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de neuf mois. Il donna à sa nouvelle conquête le nom d'ElMoëzzïa, en l'honneur d'El-Moëzz, seigneur de l'Ifrîkïa, et il y établit une population musulmane. Il mit ensuite le siége devant Rametta, autre forteresse de ce pays. Les habitants demandèrent des secours à leur souverain, seigneur de Constantinople, et ce prince leur envoya des troupes par mer et par terre. Ibn-elHacen, de son côté, sollicita des renforts d'El-Moëzz, et bientôt un corps de troupes, commandé par El-Hacen, fils de ce monarque, arriva au port de Messine. Ayant alors réuni toutes ses forces, le gouverneur de la Sicile en envoya une partie contre Rametta, dont le blocus avait déjà été formé par El-Hacen-IbnAmmar, et il marcha avec le reste contre les Grecs, bien résolu de vaincre ou de mourir. Attaquant l'ennemi avec impétuosité, il en tua le commandant et plusieurs patrices, mit en déroute les bandes chrétiennes et les culbuta dans un ravin profond. Après s'être emparé de leur camp et de leurs bagages, il serra Rametta de si près que la garnison ne put plus se procurer de vivres et laissa enlever la place d'assaut. Les débris de l'armée grecque s'embarquèrent et mirent à la voile, mais ils ne purent échapper à la flotte d'Ahmed-Ibn-el-Hacen. Plusieurs de leurs navires furent incendiés ou pris par les musulmans, dont quelques-uns se jetèrent à l'eau pour les aborder à la nage. Ahmed envoya alors des troupes contre les villes qui étaient encore occupées par les Grecs, et, en ayant fait piller et dévaster les environs, il contraignit les habitants à payer la capitation. Cette campagne, appelée l'Expédition du Détroit, eut lieu en l'an 354 (965).

§ XIII. CONQUÊTE DE L'ÉGYPTE.

La mort de Kafour l'ikhchîdite, gouverneur de l'Egypte, causa une grande perturbation dans ce pays; la disette et l'esprit

Pour la vie de Kafour, voy. le second volume de la traduction d'Ibn-Khallikan.

T. II.

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de révolte vinrent y accroître le désordre, et le gouvernement de Baghdad, dont on aurait pu espérer le secours, était alors trop préoccupé de la guerre qui avait éclaté entre Bakhtyar, fils de Moëzz-ed-Dola et son voisin, Adod-ed-Dola 1, pour faire attention à cette malheureuse province.

Averti de cet état de choses, El-Moëzz le fatemide résolut d'envahir l'Egypte, et, ayant envoyé Djouher le kateb chez les Ketama pour lever des troupes, il fit prévenir les administrateurs de la province de Barca qu'ils auraient à creuser des puits sur la route qui mène en Orient. Ceci se passa en 355 (966). Deux années plus tard, Djouher revint du Maghreb dont il avait soumis les peuples et perçu l'impôt. Il prit alors le commandement de l'armée qui devait marcher contre l'Egypte, et après avoir reçu la visite d'El-Moëzz qui vint lui faire ses adieux et passer quelques jours au camp, il se dirigea vers ce pays. A la nouvelle de son approche, les troupes égyptiennes se débandèrent, et, vers le milieu du mois de Chaban 358 (juillet 969), les Fatemides firent leur entrée au Vieux-Caire. D'après les ordres de Djouher, on fit la khotba (prône) au nom d'El-Moëzz dans la grande mosquée nommée El-Djamê-el-Atîc 3, et l'on proclama la souveraineté des Alides (Fatemides) dans toutes les parties de ce pays. Dans le mois de Djomada [premier] de l'an 359 (mars-avril 970), il se rendit à la mosquée d'IbnTouloun pour y célébrer la prière, et il fit insérer dans l'adan (appel à la prière) les mots suivants: Haï ala khaïr il-aml (accourez à l'excellente œuvre). Ce fut alors que, pour la première fois en Egypte, on employa cette formule chîïte dans l'adan. Djouher envoya ensuite de riches cadeaux à El-Moëzz et une députation composée des grands officiers de l'empire ikhchîdite.

Voy. traduction d'Ibn-Khallikan, vol. 1, p. 250, et vol. n, p. 481. Voy. aussi la chronique d'Abou-'l-Feda.

Voy. la traduction d'Ibn-Khallikan, vol. 1, p. 340.

→ Cette mosquée fut bâtie par Amr-Ibn-el-Aci, premier conquérant musulman de l'Egypte.

Tous ces personnages furent emprisonnés à El-Mehdïa par l'ordre d'El-Moëzz, mais les cadis et légistes qui étaient venus avec eux reçurent un accueil très-honorable et obtinrent l'autorisation de s'en retourner chez eux. Djouher commença alors la construction de la nouvelle ville du Caire (El-Cahera), et, dans ses dépêches, il invita El-Moëzz, de la manière la plus pressante, à se rendre en Egypte.

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Lors de la conquête de l'Egypte, tous les descendants de Tordj [l'ikhchîdite] furent arrêtés, mais un de ces prisonniers, El-Hacen, fils d'Abd-Allah et petit-fils de Tordj, parvint à s'évader et à se jeter dans Ramla [en Palestine] où il obtint l'appui de plusieurs chefs militaires. Djouher eut à peine établi son autorité en Egypte qu'il dut expédier contre lui un corps d'armée sous la conduite de Djâfer-Ibn-Felah le ketamien1. Ce général livra plusieurs combats au prince ikhchîdite et, l'ayant enfin fait prisonnier avec les principaux chefs de l'insurrection, il les envoya tous à Djouher qui les fit conduire en Ifrikia pour être présentés à El-Moëzz. Djâfer prit ensuite d'assaut et dévasta la ville de Ramla, mais il amnistia ceux des habitants qui avaient échappé au massacre. S'en étant fait payer l'impôt 2, il marcha sur Tiberias, et, trouvant qu'Ibn-Melhem [le gouverneur de cette ville], y avait fait proclamer la souveraineté d'ElMoëzz, il passa outre et alla prendre d'assaut la ville de Damas. Dans le mois de Moharrem 359 (nov.-déc. 969), il y fit prononcer la khotba au nom d'El-Moëzz; mais, le vendredi suivant, un

↑ Traduction d'Ibn-Khallikan, vol. 1, p. 327.

