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vivait encore. Abou-'l-Cacem, fils du Mehdi, marcha contre eux, les tailla en pièces, tua l'enfant et revint auprès de son père dont il venait ainsi d'exécuter les ordres.

En l'an 300 (942-3), le peuple de Tripoli se révolta et chassa son gouverneur, Makînoun. Abou-'l-Cacem partit pour le châtier, d'après les ordres de son père, et, à la suite d'un long siége, il s'empara de la ville, passa au fil de l'épée une partie des habitants et frappa les survivants d'une contribution de trois cent mille pièces d'or.

L'année suivante, le Mehdi plaça ce même prince à la tête d'un corps de troupes ketamiennes et l'envoya contre la ville d'Alexandrie, en Egypte, pendant qu'une flotte de deux cents navires, parfaitement approvisionnée et commandée par Hobacha-Ibn-Youçof, partit pour la même destination. Abou-'lCacem soumit d'abord le pays de Barca et se rendit ensuite maître d'Alexandrie et de la province d'E!-Faiyoum ; mais, à la suite de plusieurs combats qu'il eut à soutenir contre les troupes que le khalife El-Moctader y avait envoyées de Baghdad, sous la conduite de ses généraux, Tikîn et Mounès l'eunuque, il se vit forcé d'évacuer l'Egypte et de rentrer en Maghreb. Hobacha arriva avec sa flotte à Alexandrie, en l'an 202, et prit possession de la ville. Il marcha ensuite sur le Vieux-Caire; mais, ayant perdu sept mille hommes dans le dernier des nombreux combats que Mounès lui livra, il s'empressa de repartir pour le Maghreb où il fut mis à mort par l'ordre du Mehdi. Cet acte de sévérité porta Arouba, frère de Hobacha, à lever l'étendard de la révolte et à rassembler une nombreuse armée composée de Ketamiens et d'autres peuples berbères. Ghaleb, affranchi du Mehdi, marcha contre les insurgés et les dispersa, après leur avoir tué beaucoup de monde. Dans cette bataille, Arouba et ses cousins perdirent la vie.

En l'an 304 (916-7), les habitants de la Sicile arrêtèrent leur gouverneur, Ali-Ibn-Amr, et choisirent pour chef Ahmed-IbnCorhob. Comme cet officier n'eut rien de plus pressé que de proclamer, dans cette fle, la souveraineté du khalife abbacide El-Moctader, le Mehdi donna à El-Hacen-Ibu-Abi-Khanzir le

commandement d'une flotte et l'envoya contre les rebelles. Cette flotte fut dispersée par celle d'Ibn-Corhob, et son chef périt dans le conflit. Quelque temps après, les Siciliens rétablirent l'ancien ordre de choses et envoyèrent Ibn-Corhob prisonnier en Ifrîkïa, où le Mehdi le fit immoler sur le tombeau d'Ibn-AbiKhanzîr. Un nouveau gouvernenr, nommé Ali-Ibn-Mouça-IbnAhmed, leur arriva alors de la part du Mehdi, amenant avec lui un corps de troupes ketamiennes.

La perspective du danger auquel l'empire serait exposé dans le cas où les Kharedjites [de l'Ifrîkïa] prendraient les armes, décida le Mehdi à fonder, sur le bord de la mer, une ville qui pût servir d'asile aux membres de sa famille. L'on rapporte, à ce sujet, qu'il prononça les paroles suivantes : « Je bâtirai cette >> ville pour que les Fatemides puissent s'y réfugier pendant >> une courte durée de temps. Il me semble les y voir, ainsi que >> l'endroit, en dehors des murailles, où l'homme à l'âne1 viendra » s'arrêter. » Il se rendit lui-même sur la côte afin de choisir un emplacement pour sa nouvelle capitale, et, après avoir visité Tunis et Carthage, il vint à une péninsule ayant la forme d'une main avec le poignet : ce fut là qu'il fonda la ville qui devait être le siége du gouvernement. Une forte muraille, garnie de portes en fer, l'entourait de tous les côtés, et chaque battant de porte pesait cent quintaux. On commença les travaux vers la fin de l'an 303 (juin 916). Quand les murailles furent élevées, le Mehdi y monta et lança une flèche du côté de l'occident. Faisant alors remarquer le lieu où elle tomba, il dit : « Voilà l'endroit >> auquel parviendra l'homme à l'âne », voulant ainsi désigner Abou-Yezîd. Il fit tailler dans la colline un arsenal qui pouvait contenir cent galères (chini); des citernes et des silos y furent creusés par son ordre; des maisons et des palais s'y élevèrent et tout ce travail fut achevé en l'an 306 (918-9). Après avoir mené à terme cette entreprise, il s'écria : « Je suis maintenant >> tranquille sur le sort des Fatemides ! »>

