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A cette époque, les habitants n'employaient ni or, ni argent dans leurs ventes et achats; mais ils échangeaient des chameaux,

rencontre dans cette montagne rocheuse, en dehors des rives de l'OuedKhorza.

L'ascension est des plus pénibles pour arriver aux ruines de la citadelle d'Achîr, car tout porte à croire que la célèbre ville de ce nom était, en effet, située à cet endroit, au moins dans le principe. Après plus d'une heure d'efforts, où les mains doivent plus d'une fois venir au secours des pieds, sur ces strates fort inclinées d'un grès assez glissant, on arrive à un petit plateau rocheux, où sont les ruines arabes d'une vaste fortification en pierres, d'une espèce de Casba. Elles dominent à peu près à pic le plateau doucement incliné auquel conduit le deuxième sentier dont il a été question précédemment. Sur ce dernier plateau, on aperçoit des cultures, deux sources et des gourbis habités par des familles de marabout des Rebaïa, des Oulad-Sidi-Mohammed, dits Ahl-el-Kef, ou gens du Rocher.

Tout porte à croire que le plateau rocheux où se voient les ruines d'une Casba a été l'emplacement primitif d'Achîr, et que le deuxième plateau en plan incliné, qui s'étend au-dessous et au Nord, a été le siège du nouvel Achîr dont parle Nouaïri, et qui fut fondé parce qu'il devenait impossible de recevoir dans le premier toute la population qui se présentait. L'étude des localités rend parfaitement compte de ces diverses circonstances.

Je ferai remarquer que le plateau d'Achîr avait conservé sous le pouvoir turc son importance stratégique au point de vue de la révolte. Quand les Oulad-Alan voulaient se soustraire à la nécessité de payer l'impôt, ils se réfugiaient dans cette partie du Kef-el-Akhdar où l'on ne pouvait pas les forcer. La tactique employée par les Hossain, tribu turbulente dont Ibn-Khaldoun fait souvent mention, s'était conservée traditionnellement dans le pays.

Le Kef-el-Akhdar appartient, le côté occidental, aux Oulad-Alan, et, le côté oriental, aux Beni-Sliman.

Le nom de Titeri tach, que cette montagne portait sous les Turcs, signifie Rocher de Titeri. Le nom de montagne de Titeri n'appartient,' à proprement parler, qu'à la partie occidentale du Kef-el-Akhdar, celle qui est aux Oulad-Alan et aux Rebaïa. Le mot Achir, en berbère Yechir, signifie griffe et s'applique à de fortes positions militaires qui sont comme la griffe dont le vainqueur menace sans cesse le vaincu. C'est une appellation assez commune en Algérie. El-Idrici place, avec raison, l'Achìr de Zîri (Achîr-Ziri) à une journée à l'Est du pays des Beni-Modjeber, ou Moudjebeur où l'on vient d'installer le zmala des spahis, entre Csar-Bokhari et le confluent du Chelif et du Oued Hokeum. (Note communiquée par M. Berbrugger.)

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des bœufs et des moutons contre les objets dont ils avaient besoin. Cet état de choses décida Zîri à battre monnaie. Il fit alors à ses troupes des dons considérables et leur affecta une solde régulière, de sorte que les pièces d'or et d'argent abondaient dans le public. Les peuplades nomades qui fréquentaient les environs consentirent à travailler la terre, et, comme Zîriles protégea contre les Zenata, il entretint ainsi l'inimitié qui régna entre ceux-ci et les Sanhadja.

Ayant confié le commandement d'Achîr à son frère MakcenIbn-Menad, il partit pour le Maghreb et se présenta devant Djeraoua. Mouça-Ibn-Abi-'l-Afïa, chef qui gouvernait dans cette ville au nom du prince oméïade, Abd-er-Rahman-[en-Nacer-] Ibn-Mohammed, souverain de Cordoue, vint au-devant de lui avec un riche cadeau, composé de belles esclaves et d'autres objets; puis il lui adressa ces paroles : « Monseigneur! j'ai >> consenti à gouverner au nom des Oméïades dans le seul but » de me faire respecter des Zenata; et, puisque Dieu a amené >> cette rencontre en vous conduisant ici, je me déclare votre » allié et votre serviteur dévoué. D'ailleurs, vous êtes mon >> voisin et nous savons que l'épée du voisin est plus à >> redouter que celle de l'homme qui demeure au loin! » Ziri l'accueillit avec bienveillance et lui dit : « Si jamais un danger » te menace, écris-moi et j'enverrai mes troupes à ton se

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>> cours. >>

Dans la suite, Mouça se plaignit à Zîri de la tribu de Ghomara: « C'est, disait-il, une race impie qui profane les choses les plus » sacrées. Il vient de s'élever chez elle un faux prophète qui y >> enseigne une doctrine abominable. » Zîri marcha donc avec lui contre les Ghomara et fit prisonnier l'homme qui se donnait pour prophète. Ce malheureux fut conduit à Achîr et interrogé par une commission de jurisconsultes : « Si tu es prophète, lui » dirent-ils, montre-nous la preuve de ta mission. — Mon » nom, répondit-il, est écrit dans le Coran. - Et quel est >> ton nom? - Je m'appelle Ha-mîm; mon père se nommait » Menn-Allahi (don de Dieu) et nous lisons dans le Coran : » Ha-mîm est) la révélation du livre de la part de Dieu

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(min-Allahi), le puissant, le sage. » Les docteurs le déclarèrent digne de mort et le livrèrent au bourreau 2.

Une étroite amitié, dit notre historien, régna entre Zîri et [le khalife fatemide] El-Caïm. Elle eut pour cause la conduite de Zîri pendant que la ville d'El-Mehdia fut bloquée par AbouYezîd. Ayant alors reçu d'El-Caïm une lettre dans laquelle ce prince lui exposa que les habitants souffraient toutes les horreurs de la disette, il y expédia cent charges de blé, escortées par deux cents cavaliers sanhadjiens et cinq cents esclaves nègres. Ce convoi pénétra dans El-Mehdïa, et El-Caïm en témoigna sa gratitude à Zîri en lui expédiant un cadeau dont la richesse surpassa toute idée et qui se composa, entre autres choses, d'étoffes magnifiques, de chevaux de race et de selles ornées de pierreries.

1. Coran, sourate XL, verset 1.

2. Comparez ceci avec le récit d'Ibn-Khaldoun, p. 143 de ce volume.

FIN DE L'EXTRAIT

II

HISTOIRE DES FATEMIDES,

par Ibn-Khaldoun.

INTRODUCTION.

L'établissement de la dynastie des Fatemides fut le premier triomphe des Ismaïliens, l'une des nombreuses sectes hérétiques qui naquirent de bonne heure dans le sein de l'islamisme. Chiïtes, ou partisans de la famille d'Ali, ils avaient pris les armes pour faire valoir le principe de l'hérédité du khalifat dans la descendance du gendre de Mahomet. Les chapitres suivants, renfermant une esquisse de l'histoire des quatre premiers khalifes fatemides, sont tirés de la partie encore inédite du grand ouvrage d'IbnKhaldoun et offrent de bons renseignements; mais, pour être lus avec avantage, ils exigent une certaine connaissance de la nature du khalifat et du caractère des sectes chîïtes. La notice que nous donnons ici, et dont nous avons emprunté les matériaux aux Prolégomènes de notre auteur et à d'autres ouvrages, fournira au lecteur les indications dont il pourra sentir le besoin.

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