Images de page
PDF
ePub

devant Bougie, Abou-Abd-Allah défendit aux habitants du littoral de fournir de l'eau et des vivres à ce bâtiment; voulant témoigner, de cette manière, ses obligations envers Abou-Einan et mériter, par ce service, une augmentation de puissance.

En l'an 753 (1352), Abou-Einan renversa l'empire des BeniAbd-el-Ouad, s'empara du Maghreb central et invita l'émir Abou-Abd-Allah à faire arrêter toutes les personnes de cette famille qui iraient se réfugier à Bougie. L'émir témoigna son obéissance en posant des vedettes sur toutes les collines, et parvint ainsi à découvrir, aux environs de Bougie, le prince Mohammed, fils du sultan Abou-Saîd-Ibn-Abd-er-Rahman, le prince Abou-Thabet, frère du même sultan, et leur vizir, Yahya-IbnDawoud-Ibn-Megguen. Ces proscrits furent chargés de chaînes et livrés aux Mérinides. Bientôt après, l'émir lui-même se rendit auprès d'Abou-Einan et reçut de lui l'accueil le plus honorable. Il y était encore quand un agent de ce monarque vint lui donner le conseil de céder Bougie au gouvernement mérinide et de se délivrer ainsi des tracas que lui causaient l'insubordination des troupes et les intrigues des courtisans. En échange de cette ville on lui offrit le commandement de Mequinez et une position trèshonorable auprès du sultan. On le prévint, en même temps, que s'il repoussait cette proposition, il risquerait de ne rien avoir du tout. Ce fut avec un regret extrême qu'il donna son consentement à un arrangement de cette nature, mais il ne lui restait plus d'alternative. S'étant donc présenté devant le sultan, qui avait réuni tous les membres de la famille mérinide en une séance solennelle, il exprima le désir de lui remettre le gouvernement de Bougie. L'offre fut acceptée, et le prince hafside reçut en fief la ville de Mequinez et une ample dotation. Peu de jours après, le sultan révoqua la concession qu'il venait de faire et emmena Abou-Abd-Allah en Maghreb. L'affranchi Fareh, ce ministre qui avait autrefois tenu Abou-Abd-Allah en tutelle, partit alors pour chercher la famille et les enfants de son maître, afin de les conduire auprès de lui.

Omar-Ibn-Ali-Ibn-el-Ouézîr fut nommé gouverneur de Bougie par Abou-Einan. Il appartenait à la famille des Ouattas, maison

qui prétend remonter jusqu'à Ali-Ibn-Youçof, sultan almoravide. Comme les Sanhadja des environs de Bougie font partie de la même race que les Almoravides, un certain degré de parenté existait entre eux et le nouveau gouverneur; considération qui décida Abou-Einan à faire choix de cet officier. Les Mérinides quittèrent alors Médéa et rentrèrent en Maghreb.

Quand les fonctionnaires mérinides se furent établis dans Bougie, les chefs des Sanhadja et du corps des affranchis, tous partisans dévoués de la maison hafside, tinrent un conseil dans lequel il fut convenu qu'Ibn-el-Ouézîr et les autres Mérinides seraient massacrés. Mansour-Ibn-Ibrahîm-Ibn-el-Hadj, chef des Sanbadja, se chargea de l'exécution du complot à la sollicitation, dit-on, de l'affranchi Fareh. Le lendemain, les conjurés pénétrèrent dans la chambre de la citadelle qu'occupait Omar-Ibn-Ali, et Mansour, s'étant baissé comme pour lui parler, le frappa d'un coup de poignard. Un de ses complices blessa mortellement le cadi Ibn-Ferkan qui s'était montré favorable aux Mérinides. On acheva Omar sur le lien même, mais on permit au cadi d'aller mourir chez lui. Fareh, étant monté à cheval, tâchait de calmer l'agitation qui se déclara dans la ville, quand tout-à-coup s'éleva un cri de «< Vive Mohammed, fils d'Abou-Zeid, seigneur de >>> Constantine! » On proclama la souveraineté de ce prince à l'instant même et l'on fit partir un courrier pour l'inviter à venir le plus tôt possible.

