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sans espoir de secours, il céda aux instances des habitants et tenta de faire lever le siége. Ses troupes marchèrent au combat, mais elles furent repoussées dans la ville et la laissèrent enlever d'assaut. Tout y fut livré au feu et au pillage. Dans le mois de Safer 333 (sept.-oct. 944), Cairouan fut prise et pillée par Aïoubez-Zouîli, l'un des chefs des insurgés, et Khalîl, le gouverneur, auquel on avait promis la vie sauve, fut mis à mort par l'ordre d'Abou-Yézîd. Les cheikhs de la ville allèrent implorer la merci du conquérant et obtinrent leur grâce et la cessation du pillage. Meiçour partit enfin pour attaquer les rebelles, et ayant su, par une lettre d'El-Caïm, que les Beni-Kemlan, tribu qui l'accompagnait, entretenaient une correspondance avec l'ennemi, il les chassa de son camp. Abou-Yezid, auxquel cette peuplade vint aussitôt se rallier, marcha contre les troupes de son adversaire et les força à prendre la fuite. Les Beni-Kemlan tuèrent Meiçour et portèrent sa tête en triomphe à travers les rues de Cairouan.

Pendant qu'Abou-Yezîd faisait annoncer partout la nouvelle de cette victoire, El-Caïm se disposait à soutenir un siége [dans El-Mehdia], et faisait entourer la ville d'un retranchement. Abou-Yezîd passa soixante-dix jours dans le camp de Meiçour, afin de laisser à ses détachements le temps de parcourir les contrées voisines et d'y faire du butin. Un de ces corps prit d'assaut la ville de Souça 1, et les autres portèrent la devastation dans toutes les parties de l'Ifrîkïa. Un petit nombre de malheureux, échappés à ce grand désastre, arriva dans Cairouan, sans habits ni chaussures; le reste étant mort de faim et de soif. ElCaïm appela alors à son secours les chefs des Ketama et d'autres tribus berbères, et il pria Zîri-Ibn-Menad, prince des Sanhadja, de lui amener des renforts. Ces chefs étaient encore à faire leurs préparatifs pour se mettre en marche quand Abou-Yezîd, ayant deviné leur intention, alla prendre position à cinq parasangs (lieues) d'El-Mehdia. Les Ketama ayant su qu'il avait dispersé ses troupes dans les environs pour y porter le ravage, résolurent de l'attaquer à l'improviste. On était alors vers la fin de Djomada premier (19 janvier 945). Abou-Yezîd envoya à leur rencontre son fils El-Fadl qui venait de lui amener des renforts de Cairouan, et il le suivit de près avec le reste de l'armée. Les Ketamiens avaient déjà mis les troupes d'El-Fadl en pleine déroute, quand ils virent arriver l'armée d'Abou-Yezîd. A cet aspect ils prirent la fuite sans attendre le combat et se réfugièrent dans El-Mehdïa. Abou-Yezîd s'avança jusqu'à la porte de la ville [de Zouîla] et recula ensuite, afin d'en commencer l'attaque quelques jours plus tard. Arrivé alors au bord du retranchement, il en chassa le corps de nègres qui le défendait et, longeant la muraille, il suivit [le bord de] la mer et entra dans le mosalla qui était à une portée de flèche d'El-Mehdïa. Les Berbères qui attaquaient la ville du côté opposé venaient de reculer devant une sortie faite par les Ketama; Ziri-Ibn-Menad allait arriver, aussi, Abou-Yezid résolut-il de passer devant la porte d'ElMehdïa afin de tourner Zîri et les Ketamiens. Les habitants de Zouîla l'ayant reconnu, coururent aux armes pour le repousser et le mirent dans un péril d'où il eut de la peine à se tirer. Il regagna enfin son ancienne position et y trouva ses soldats aux prises avec le corps de nègres 1. Son arrivée redoubla le courage de ses partisans et amena la retraite de leurs adversaires. Il s'éloigna alors à une petite distance de la ville et se fortifia dans un camp retranché. Une foule immense de Berbères lui étant arrivée du pays des Nefouça, du Zab et du fond du Maghreb, il serra la ville de près, et, vers la fin du mois de Djomada [2], il livra un assaut avec tant d'acharnement qu'il faillit y perdre la vie. D'après son ordre écrit, le gouverneur de Cairouan lui envoya toutes ses troupes disponibles. Vers la fin de Redjeb

