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Le khalifat s'appelle aussi imamat et le khalife imam (modèle, directeur, président); car, de même que l'imam ordinaire dirige, pendant la prière, les mouvements des assistants par les siens, de même le grand imam ou khalife dirige la conduite de tous les vrais croyants.

Dans les premiers temps de l'islamisme, le khalifat était électif; mais, après la mort d'Ali, gendre et quatrième successeur de Mahomet, les Oméïades de l'Orient usurpèrent cette dignité et la rendirent héréditaire dans leur famille. Ils conservèrent l'autorité depuis l'an 41 (661 de J.-C.) jusqu'à l'an 132 (750), quand elle leur fut enlevée par les Abbacides. Cette maison régna de 432 à 656 (1258), époque de la prise de Baghdad par les Tartars. Après cette catastrophe, un membre de la famille abbacide se réfugia en Egypte, pays qui était alors gouverné par la dynastie des Mamlouks bahrites, et y fut proclamé khalife. Lui et ses descendants conservèrent ce titre sans jamais pouvoir exercer la moindre autorité. En l'an 923 (1517), lors de la conquête de l'Egypte par le sultan ottoman, Selîm I, les prérogatives du khalifat furent cédées au vainqueur et à ses héritiers par ElMotéwekkel, le vingt-unième khalife de la seconde lignée des Abbacides.

Selon Ibn-Khaldoun, qui rapporte l'opinion des anciens docteurs musulmans, il faut, pour être éligible au khalifat, réunir en soi cinq conditions :

1o Le savoir (ilm);
2o La justice (adala);

3o Les moyens d'action suffisants (kifaïa) pour exécuter ses décisions;

4° L'usage des cinq sens et des quatre membres du corps (selama-t-el-hawass oua-'l-âdaï);

3o La parenté (ncceb) avec les Coreich, tribu de Mahomet.

Cette dernière condition cessa d'être obligatoire quand les Coreich ne furent plus assez nombreux ni assez forts pour soutenir leurs khalifes.

T. II.

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Les docteurs hanefites déclarent que le khalife doit réunir les conditions suivantes :

4° L'islamisme;

2° L'état d'homme libre;

3o Le sexe masculin ;

4° L'état de la raison;

5° L'âge de la majorité.

Dans les premiers siècles, l'unité du khalifat fut regardée comme un des principes essentiels de cette institution; mais, lorsque la grande étendue de l'empire eut affaibli l'autorité souveraine, et l'eut empêchée de se faire sentir dans les provinces éloignées, les chefs qui s'emparèrent du pouvoir adoptèrent souvent le titre et les attributs du khalifat. Dans l'Occident, les derniers souverains oméïades, les Idrîcides, les Fatemides et les Almohades fournirent des exemples de cette usurpation. Il est vrai qu'une mesure aussi irrégulière paraissait être justifiée par l'intérêt du bien public, et elle avait même en sa faveur l'approbation de deux grands docteurs de l'islamisme, l'Ostad Abou-Ishacel-Isferaïni1 et l'Imam-el-Haremein, Abou-'l-Maali-'l-Djoweini2. Il en est résulté que le titre de sultan, donné généralement aux princes qui exercent le pouvoir temporel, est quelques fois devenu synonyme de celui de khalife.

L'imam ou khalife devait-il être choisi par le corps des musulmans ou désigné par son prédécesseur? Telle fut la question qui donna lieu aux guerres de succession et à la formation des sectes chiites.

Le mot chia signifie compagnons, partisans, sectaires; il est employé pour désigner les partisans d'Ali et de ses enfants. Les chrites, bien que formant plusieurs sectes, s'accordaient à déclarer :

Docteur chafite mort, en Perse, l'an 418 (1027 de J.-C..).

Ce docteur chafite, natif de la ville de Neiçapour, en Perse, mourut l'an 478 (1085).

1° Que l'imamat ne devait pas être électif ;

2o Que l'imam était impeccable;

3o Que le premier imam fut désigné par le Prophète; 4° Qu'Ali fut la personne choisie pour cet office.

A l'appui de ces principes ils citaient certains versets du Coran et certaines traditions relatives au Prophète; mais leurs adversaires prétendaient qu'ils avaient donné à ces versets une fausse interprétation et qu'ils avaient allégué des traditions dont les unes étaient fausses et les autres nullement concluantes.

Les principales sectes chîïtes sont les Zeidia, les Keiçanïa, les Ithna-Acheria, les Ismailia et les Gholat.

Les Zeidia, partisans de Zeid, fils d'Ali, fils d'El-Hocein, fils d'Ali et de Fatema, déclaraient que l'imamat passa d'Ali aux enfants qu'il eut de Fatema, fille de Mahomet. Cette secte forma deux branches dont l'une eut pour principe que l'imam devait être désigné par son prédécesseur, et l'autre, que l'imamat était électif, mais sans pouvoir sortir de la descendance de Fatema. Les deux partis s'accordaient à enseigner que l'imam devait être savant, indifférent aux biens mondains, libéral, courageux, prompt à faire valoir ses droits par la force des armes.

