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ne pas trahir les droits de l'hospitalité et qu'il essayait de transiger en s'abstenant de fournir des secours à son hôte, il répéta sa demande de la manière la plus pressante. Abou-'l-Abbas y répondit en alléguant les divers motifs qui l'empêchaient d'y consentir, sans avouer, toutefois, que, dans cette affaire, il agissait d'après les inspirations de son vizir, Mohammed-Ibn-Youçof-Ibn-Allal. Ce ministre était favorablement disposé pour Abou-Tachelin; et, en le voyant arriver à Fez, il n'avait pas hésité de traiter avec lui et de lui promettre l'appui de l'empire mérinide. Par cette raison, il employa toute son influence pour fixer les incertitudes de son maître; et, par d'adroites insinuations, il le décida à repousser la demande d'Ibn-el-Ahmer et à soutenir ouvertement le prince abd-el-ouadite.

Vers la fin de l'an 794 (sept.(?) 1319), le sultan Abou-'l-Abbas plaça son fils Abou-Fares et son vizir Ibn-Allal, à la tête d'une armée et leur ordonna d'aller combattre Abou-Hammou. Quand cette colonne fut arrivée à Tèza, le sultan abd-el-ouadite apprit le danger qui le menaçait et sortit de sa capitale afin de rallier les partisans qu'il conservait encore parmi les Beni-Amer et les Kharadj-Ibn-Obeid-Allah. Traversant ensuite le Beni-Ournîd, montagne qui domine Tlemcen, i alla prendre position à ElGhairan et permit à Abou-Tachefîn d'occuper Tlemcen. Alors, ce démon de perversité, l'infâme Mouça-Ibn-Yakhlof se chargea d'y maintenir l'autorité de ce fils dénaturé.

Omaïr, fils d'Abou-Hammou, reçut aussitôt de son père l'ordre de marcher contre le traître; et, dans la nuit du même jour, il pénétra dans la ville, se fit livrer Ibn-Yakhlof et l'amena à ElGhairan. Après avoir accablé de reproches le scélérat qui l'avait si souvent trompé, le sultan Abou-Hammou lui fit subir les douleurs de la torture et l'envoya ensuite à une mort des plus affreuses.

Abou-Fares, instruit par ses espions qu'Abou-Hammou et les Arabes nomades se tenaient à El-Ghairan, envoya un corps de troupes contre eux. Le vizir Ibn-Allal, qui eut la conduite de cette expédition, prit le chemin du Désert en se faisant guider par Soleiman-Ibn-Nadji de la tribu des Ahlaf; et, parvenu à El

Ghairan, il tomba à l'improviste sur les bandes du sultan. Les Kharadj, accablés par le nombre de leurs adversaires, prirent la fuite, et Abou-Hammou, dont le cheval s'était abattu sous lui, fut reconnu et tué à coups de lance par un cavalier maghrebin. La tête de ce malheureux prince fut présentée à Ibn-Allal et, ensuite à Abou-Tachefin. Omaïr, fils d'Abou-Hammou, leur fut amené prisonnier. Abou-Tachefîn voulut le tuer à l'instant même, et bien que ses compagnons l'en empêchassent pendant quelques jours, il finit par se le faire livrer et l'envoya à la

mort.

Ce fut vers la fin de l'an 791 (novembre 1389) qu'Abou-Tachefîn fit son entrée à Tlemcen. Le vizir resta campé en dehors de la ville et ne partit pour le Maghreb qu'après avoir reçu une forte somme d'argent que ce prince s'était engagé à payer au gouvernement mérinide. Abou-Tachefin fit alors proclamer dans Tlemcen la souveraineté d'Abou-'l-Abbas, seigneur du Maghreb, et célébrer la prière publique au nom de ce monarque. Dès lors, il lui envoya régulièrement, tous les ans, le montant d'un tribut qu'il s'était engagé à lui fournir.

ABOU-ZÎAN, FILS D'ABOU-HAMMOU, FAIT UNE TENTATIVE SUR TLEMCEN ET SE RETIRE AUPRÈS DU SULTAN MÉRINide.