Pendant quelques jours on attendit avec impatience l'arrivée de Mohammed, mais, enfin, les notables de la ville tinrent conseil, et, craignant la vengeance du sultan mérinide, ils se jetèrent sur Fareh et lui ôtèrent la vie. Ceci se passa dans un des trois jours qui suivirent la fête du sacrifice (du 10 au 14 de Dou-'l Hiddja 753 — au milieu de janvier 1353). La tête de leur victime fut portée à Tlemcen où Abou-Einan se trouvait alors. Les auteurs de cet assassinat furent Hilal, ancien camarade de Fareh et affranchi de la famille Seid-en-Nas, et Mohammed, fils de l'ancien chambellan Abou-Abd-Allah-Ibn-Seîd-en-Nas, aidés par les principaux cheikhs de la ville. On fit aussitôt avertir l'officier mérinide qui commandait à Tedellès, et on l'invita à venir pren

dre le commandement de Bougie. Ce fonctionnaire, qui appartenait à la tribu des Oungacen et qui s'appelait Yahya, fils d'Omar-Ibn-Abd-el-Moumen, s'y rendit avec un grand empres

sement.

Vers le commencement de l'an 754 (février 1353), un corps de cavalerie, expédié par Abou-Einan et commandé par son chambellan Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-Abi-Amr, arriva à Bougie. Les troupes sanhadjiennes se dispersèrent de tous côtés; leurs chefs et les autres conjurés s'enfuirent à Tunis. Le nouveau commandant fit arrêter Hilal dont il soupçonnait les mauvaises dispositions, ainsi que le cadi Mohammed-Ibn-Omar, dont la complicité avec Fareh lui paraissait évidente. Il mit aussi la main sur les principaux meneurs de la populace et les déporta en Maghreb. Voulant alors rétablir l'ordre dans le pays, il convoqua une assemblée de chefs arabes, de chefs de canton et de notables chargés d'administrer les provinces de Bougie et de Constantine. Les chefs des Douaouida et Youçof-Ibn-Mozni, seigneur du Zab, vinrent aussi le trouver. Tous ces personnages l'accompagnèrent à la cour du Maghreb, après avoir remis leurs fils entre ses mains, comme gages d'obéissance. Le vizir MouçaIbn-Ibrahîm-el-Irnîani partit alors, d'après l'ordre d'Abou-Einan, et alla prendre le commandement de Bougie.

Quand la députation fut arrivée à sa destination, le sultan tint une séance solennelle pour la recevoir; il en accueillit les membres avec une grande considération; il leur prodigua de riches cadeaux et des fiefs dont il fit aussitôt expédier les actes de concession. S'étant alors fait donner des otages et d'autres sûretés, afin d'être toujours certain de leur obéissance, il les renvoya dans leurs pays respectifs.

Le chambellan Mohammed-Ibn-Abi-Amr reçut alors sa nomination au gouvernement de Bougie avec l'ordre d'y retourner afin de prendre le commandement d'une expédition qui devait agir du côté de Constantine. Il arriva à son poste dans le mois de Redjeb 754 (août 1353). Mouça-Ibn-Ibrahîm-el-Irnîani, nommé commandant des Sedouîkich, alla se poster à Beni-Baurar avec un corps de cavalerie, afin de couper les communications avec

T. III.

Constantine et de percevoir l'impôt dans ce territoire. D'après ses instructions, il devait rester aux ordres du chambellan lequel se tiendrait dans Bougie.