Il sera question de ce personnage plus loin.

L'année suivante, son fils, Abou-'l-Cacem mena une seconde expédition en Egypte. S'étant encore emparé d'Alexandrie, il se rendit maître de Djîza, d'Ochmounein et d'une partie considérable du Saîd [le Haute-Egypte]. Une lettre par laquelle il somma les habitants de la Mecque de faire leur soumission, demeura sans réponse, et bientôt il eut à combattre les troupes que l'eunuque Mounès, général d'El-Moctader, amena [de la Syrie] contre lui. Une suite de revers, la peste et le manque de vivres, réduisirent tellement son armée qu'il lui fallut opérer une prompte retraite en Ifrîkïa. Une flotte de quatre-vingts vaisseaux commandée par l'eunuque Soleiman et par Yacoub-el-Ketami, officiers d'une grande bravoure, se dirigeait d'El-Mehdïa à Alexandrie pour secourir Abou-'l-Cacem, quand elle fut rencontrée et brûlée, auprès de Rosette, par une escadre de vingtcinq vaisseaux envoyée de Tarsus pour la combattre. Soleiman et Yacoub tombèrent au pouvoir de l'ennemi : le premier mourut en captivité, mais Yacoub parvint à s'échapper de la prison de Baghdad et à rentrer en Ifrîkïa.

En l'an 308 (920-4), le Mehdi envoya en Maghreb MessalaIbn-Habbous accompagné de plusieurs chefs miknaciens. Messala attaqua le prince idricide, Yahya-Ibn-Omar-Ibn-Idris-IbnIdris, qui régnait à Fez, et le força à reconnaître la souveraineté du Mehdi. Ayant alors confié le gouvernement du Maghreb à Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa, un des principaux chefs des Miknaça, il reprit le chemin de l'lfrîkïa. L'année suivante, Messala envahit le Maghreb une seconde fois et le soumit en entier; puis, cédant aux invitations de son voisin, Mouça-lbn-Abi-'l-Afïa, il attaqua Yahya-Ibn-Idrîs, seigneur de Fez, le fit prisonnier, en ajouta les états à ceux de Mouça et mit fin à la puissance des Idrîcides dans le Maghreb. Ces princes, chassés du royaume de leurs pères, se réfugièrent dans le Rif et la province de Ghomara, où ils fondèrent un nouvel empire, comme nous le raconterons ailleurs en parlant de la tribu des Ghomara'. Les BeniHammoud, ces descendants d'Ali qui s'emparèrent de Cordoue

Voy. p. 115 de ce volume et t. 1, p. 266.

[l'an407-1016], lors de la chute des Oméïades espagnols, appartenaient aussi à la famille d'Idris. Messala tourna ensuite ses armes contre Sidjilmessa et installa son cousin dans cette ville, après en avoir tué le prince midraride qui y exerçait la souveraineté et qui avait repoussé la domination des Fatemides. Il sc mit à la poursuite des Zenata et leur livra plusieurs combats dans diverses parties du Maghreb, mais il tomba enfin sur le champ de bataille, frappé à mort par Mohammed-Ibn-Khazer, de la tribu des Maghraoua 2.