Abou-Zîan avait obtenu de son père le gouvernement d'Alger après l'occupation de Tlemcer et la fuite d'Abou-Tachefin. Ayant alors appris qu'Abou-Hammou venait d'être tué à El-Ghairan, il sortit d'Alger et se mit sous la protection des Hosein. Animé par l'espoir de ramener la fortune et de venger la mort de son père et celle de son frère Omaïr, il rechercha l'appui de ce peuple nomade et obtint la promesse d'en être soutenu.

Bientôt après, les émirs des Beni-Amer-Ibn-Zoghba vinrent l'inviter à faire un effort pour conquérir le royaume de ses aïeux. Il se rendit donc au milieu des Beni-Amer, et, après avoir reçu les hommages de leur cheikh, El-Masoud-Ibn-Sogheir, qui le proclama sultan, il marcha avec eux contre Tlemcen au mois de

Redjeb 792 (mai-juin 1390). Pendant quelques jours, il tint la ville étroitement bloquée; mais, dans le mois de Châban (juinjuillet), il se vit abandonner par les Arabes, auxquels Abou-Tachefîn avait envoyé de l'argent pour les décider à la retraite Il passa alors dans le Désert, afin d'échapper à son frère; et, dans le mois de Choual (août-sept.), il reprit le siége de Tlemcen avec le secours des nomades makiliens, peuple qu'il avait décidé à embrasser sa cause. Le fils d'Abou-Tachefin approchait alors à la tête des secours que son père l'avait envoyé demander au gouvernement du Maghreb. Quand cette armée fut arrivée à Taourîrt, Abou-Zîan se hâta de gagner le Désert d'où il passa dans le Maghreb, afin d'implorer l'appui [d'Abou-'l-Abbas]. Accueilli avec bienveillance par ce monarque qui promit de le soutenir, il resta auprès de lui jusqu'à la mort d'Abou-Tachefin.

MORT D'ABOU-TACHEFÎN ET OCCUPATION DE TLEMCEN PAR LE SULTAN

DU MAGHREB.

Pendant que l'émir Abou-Tachefin gouvernait Tlemcen au nom d'Abou-'l-Abbas', seigneur du Maghreb, et payait régulièrement le tribut qu'il s'était engagé à lui envoyer, son frère, l'émir Abou-Zîan, resta auprès de ce monarque en attendant les secours qu'on lui avait promis. Enfin, le sultan méripide se brouilla avec Abou-Tachefin par suite d'une de ces affaires qui jettent la mésintelligence entre souverains, et profita de cette occasion pour combler les souhaits d'Abou-Zian.

Vers le milieu de l'an 795 (mai 1393), il mit une armée à la disposition de son protégé et l'envoya faire la conquête de Tlemcen. Arrivé à Tèza avec cette colonne, Abou-Zîan apprit que, dans le mois de Ramadan (juillet-août), son frère avait succombé à une maladie chronique et qu'Ahmed-Ibn-el-Ezz, vieux serviteur de la famille abd-el-ouadite et oncle maternel d'Abou-Tachefin, était devenu régent du royaume, après avoir placé sur

Dans le texte arabe, on a imprimé, par erreur, Abou-Salem.

le trône un jeune enfant de ce prince. D'un autre côté, YouçofIbn-ez-Zabia, fils d'Abou-Hammou et gouverneur d'Alger au nom d'Abou-Tachefin, fut informé des mêmes événements et accourut, avec ses alliés arabes, à Tlemcen, où il ôta la vie à Ibn-el-Ezz et au nouveau sultan. Abou-'l-Abbas, auquel on annonça ces nouvelles, se rendit aussitôt à Tèza, plaça son fils, Abou-Fares, à la tête de l'armée et renvoya Abou-Zian à Fez pour y rester sous bonne garde.

Abou-Fares marcha alors sur Tlemcen, y fit proclamer la souveraineté de son père et confia au vizir Saleh-Ibn-Hammou le soin de réduire les forteresses orientales du royaume abd-elouadite. Après avoir occupé Miliana, Alger, Tedellis et tout le pays jusqu'à la frontière de la principauté de Bougie, cet officier alla mettre le siége devant Tadjhammoumt, château dans lequek Youçof-Ibn-ez-Zabia s'était enfermé.