Depuis l'échec que les Mérinides avaient éprouvé à Constantine, on y retenait prisonnier un fils du sultan Abou-'l-Hacen, nommé Abou-Omar-Tachefîn1 et surnommé par ses compatriotes El-Medjnoun (le possédé), parce qu'il avait l'esprit dérangé. Dans sa prison il recevait des émirs de la ville une pension pour son entretien, et il obtenait de leur bonté et indulgence toutes les gratifications qu'il pouvait désirer. Quand le corps de cavalerie mérinide se fut mis en marche pour se porter à Beni-Baurar, sur la frontière de la province de Bougie, en menaçant ainsi les habitants de Constantine des fléaux de la guerre et d'un siége prochain, l'émir Abou-Zeid fit proclamer sultan ce pauvre insensé, dans l'espoir que les officiers mérinides à Bougie et les troupes envoyées à Beni-Baurar, se rallieraient autour du fils de leur ancien souverain. Son calcul fut justifié par l'événement : quand ils apprirent qu'Abou-Omar-Tachefin avait été revêtu des insignes de la souveraineté, ils vinrent en grand nombre se joindre à lui. Nebîl, chambellan de l'émir Abou-Zeid, se mit alors en campagne et pénétra dans la province de Bougie à la tête des nomades qui habitaient les plaines autour de Bône, et des partisans que son maître conservait encore parmi les Sedouîkich et les Douaouida.

Le chambellan, gouverneur de Bougie, envoya aussitôt chercher les autres Douaouida dans leurs quartiers d'hiver et, les ayant fait passer du Désert dans le Tell, il se concerta avec leur chef Abou-Dinar-[Yacoub-] Ibn-Ali-Ibn-Ahmed, et organisa une expédition contre Constantine. Dans le mois de Rebiâ 755' (avril-mai 1354), il quitta Bougie, força Abou-Omar-Tachefin et ses partisans à rentrer dans Constantine, et se porta, avec les Mérinides, les Douaouida et les Sedouîkich, à la rencontre de Nebil. Ayant mis en déroute l'armée de cet officier, il balaya le

Voy. ci-devant, p. 37.

territoire de Bône, dont il enleva tous les troupeaux, et de là il marcha sur Constantine. Pendant une semaine il tint cette forteresse investie; mais, ensuite, il leva son camp et se rendit à Mila. Abou-Dinar-Yacoub parvint alors à négocier une trève entre les deux parties, en faisant livrer Abou-Omar-el-Medjnoun. Ce prince fut envoyé à son frère Abou-Einan qui le fit enfermer dans une chambre sous bonne garde.

Ibn-Abi-Amr se mit alors à parcourir la province de Bougie et, arrivé à El-Mecîla, il s'en fit payer les impôts et repartit. pour le siége de son gouvernement. Il y mourut au commencement de l'an 756 (janv.-fév. 1355), et il eut pour successeur Abd-Allah-Ibn-Ali-Ibn-Saîd de la tribu de Yaban 1.

Le nouveau gouverneur étant arrivé du Maghreb, alla tenter la conquête de Constantine, mais il y rencontra une si vigoureuse résistance quil dut rebrousser chemin. L'année suivante, c'est-à-dire en 757, il reparut devant Constantine et dressa ses catapultes. Le siége durait encore quand on répandit, dans le camp, le faux bruit de la mort du sultan Abou-Einan. A cette nouvelle, les troupes se dispersèrent et leur général dut incendier ses machines de guerre et reprendre la route de Bougie.

Nous aurons bientôt à raconter la défaite du corps de cavalerie établi à Beni-Baurar, sous les ordres de Mouça-Ibn-Ibrahîmel-Irnîani, commandant des Sedouîkich.

LA VILLE DE TRIPOLI TOMBE AU POUVOIR DES CHRÉTIENS ET FASSE ENSUITE SOUS LE COMMANDEMENT D'IBN-MEKKI.

Sous les dynasties précédentes, la ville de Tripoli était une forteresse importante dont ont eut toujours soin d'assurer la défense, [vu sa situation exposée;] car elle s'élève dans une plaine, et aucune tribu n'habitait les régions arides qui l'avoisinent. Sa possession avait souvent excité la cupidité des chré

4 Variante: Baban.

« PrécédentContinuer »