La perte de cet habile capitaine irrita vivement le souverain. fatemide et le décida à envoyer contre les Maghraoua une nouvelle armée de Ketamiens. Mohammed-Ibn-Khazer mice corps en déroute, et, par l'éclat de sa victoire, il ébranla le Maghreb entier. Aussi, en l'an 345 (927-8), le Mehdi dut-il y dépêcher son fils Abou-'l-Cacem à la tête d'une colonne à laquelle les Ketama et les autres tribus partisans des Fatemides avaient envoyé leurs contingents. Ce prince refoula Ibn-Khazer dans le Désert, envahit les territoires des Mezata, des Matmata, des Hoouara et des autres peuples qui professaient les doctrines des Eibadites et des Sofrites. Passant ensuite auprès de Tèhert, capitale du Maghreb central, il s'avança toujours, pénétra dans le Rif et s'empara de Nekour, ville maritime de cette région. Ensuite, il marcha sur Djeraoua, où il assiégea le prince idricide, El-Hacen-Ibn-Abi-'l-Aïch. Après avoir soumis les provinces du Maghreb, il effectua sa retraite sans opposition. En passant par l'endroit où s'élève maintenant la ville d'El-Mecîla, il y trouva les Beni-Kemlan, tribu hoouaride, et, comme il les croyait mal disposés pour le gouvernement de l'Ifrîkia, il les transporta dans la plaine de Cairouan. Bientôt après, Dieu permit que cette tribu embrassât la cause d'Abou-Yezîd, l'homme à l'âne. Au moment

↑ Voy. t. 1, p. 261.

En l'an 313 (925-6), une flotte musulmane, sous les ordres de Salem-Ibn-Rached, quitta la Sicile, d'après les instructions du Mehdi, et fit une descente sur la côte de la Lombardie. Ensuite, elle alla débarquer des troupes dans la Calabre où elles portèrent la dévastation.

d'éloigner les Beni-Kemlan de leur pays, il y posa les fondations d'une ville qu'il nomma El-Mohammedïa et que l'on appelle maintenant El-Mecîla.

Ali-Ibn-Hamdoun-el-Andeloci, l'un des protégés de la cour des Fatemides, eut l'ordre de terminer la construction de cette place, et, quand il l'eut fortifiée et approvisionnée, il en reçut le commandement avec le titre de gouverneur du Zab. On verra plus loin qu'El-Mecila fut très-utile au souverain fatemide, ElMansour, par la résistance qu'elle offrit à Abou-Yezîd.

Ces événements furent suivis par la révolte de Mouça-Ibn-Abi'1-Afia, gouverneur de Fez et du Maghreb, qui abandonna le parti des Fatemides pour celui des Oméïades d'Espagne. Le Mehdi envoya contre lui Ahmed-Ibn-Isliten le Miknacien, un de ses principaux généraux. Les deux armées se rencontrèrent dans la plaine de Messoun, et la défaite des Miknaça força leur chef, Ibn-Abi-'l-Afïa, à sortir du Maghreb et à se réfugier dans le Désert. Ibn-Isliten s'en retourna aussitôt qu'il eut rétabli l'ordre dans le pays insurgé.

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MORT DU MEHDI, OBEID-ALLAH, ET AVÉNEMENT DE SON
FILS ABOU-'L-CACEM.

Obeid-Allah le Mehdi mourut dans le mois de Rebiâ premier 322 (février-mars 934) et dans la vingt-quatrième année de son khalifat. Il eut pour successeur son fils, Abou-'l-CacemMohammed, surnommé El-Caïm biamr Illah (qui maintient l'ordre de Dieu), et appelé par quelques personnes AbouNizar. Le nouveau khalife ressentit un si vif chagrin de la mort de son père que, depuis cet événement, il ne monta plus à cheval, dit-on, excepté à deux occasions. Sous son règne eurent lieu plusieurs révoltes, dont celle d'Ibn-Talout le Coreichide. Cet aventurier souleva la province de Tripoli en se donnant pour le fils du Mehdi; il se présenta même devant Tripoli pour en faire le siége, mais, ayant laissé découvrir son imposture, il fut tué par les Berbères.

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