4 Comme on lit plus loin qu'Abou-Yezîd assiégea la ville de Souça après sa tentative contre El-Mehdia, il faut supposer que la première de ces forteresses avait été évacuée par lui et réoccupée par les Fatemides.

La ville d'El-Mehdia occupait l'extrémité d'une péninsule; le faubourg de Zouîla en était situé à l'occident, sur la terre ferme, et touchait des deux côtés à la mer; entre la ville et le faubourg, se trouvait un terrain découvert, large d'une ou deux portées de flèche, et, près d'une extrémité de ce terrain, se voyait un local qu'on avait disposé pour servir de mosalla. (Voy. t. 1, p. 372.)

(19 mars 945), lors de l'arrivée de ce renfort, il renouvella l'attaque, mais il dut se retirer après un combat qui lui coûta beaucoup de monde ainsi qu'aux Fatemides. Dans les derniers jours du mois de Choual (milieu de juin), il livra un quatrième assaut qui manqua comme les autres. Etant alors rentré dans son camp, il bloqua la ville si étroitement que les habitants finirent par s'enfuir de tous les côtés, après avoir mangé leurs chevaux et même des cadavres. Resté seul avec ses soldats, El-Caïm fit ouvrir les dépôts de blé que le Mehdi avait eu la précaution de former, et il en distribua le contenu aux troupes de la garnison. Une armée ketamienne qui s'était rassemblée à Constantine fut dispersée, vers cette époque, par un corps d'Ourfeddjouma qu'Abou-Yezîd avait envoyé contre elle. Comme de toutes parts les Berbères accoururent pour se ranger sous ses drapeaux, il se trouva en mesure de [faire] bloquer la ville de Souça; mais la conduite immorale que, depuis quelque temps, il affichait publiquement, finit par scandaliser ses alliés. Cédant à Pindignation et à la jalousie mutuelle qui les animaient, les tribus berbères refusèrent de lui obéir plus longtemps et s'en allèrent chacune chez elle. Cette contrariété l'obligea à rentrer dans Caironan, où il arriva l'an 334 (945-6). Tout ce qu'il avait laissé dans son camp tomba entre les mains de la garnison d'ElMehdia.

Les excès auxquels les Berbères se livrèrent dans les villes et dans les campagnes de l'Ifrîkïa devinrent à la fin si intolérables que les habitants de Cairouan prirent les armes contre eux et reconnurent de nouveau l'autorité d'El-Caïm. Aïoub, fis d'AbouYezid, répara cet échec en attaquant, de nuit, le camp d'AliIbn-Hamdoun qui venait d'El-Mecîla [au secours des Fatemides], et en dispersant les troupes de cet officier. Il marcha ensuite sur Tunis, mais il eut à livrer plusieurs combats aux troupes qu'ElCaïm expédia contre lui, et, à la suite d'une dernière défaite, il se dirigea sur Cairouan. Ceci se passa en l'an 334. Son père l'envoya alors contre Ali-Ibn-Hamdoun qui s'était retiré dans El-Mecîla. L'on se battit à plusieurs reprises avec des alternatives de uccès et de revers, mais Aïoub réussit enfin à prendre la ville en se ménageant des intelligences parmi les habitants. Ibn-Hamdoun s'enfuit dans le pays des Ketama, rassembla les guerriers de cette grande tribu et alla camper à Constantine. De là il expédia une partie de ses troupes contre les Hoouara, mais, au moment où cette tribu subissait le châtiment de ses méfaits, elle reçut le secours que lui envoya Abou-Yezîd. Ce renfort ne put cependant pas empêcher Ibn-Hamdoun d'enlever aux Hoouara les villes de Tîdjest et de Baghaïa. Dans le mois de Djomada second de la même année (janv.-févr. 946), Abou-Yezîd se rendit à Souça pour y assiéger la garnison qu'El-Caïm y avait installée.

