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Quand il eut entendu la proposition d'Abou-'l-Achaïr, il partit avec lui pour Tlemcen afin de s'assurer l'appui d'Abou-Hammou, dont les nombreuses troupes et les abondantes ressources pourraient, au besoin, les dispenser d'employer le concours des Arabes.

Le sultan abd el- ouadite consentit à leur demande, autorisa son fils Abou-Tachefin à se mettre en campagne avec eux et les suivit lui-même à la tête de son armée. Entré en Maghreb, Youçof-Ibn-Ali, accompagné de l'émir Abou-l-Achaïr et du prince Abou-Tachefîn, s'arrêta avec ses bandes dans le voisinage de Miknaça 1.

Abou-Hammou vint se joindre à eux; et, pendant sept jours, il bloqua la ville de Tèza, après avoir ruiné le château de Tazrout, résidence que l'on tenait toujours prête pour recevoir le sultan mérinide.

Il y avait alors à Fez un mérinide de haut rang nommé AliIbn-Mehdi-el-Askari, qui commandait la ville pendant l'absence du sultan Abou-'!-Abbas. Une troupe de Makiliens de la tribu des Monebbat s'y trouvait aussi, étant venu pour acheter une provision de blé. Ouenzemmar-Ibn-Arîf, qui habitait alors le CasrMorada, persuada à ces Arabes de se mettre aux ordres d'AliIbn-Mehdi et de marcher contre Abou-Hammou et Abou-Tachefîn. Bientôt après, on apprit que le sultan Abou-'l-Abbas s'était emparé de Maroc, conquête qu'il effectua vers le milieu de l'an 7852. Abou-Tachefin et Abou-'l-Achaïr s'éloignèrent rapidement avec leurs Arabes pour ne pas se laisser entamer par les Monebbat.

Abou-Hammou leva précipitamment le siége de Tèza, reprit la route de Tlemcen et dévaşta le Casr-Morada qui se trouvait sur son passage. Abou - Tachefîn quitta les Arabes et Abou-'l-Achaïr, pour aller rejoindre son père.

1 Il s'agit ainsi de la Miknaça de Tèza, à l'Est de Fez.

2 Abou-'l-Abbas s'empara de Maroc en Djomada 784. Notre auteur s'est donc trompé ici.

LE

SULTAN MERINIDE ABOU-'L- ABBAS S'EMPARE DE TLEMCEN.

ABOU HAMMOU SE RÉFUGIE DANS LE CHATEAU DE TADJHAMMOUMT.

Après s'être emparé de Maroc, le sultan Abou-'l-Abbas reprit la route de Fez, capitale de son empire; et, comme il brûlait de venger l'invasion de ses états par Abou-Hammou et par les Arabes, sous la conduite d'Abou-Tachefin, il forma la résolution de marcher contre Tlemcen. Aussitôt qu'il se fut mis en campagne, il reçut la soumission de Youçof-Ibn-Ali, chef des Makiliens, qui vint se joindre à l'armée mérinide.

A la réceptiou de cette nouvelle, Abou-Hammou ne sut quel parti prendre ou de quitter Tlemcen, ou d'y rester et soutenir un siége. S'étant déjà ménagé l'amitié d'Ibn-el-Ahmer, sultan de l'Andalousie, il avait par lui l'assurance que les Mérinides n'iraient pas l'attaquer; et il savait aussi qu'Abou-'l-Abbas venait de recevoir du même prince la recommandation formelle de ne pas trop se presser d'entreprendre une conquête aussi facile que celle de Tlemcen. Pendant quelque temps, les deux sultans africains s'étaient laissé guider par les conseils de ce souverain; mais, à la fin, Abou-'l-Abbas ne voulut plus écouter les avis d'un prince dont il avait cependant tout à craindre, et partit à l'improviste pour surprendre la capitale abd - el- ouadite.

Abou-Hammou abandonna aussitôt la ville de Tlemcen, bien qu'il eût fait accroire à ses alliés et à ses sujets qu'il avait l'intention de s'y maintenir contre l'ennemi; et, profitant d'une nuit obscure, il se rendit au camp qu'il avait établi sur le Sefcîf1. Le lendemain, les habitants s'aperçurent de son départ; et beaucoup d'entr'eux s'empressèrent d'aller le joindre et partager sa

1 Le texte arabe imprimé et les manuscrits, à l'exception d'un seul, portent Sefif. Dans la traduction, nous avons adopté la bonne leçon.

fortune, tant ils redoutaient la violence et l'indiscipline des Mérinides. Pendant qu'Abou-Hammou se rendait du Sefcîf à ElBat'ha, en pressant la marche de son armée, Abou-'l-Abbas occupa Tlemcen et envoya des troupes à la poursuite des fuyards. Le sultan abd-el-ouadite se hâta de quitter El-Bat'ha pour gagner la forteresse de Tadjhammoumt. Son fils, El-Montacer, lui apporta alors de Milîana tout l'argent qui se trouvait dans le trésor de cette ville et lui fournit ainsi les moyens de soutenir un siége et faire une vigoureuse résistance.