Cette dernière condition fut la cause de plusieurs révoltes sous le khalifat des Oméïades et sous celui des Abbacides. Voici là liste des imams zeidiens:

Ali, fils d'Abou-Taleb,

El-Hacen, fils d'Ali,

El-Hocein, fils d'Ali,

Ali-Zein-el-Abedîn, fils d'El-Hocein,

Zeid, fils d'Ali, fils d'El-Hocein et fondateur de la secte. Il prit les armes à Koufa et fut vaincu et tué par les Keiçania. Yahya, fils de Zeid, fut tué à Djouzdjan, après avoir légué

l'imamat à

Mohammed, fils d'Abd-Allah, fils de Hacen, fils d'El-Hacen, petit-fils de Mahomet. Ce personnage, surnommé En-Nefs ez-Zekïa (l'âme pure), prit le titre d'El-Mehdi, se révolta dans le Hidjaz et fut tué par les troupes d'El-Mansour, le khalife abbacide.

Ibrahîm, frère et successeur du précédent, se révolta à Basra

et fut défait et tué par les troupes d'El-Mansour. Mohammed, fils d'El-Cacem, fils d'Ali, fils d'Ali, fils d'Omar,

frère de Zeid, fils d'Ali, leva l'étendard de la révolte à Talecan, fut vaincu et fait prisonnier par les tronpes du khalife El-Motacem.

Le Zendji, descendant d'Eïça, fils de Zeid, se souleva à Basra.
Idris, frère de Mohammed-Ibn-Abd-Allah et descendant d'El-

Hacen, petit-fils de Mahomet, s'empara du Maghreb-el-
Acsa et y fonda une dynastie.

El-Hacen-Ibn-Zeid, descendant du même El-Hacen, fonda un royaume dans le Taberistan.

El-Atrouch, autre descendant d'Ali, s'établit dans le Deilem. Comme Zeid, fils d'Ali et fondateur de cette secte, avait fini par admettre la validité de l'imamat des deux cheikhs, Abou-Bekr et Omar, plusieurs de ses partisans répudièrent son autorité et obtinrent, pour cette raison, le sobriquet de Rafedites (récusants). Dans la suite on appliqua cette dénomination à toutes les sectes chîïtes. Zeid reconnaissait bien le mérite supérieur d'Ali, mais il persista néanmoins dans son opinion au sujet des deux cheikhs, «« car, disait-il, on doit accepter le préféré quand même il s'en trouverait un préférable. »

Les Keiçanïa enseignaient que l'imamat passa des enfants de Fatema à un autre fils d'Ali, nommé Mohammed-Ibn-el-Hanefia, parce qu'il avait pour mère une femme de la tribu de Hanifa. Keiçan était client d'Ibn-el-Hanefïa. Une branche des Keiçanïa eut pour principe fondamental que l'imamat fut transmis par Ibn-el-Hanefia à son fils, Abou-Hachem, lequel délégua son autorité à Mohamined, fils d'Ali, fils d'Abd-Allah, fils d'El-Abbas, oncle de Mahomet. De Mohammed l'imamat passa à son fils, Ibrahim, surnommé pour cette raison, l'imam, et celui-ci légua ses pouvoirs à son frère Abd-Allah-es-Saffah, fondateur de la dynastie des Abbacides. On voit ici la raison qui décida IbnKhaldoun à compter les Abbacides au nombre des Chiïtes. Comme El-Abbas était petit-fils de Hachem, on donna à cette fraction de secte le nom de Hachemites.

Les Imamia (imamiens) formaient deux sectes: les Ithnaacheria et les Ismailia. Les Ithna-acheria, ou Duodécemains, comptent jusqu'à douze imams et s'arrêtent sur le dernier qu'ils prétendent être toujours vivant, mais invisible. On les appelle aussi Ouakefia ou Mouwakkefin, c'est-à-dire les gens qui s'arrétent ou qui arrétent. Voici la liste de leurs imams :

1° Ali, fils d'Abou-Taleb, 2o El-Hacen, fils d'Ali,

3o El-Hocein, fils d'Ali,

4° Ali-Zein-el-Abedîn, fils d'El-Hocein,

5o Mohammed-el-Baker, fils de Zein-el-Abedîn,

6o Djâfer-es-Sadek, fils d'El-Baker,

7° Mouça-el-Kadem, fils de Djâfer,

8° Ali-er-Rida, fils de Mouça,

9° Mohammed-et-Téki, fils d'Er-Rida, 10° Ali-el-Hadi, fils d'Et-Téki,

11° Hacen el-Askeri, fils d'El-Hadi,

12° Mohammed-el-Mehdi, l'attendu (el-Montader), fils d'El

Askeri.

Ce douzième imam n'avait que douze ans quand il entra dans un souterrain et n'en sortit plus. Selon les duodécemains, secte dont les doctrines prédominent er core en Perse, il reparaîtra lors de la fin des temps, pour remplir la terre de sa justice. Cet imam est le Mehdi ou dirigé que Mahomet a prédit et dont l'arrivée est toujours attendue.

Les Ismailia ou Ismailiens reconnaissent les six premiers. imams de la liste précédente. Leur septième imam est Ismaîl, fils de Djåfer-es-Sadek; il fut désigné par son père comme successeur à l'imamat, mais il mourut avant lui. Leur huitième imam, Mohammed le caché (El-Mektoum), fils d'Ismail, fut le premier de leurs imams cachés, personnages qui ne se montraient jamais et qui se bornaient à transmettre leurs ordres au monde par la bouche de daïs, c'est-à-dire inviteurs. Cette classe d'hommes étaient les émissaires, agents politiques et missionnaires de l'imam. Djâfer-el-Mosaddec, fils du précédent, fut leur

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