§ IX. MORT D'EL-CAÏM ET AVÈNEMENT DE SON FILS EL

MANSOUR.

Abou-'l-Cacem-el-Caïm-Mohammed, fils d'Obeid-Allah, mourut en l'an 334 (946) [à El-Mehdïa], pendant le siége de Souça par Abou-Yezîd. Avant de rendre le dernier soupir, il désigna comme héritier du trône son fils Ismafl. Ce prince, auquel on donna le surnom d'El-Mansour (le victorieux), tint secrète la mort de son père afin d'empêcher Abou-Yezîd de tirer profit d'un événement aussi grave. Tant que le siége dura il s'abstint de prendre le titre de khalife, il empêcha de changer les inscriptions des monnaies et des drapeaux, et il ne permit pas que la prière publique fût célébrée en son nom. Ces changements n'eurent lieu qu'après la chute d'Abou-Yezîd.

§ X.

SUITE DE L'HISTOIRE D'ABOU-YEZİD.

SA MORT.

Abou-Yezîd avait réduit la ville de Souça à la dernière extrêmité quand El-Caïm mourut. Le premier soin d'Ismail-el-Mansour fut d'équiper la flotte qui stationnait à El-Mehdia, et de l'envoyer à Souça pour y déposer des vivres, des troupes et des approvisionnements de guerre. Rechîc, secrétaire d'état, et Yacoub-Ibn-Ishac eurent le commandement de cette expédition. Aussitôt après leur départ, El-Mansour se mit en campagne; mais, cédant aux instances de ses officiers, il revint sur ses pas. La garnison de Souça, aidée par les troupes que la flotte y avait débarquées, fit une sortie contre Abou-Yezîd, tailla en pièces ses troupes, livra leur camp au feu et au pillage. Les fuyards cherchèrent à se réfugier dans Cairouan, mais les habitants leur fermèrent la porte de la ville. Abou-Yezid se dirigea alors vers Sbîba, emmenant avec lui le gouverneur qu'il avait installé dans Cairouan et que les habitants venaient d'expulser. Ceci se passa dans le mois de Choual 334 (mai-juin 946).

Après le départ de ce chef, El-Mansour arriva dans Cairouan et accorda une amnistie aux habitants; il respecta mème les femmes et les enfants d'Abou-Yezîd qui y étaient restés, et il leur accorda des pensions pour leur entretien. Une division de son armée sortit alors pour reconnaître les mouvements de l'ennemi, mais elle fut attaquée et mise en déroute par un détachement qu'Abou-Yezîd avait mis en campagne pour découvrir ce quis'y passait. Ayant de nouveau raffermi son autorité par cette victoire, Abou-Yezîd rassembla assez de troupes pour faire le siége de Cairouan. El-Mansour retrancha son armée et attendit l'assaut: dès le premier jour, la fortune se déclara pour lui, dans le second, il attaqua l'ennemi avec avantage et conserva sa position jusqu'à ce qu'il eut rallié les secours qui lui arrivaient d'El-Mehdïa et de Souça. Découragé par cette vigoureuse résistance, Abou-Yezîd s'éloigna, vers la fin du mois de Dou-'lHiddja; puis, au bout de quelque temps, il revint à la charge. Dans les combats qui s'ensuivirent, les revers balançaient les succès; mais enfin, El-Mehdïa et Souça se virent encore sérieusement menacées par les troupes de cet aventurier. Pour le décider à la retraite, El-Mansour lui rendit ses femmes et ses enfants, auxquels il donna de riches cadeaux; il s'attendait alors à quelque répit, puisqu'Abou-Yezid lui avait promis, sous foi de serment, qu'il décamperait; mais au 5 Moharrem 335 (août 946), il s'en vit attaquer de nouveau. Bien que, dans les pre

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