de cette manière le gouvernement du Maghreb.

2

En l'an 313 (925-6), El-Hacen surnommé El-Haddjam 2 et fils de Mohammed-Ibn-el-Cacem-Ibn-Idrîs, expulsa Rîhan le ketamien de la ville de Fez. Il marcha ensuite contre Mouça-IbnAbi-'l-Afïa et lui livra plusieurs batailles, dans une desquelles Minhal, fils de Mouça, et plus de deux mille guerriers [miknaciens] perdirent la vie. A peine fut-il entré à Fez, que, par une trahison insigne, Hamed-Ibn-Hamdan l'aurébien le jeta dans les fers et livra la ville à Mouça. Comme celui-ci exigea que le prisonnier lui fût remis, Hamed trouva des prétextes pour s'y refuser, et, ensuite, il le fit évader sous un déguisement. El-Haddjam, rendu ainsi à la liberté, essaya de se laisser descendre du haut de la muraille de la ville, à l'aide d'une corde, mais il fit une chute dont il mourut la même nuit. Hamed-IbnHamdan s'enfuit à El-Mehdia. Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa tua ensuite Abd-Allah, fils de Thâleba-Ibn-Mohareb, ainsi que Mohammed et Youçof, fils de ce même Abd-Allah. Ayant enfin renversé la puissance des Idricides, il devint maître de tout le Maghreb.

Après la mort d'El-Haddjam, ses frères se retirèrent dans le Rif et, s'étant établis à Basra, ils reconnurent pour chef leur frère aîné, Ibrahim-Ibn-Mohammed-Ibn-el-Cacem. Ce fut alors, en l'an 317 (929), qu'Ibrahîm bâtit le château de Hadjer-enNesr pour servir de lieu de retraite à sa famille. Vers la même époque, les fils d'Omer-Ibn-Idrîs occupèrent le pays des Gho

1 Variante du Meçalek: 316; du Cartas : 340.

2 Voy. t. 1, p. 267.

mara, depuis Tîkîças jusqu'à Ceuta et à Tanger. En l'an 319 (931), En-Nacer, le souverain oméïade d'Espagne, entreprit de réduire le Maghreb et obligea Abou-'l-Aich, fils d'Idris-IbnOmar, à lui livrer la ville de Ceuta. Après la mort d'[IbrahimIbn-Mohammed], ses frères reconnurent pour chef El-CacemIbn-Mohammed-Ibn-el-Cacem, surnommé El-Kennoun et frère d'Ibrahîm et d'El-Haddjam. Ce prince abandonna le parti d'IbnAbi-'l-Afia [qui avait consacré ses services aux Oméïades] et embrassa la cause des Fatemides. Après sa mort, l'autorité passa à ses enfants qui continuèrent à trouver l'appui des Ghomara et des autres tribus amies de la famille.

Les khalifes oméïades ayant alors étendu leur autorité sur le Maghreb, enlevèrent aux Zenata la possession des campagnes de cette province; ensuite, les Beni-Ifren occupèrent la ville de Fez et l'abandonnèrent aux Maghraoua. Pendant ce temps, les Idricides étaient parvenus à établir un nouvel empire dans le Rif avec le concours des Ghomara.

Les descendants de Mohammed et ceux d'Omar possédaient Basra, Hadjer-en-Nesr, Ceuta et Azîla quand ils en furent dépossédés par les Oméïades et déportés en Espagne. Quelque temps après, on les envoya à Alexandrie, d'où, plus tard, ElAzîz, le khalife fatemide, autorisa El-Hacen-Ibn-Kennoun de partir pour le Maghreb afin de reconquérir le royaume idrîcide. Dans cette expédition, El-Hacen fut défait par [les troupes d']El-Mansour[-Ibn-Abi-Amer] et perdit la vie. Avec lui finit la dynastie des Idrîcides du Maghreb et la puissance de la tribu d'Aureba.

Les Idrîcides réfugiés dans les montagnes des Ghomara, succédèrent à l'autorité des Oméïades d'Espagne. Quand les contingents berbères passèrent en Espagne pour soutenir El-Mostaïn [dans ses prétentions au khalifat], les Hammoudites, famille descendue d'Idris, y accompagnèrent les bandes ghomariennes et parvinrent à y fonder un royaume.

Quant à Soleiman, frère d'Idris I, il se réfugia dans le Maghreb, qui obéissait alors aux Abbacides, et arrivé dans le territoire de Tèhert après la mort de son frère, il tâcha d'y

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