Ici l'auteur emploie le mot kharadj et avec raison. La Syrie et tous les autres pays enlevés aux chrétiens par les musulmans étaient soamis au kharadj, impôt bien autrement lourd que l'achor ou dime.

cherîf nommé Abou-'l-Cacem-Ibn-Abi-Yala-cl-Hachemi, qui jouissait d'une grande influence dans la ville, souleva la populace, se revêtit de la livrée noire [des Abbacides] et prononça la khotba au nom d'El-Motiâ, khalife de Baghdad. Plusieurs rencontres eurent lieu entre les deux parties, et les troupes fatemides avaient déjà fait essuyer de grandes pertes à leurs adversaires, quand le cherîf abandonna ses partisans et s'enfuit à la faveur des ténèbres. Les habitants de Damas, se voyant abandonnés par leur chef, ne surent plus que faire, quand le chérîf El-Djâferi, qu'ils avaient déjà envoyé pour traiter avec IbnFelah, revint chez eux et rassura les esprits. Il fit valoir surtout les bornes dispositions du général fatemide qui se disait prêt à leur accorder la paix s'ils lui permettaient de parcourir les divers quartiers de la ville. Comme il leur donna l'assurance qu'aussitôt après cette promenade, il rentrerait dans son camp, on lui ouvrit les portes. Les troupes maghrebines commencèrent aussitôt l'œuvre de la dévastation, mais les habitants indignés coururent aux armes, leur tuèrent beaucoup de monde et dressèrent des barricades. Le cherîf parvint enfin à désarmer la colère d'Ibn-Felah et à obtenir la paix. Vers le milieu du mois de Dou'l-Hiddja 359 (oct. 970), le chef des soldats de la police au service d'Ibn-Felah entra dans la ville et y rétablit la tranquillité. Plusieurs jeunes gens [qui avaient pris part à l'insurrection] subirent la peine de mort et d'autres furent mis en prison. Dans le mois de Moharrem 360 (nov. 970), le cherîf Abou-'l-CacemIbn-Abi-Yala fut fait prisonnier et conduit en Egypte. DjâferIbn-Felah obtint ainsi possession de la ville de Damas.

Quelque temps auparavant, c'est-à-dire en l'an 358, AbouDjâfer le zenatien leva, en Ifrîkïa, l'étendard de la revolte et rassembla autour de lui une foule de Berbères et de Nekkarites. El-Moëzz marche en personne contre le rebelle, qui, se voyant abandonné par ses troupes, chercha une retraite dans les montagnes. Le prince fatemide, qui venait d'arriver à Baghaïa, reprit alors le chemin de sa capitale après avoir expédié Bologguîn, fils de Zîri, à la poursuite du fuyard. Pendant quelques mois, on n'entendit plus parler de cet aventurier, mais, l'année suivante,

il se présenta devant El-Moëzz et obtint sa grâce ainsi qu'une pension pour son entretien.

Ce fut à la suite de cette affaire qu'El-Moëzz reçut les dépêches par lesquelles Djouher l'invitait à passer en Egypte, pays qui venait de reconnaître l'autorité des Fatemides, ainsi que la Syrie. Cette nouvelle lui causa un si vif plaisir qu'il laissa éclater sa satisfaction aux yeux du public. Les poètes s'empressèrent alors à célébrer la gloire d'un prince 'aussi fortuné.

Vers cette époque les Carmats, sous la conduite de leur roi El-Asem, marchèrent contre Damas, mais Djâfer-Ibn-Felah leur fit éprouver une défaite sanglante. En l'an 361 (971-2), El-Asem revint encore et s'empara de la ville, après avoir mis en déroute les troupes fatemides et tué leur chef Djâfer. De là il se dirigea sur l'Egypte, et Djouher se hâta d'en écrire à El-Moëzz.

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EL-MOEZZ PASSE EN EGYPTE ET S'ÉTABLIT DANS
LE CAIRE.

Alarmé par les progrès des Carmats, El-Moëzz se décida à partir pour l'Egypte, mais, avant de se mettre en route, il s'oc cupa du Maghreb, pays dont la tranquillité venait d'être sérieusement menacée : Mohammed-Ibn-el-Hacen-Ibn-Khazer le maghraouien, soutenu par une foule de Zenata et d'autres Berbères, y ayant acquis une influence qui pouvait devenir dangereuse pour l'Ifrikïa. D'après ses ordres, Bologguîn, fils de Zîri-IbnMenad, pénétra dans le territoire occupé par le chef rebelle, et, à la suite d'un combat acharné, il parvint à disperser les insurgés. Dix-sept émirs de la tribu de Zenata restèrent sur le champ de bataille; le nombre des prisonniers fut immense, et MohammedIbn-Khazer se tua de sa propre épée. Cette rencontre ent lieu en l'an 360 (970-1), El-Moëzz apprit avec une joie extrême la nouvelle de cette victoire et, ayant donné audience à tous ses sujets afin de recevoir leurs félicitations, il appela Bologguîn à Cairouan et l'y établit comme lieutenant-gouverneur de l'Ifrîkïa

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