De cette manière, l'autorité de la dynastie abd-el-ouadite fut encore anéantie dans le Maghreb central.

MORT D'ABOU -'L- ABBAS, SEIGNEUR DU MAGHREB. - ABOU – ZÎÂN, FILS D'ABOU - HAMMOU, DEVIENT MAÎTRE DE TLEMCEN ET DU MA→

GHREB CENTRAL.

Après avoir fait occuper Tlemcen par son fils Abou-Fares, le sultan Abou-'l-Abbas se tint dans Tèza pour mieux surveiller la conduite de ce prince et celle du vizir Saleh, qui s'était porté en avant afin de soumettre les provinces orientales de l'empire abd-el-ouadite. Il était encore dans cette ville quand YouçofIbn-Ali-Ibn-Ghanem Jui apporta un riche cadeau de la part du sultan de l'Egypte.

Youçof-Ibn-Ali, émir des Aulad-Hocein, tribu makilienne, était allé faire le pèlerinage, l'an 793 (1390); et, comme il désirait être présenté à El-Mélek-ed-Daher-Bercouc, prince d'origine turque qui gouvernait l'Egypte, j'allai parler de lui à ce sultan et mentionner le haut rang qu'il occupait dans sa tribu. Par cette démarche, je lui procurai un accueil très-honorable. Quand il fut

revenu de la Mecque, il eut dn sultan égyptien la commission de porter au seigneur du Maghreb un cadeau qui, selon l'usage des rois, se composait des produits les plus précieux du pays. Abou'l-Abbas reçut ce témoignage d'égards avec un plaisir extrême et tint même une séance solennelle afin de le montrer au public et s'en faire un titre de gloire. Voulant alors en envoyer l'équivalent au sultan Bercouc, il fit chercher les plus beaux chevaux et les plus riches étoffes et habillements qui pourraient se trouver en Maghreb. Tout était réuni et Youçof-Ibn-Ali s'apprêtait à porter ce cadeau au Caire, afin de l'offrir au souverain de l'Egypte, quand Abou-'l-Abbas tomba malade et mourut à Tèza dans le mois de Moharrem 796 (nov.-déc. 1393). On rappela aussitôt son fils Abou-Fares de Tlemcen; et, l'ayant proclamé sultan, on le conduisit à Fez. Abou-Zîan, fils d-Abon-Hammou, recouvra alors la liberté et partit pour Tlemcen afin d'y commander en qualité d'émir et au nom du sultan Abou-Fares.

Youçof-Ibn-ez-Zabïa venait de se rendre au milieu des BeniAmer, dans l'espoir de pouvoir s'emparer de Tlemcen avec leur appui; mais les chefs de cette tribu se laissèrent gagner par l'offre d'une forte somme d'argent et livrèrent leur hôté aux émissaires d'Abou-Zîan. Ces gens reprirent alors la route de Tlemcen; et, ayant rencontré une troupe d'Arabes qui voulaient leur enlever le prisonnier, ils s'empressèrent de le tuer pour se tirer d'embarras et portèrent la tête de leur victime à l'émir Abou-Zian. La tranquillité fut ainsi rendue au royaume de Tlemcen et n'a pas été troublée depuis.

Ayant maintenant achevé l'histoire de l'empire fondé par les Beni-Abd-el-Ouad, tribu zenatienne de la deuxième race, nous allons traiter de la famille abd-el-ouadite qui passa aux Mérinides à l'époque où ceux-ci commencèrent à établir leur autorite dans le Maghreb. Nous voulons parler des Beni-Gommi, descendants d'Ali-Ibn-el-Cacem et frères des Tâ-Allah-Ibn-Ali, et nous raconterons en même temps l'histoire de leurs émirs, les Beni-Kendouz, famille qui exerça un haut commandement dans la province de Maroc. De cette manière, nous complèterons la notice des Beni-Abd-el-Ouad.

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