ABOU'L-ABBAS RENTRE EN MAGHREB OU SON AUTORITÉ EST

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Après la prise de Tlemcen, le sultan Abou-'l-Abbas envoya une ambassade à Ibn-el-Ahmer, seigneur de l'Andalousie, pour lui faire part de cette victoire et pour s'excuser de n'avoir pas suivi ses recommandations. Ibn-el-Ahmer n'en fut pas moins très-indigné; et, comme il avait encore à reprocher au prince mérinide quelques-uns de ces griefs qui surviennent assez souvent entre souverains, il ne pensa qu'à s'en venger. venger. Sachant que les grands de l'empire du Maghreb étaient mécontents de leur sultan et peu disposés à le soutenir, il résolut de faire passer en Afrique un fils d'Abou-Einan, nommé Mouça, qui se trouvait alors en Espagne. Ayant fourni à ce prince un équipage complet, il mit à son service le célèbre vizir mérinide, Masoud-Ibn-Rahhou-Ibn-Maçaï, et les embarqua tous les deux pour Ceuta.

Vers le commencement du mois de Rebiâ [premier] 786 (fi d'avril 1384), Mouça et son ministre abordèrent à Ceuta, dont ils prirent possession; et, de là, ils allèrent mettre le siége devant la capitale de l'empire. Mohammed-Ibn-Othman, ministre dont

1 Ou Taguemmount; voy. l'Index géographique du t. 1.

le sultan Abou-'l-Abbas subissait toutes les volontés, s'y voyant étroitement cerné et sachant que l'ennemi continuait à recevoir des renforts, faiblit devant le danger et consentit à rendre la ville. Le dix-neuvième jour de Rebiâ premier, le sultan Mouça fit son entrée à Fez et reçut, sur le trône, les hommages de ses nouveaux sujets.

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Abou-'l-Abbas venait de marcher à la poursuite d'Abou-Hammou et s'était déjà porté à une journée de marche de Tlemcen, quand il apprit les événements du Maghreb. Avant de quitter cette ville, il en avait fait dévaster les palais pour complaire à Ouenzemmar-Ibn-Arîf, émir des Soueid. Ces édifices étaient d'une beauté dont il est impossible de donner une juste idée. Commencés par le sultan Abou-Hammou premier, ils furent achevés par son fils, Abou-Tachefîn. A cette époque, les arts étaient très peu avancés à Tlemcen, parce que le peuple qui avait fait de cette ville le siége de son empire conservait encore la rudeese de la vie nomade; aussi, ces princes dûrent s'adresser à Abou-'l-Ouélid, seigneur de l'Andalousie, afin de se procurer des ouvriers et des artisans. Le souverain espagnol, maître d'une nation sédentaire chez laquelle les arts avaient nécessairement fait beaucoup de progrès, leur envoya les architectes les plus habiles de son pays. Tlemcen s'embellit alors de palais, de maisons et de jardins tellement beaux que, depuis, on n'a jamais rien pu y construire de semblable. Ouenzemmar, voulant punir Abou-Hammou d'avoir saccagé le palais impérial de Tèza et le château de Morada, poussa le sultan à dévaster les palais de Tlemcen et à renverser les murs de la ville, œuvre de destruction qui fut accomplie en un clin-d'œil.

Abou-'l-Abbas, ayant alors appris que son cousin Mouça s'était emparé du siége de l'empire à Fez, abandonna tous ses projets, évacua Tlemcen et s'empressa de partir pour le Maghreb. Abou-Hammou quitta Tadjhammoumt en apprenant cette nouvelle et rentra dans sa capitale. Le plaisir qu'il éprouva d'avoir relevé l'empire des Beni-Abd-el-Ouad n'était pas sans mélange, car l'aspect de ses palais, dépouillés maintenant de leur éclat et de leur beauté, lui causa un chagrin profond.

ABOU - TACHEFIN LAISSE ENCORE ÉCLATER LA JALOUSIE QUI L'ANIMAIT CONTRE SES FRERES.

La jalousie qui divisait ces princes avait échappé à l'observation du public, grâce à la peine que leur père s'était donnée de protéger les faibles contre les forts et de les réconcilier quand ils s'étaient brouillés; mais elle finit par éclater et se changer en haine, après leur rentrée à Tlemcen et la retraite des Mérinides. Abou-Tachefîn s'était persuadé que ses frères et son père tramaient quelque projet à son désavantage ; et il se disposait à manifester l'esprit de désobéissance et de rancune qu'il recelait dans son cœur, quand le sultan s'aperçut de son intention et emmena l'armée du côté d'El-Bat'ha. Le motif ostensible de ce mouvement était de faire rentrer les Arabes dans l'obéissance, mais le sultan avait réellement pour but d'aller trouver son fils El-Montecer à Miliana et de l'emmener avec lui à Alger afin d'y établir le siége de son empire. AbouTachefîn devait rester à Tlemcen comme lieutenant du sultan, après lui avoir prêté le serment de fidélité.

Mouça-Ibn-Yakhlof découvrit ce projet ; et, selon son habitude, il en fit part à Abou-Tachefîn. Ce prince en fut tellement courroucé qu'il ne put plus se contenir; il quitta Tlemcen à la tête des troupes placées sous ses ordres et accourut à El-Bat'ha afin d'atteindre son père avant l'arrivée d'El - Montecer. L'ayant trouvé dans les basses terres qui avoisinent cette ville, il jeta le masque qui cachait son mécontentement et sa colère, et le ramena à Tlemcen après lui avait fait jurer de renoncer à de reils desseins.

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ABOU-TACHEFIN USURPE LE TRÔNE DE SON PERE.

Au retour d'El-Bat'ha, le sultan, qui avait perdu l'occasion d'opérer sa jonction avec son fils El-Montecer, chargea secrètement

T.III.

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