Images de page
PDF
ePub

Ibn-Rached, fut fait prisonnier et mis à mort avec quelques-uns de ses partisans. On envoya leurs têtes au sultan et on mit leurs cadavres en croix auprès de Milîana.

A la suite de ce triomphe éclatant et de cette série de victoires, le sultan envoya son vizir, Ibn-Ghazi, contre les Hosein. Il m'écrivit, en même temps, à Biskera, où j'avais fixé mon séjour afin de remplir une mission dont il m'avait chargé; et, d'après ses instructions, je rassemblai tous les partisans qu'il avait gagnés parmi les Douaouida et les Rîah. Ces troupes allèrent joindre le vizir au pied de la forteresse de Tîteri. Nous y bloquâmes les Hosein pendant quelques mois, jusqu'à ce qu'ils abandonnèrent leur asile et se dispersèrent de tous les côtés. Abou-Zian s'enfuit aussi et ne s'arrêta qu'à Ouargla, pays situé au Midi du Zab et trop éloigné pour craindre nos armes. Les habitants de cette région le prirent sous leur protection et le traitèrent honorablement.

Le vizir frappa les Thâleba et les Hosein de lourdes contributions qu'il se fit payer sur-le-champ, et, après avoir pacifié ces provinces, il revint à Tlemcen entouré de gloire et plus puissant que jamais. Le jour de son arrivée, Abd-el-Azîz tint une séance solennelle pour le recevoir ainsi que les députations arabes et berbères dont il s'était fait accompagner. A tous ces chefs, le sultan accorda des marques de faveur et de bienveillance selon le degré de leur rang et de leur influence; puis il ordonna aux émirs zoghbiens de lui livrer comme otages leurs enfants les plus chers et d'aller relancer Abou-Hammou dans sa retraite, à Tigourarîn.

Vers la fin de Rebiâ second 774 (fin d'octobre 1372), quelques jours seulement après le retour du vizir, eut lieu la mort d'Abd-el-Azîz. Il succomba à une maladie chronique qu'il avait soigneusement cachée et qu'il supportait en silence. Les troupes mérinides rentrèrent alors en Maghreb, après avoir reconnu pour sultan le fils de celui qui venait de mourir. Ce jeune prince, auquel on décerna le titre d'Es-Saîd (le fortuné), n'avait que cinq ans et savait à peine marcher; aussi la régence de l'empire fut confiée au vizir Abou-Bekr-Ibn-Ghazi

LE SULTAN ABOU

HAMMOU REVIENT A TLEMCEN.

TROISIÈME RES

TAURATION DE LA DYNASTIE ABD-EL-OUADITE.

Après la mort du sultan Abd-el-Azîz, les Mérinides s'empressèrent de rentrer en Maghreb; mais, avant de se mettre en marche, ils proclamèrent sultan de Tlemcen un prince de la famille de Yaghmoracen, nommé Ibrahîm, qui, depuis la mort de son père, le sultan Abou-Tachefin, avait passé sa jeunesse à la cour du Maghreb. Le but de cette nomination était de créer un rival à Abou-Hammou et d'empêcher ce sultan de revenir à sa capitale. Le lendemain de leur départ, l'affranchi Atïa-IbnMouça, qui venait de s'évader du camp mérinide, entra dans la ville, y rétablit la souveraineté de son maître, Abou-Hammou, et repoussa Ibrahîm-Ibn-Tachefin loin du trône dont il espérait s'emparer.

Les Aulad - Yaghmor, branche de la tribu makilienne des Obeid-Allah, firent aussitôt monter un courrier sur un dromadère afin de transmettre cette bonne nouvelle à leur allié, AbouHammou. Ce monarque venait d'apprendre que les Arabes zoghbiens se disposaient à marcher contre lui; et, désespérant de sa fortune, il faisait ses préparatifs pour s'enfuir dans le Soudan quand ce messager arriva. Son fils et successeur désigné, AbouTachefin-Abd-er-Rahman, partit aussitôt avec leur protecteur, Abd-Allah-Ibn-Sogheir, et se rendit à Tlemcen. Quatre jours après eux, le sultan y fit son entrée et monta sur le trône; s'étant empressé de quitter un sol où il avait été poussé par l'adversité. Ce fut là, en réalité, un événement bien extraordinaire. Sans laisser écouler un seul instant, il ordonna l'emprisonnement de ses vizirs, qu'il soupçonnait d'avoir trempé dans la trahison de Khaled-Ibn-Amer et d'avoir secondé les projets de l'ennemi. Le même jour, il assouvit sa vengeance en les faisant égorger.

Cette exécution augmenta plus que jamais la méfiance de Khaled-Ibn-Amer; mais, en attirant au sultan la haine des Beni

Amer et de leur chef, elle lui procura l'amitié des fils d'ArîfIbn-Yahya, lesquels voyaient d'un œil jaloux la faveur dont Khaled jouissait auprès du sultan Abd-el-Azîz.

S'étant alors assuré que Ouenzemmar, chef de la famille Arif, emploierait toute son influence pour calmer les sentiments d'hostilité que les princes du Maghreb nourrissaient contre la dynastie abd-el-ouadite, le sultan Abou-Hammou s'occupa uniquement de rétablir l'ordre dans ses états.

Quand les Mérinides s'apprêtaient à rentrer en Maghreb, ils envoyèrent dans le pays de Chelif, en qualité de gouverneur, un prince maghraouien de la famille Mendil, lequel s'appelait Ali-Ibn-Haroun-Ibn-Thabet-Ibn-Mendil. Par cette nomination, ils espéraient créer un nouvel embarras au sultan Abou-Hammou dont ils démembraient ainsi l'empire. Vers la même époque, Abou-Zîan reparut dans le pays des Hosein.

ABOU-ZIAN RENTRE DANS LE PAYS DES HOSEIN ET EN SORT BIENTÔT APRÈS.

L'émir Abou-Zîan quitta Ouargla aussitôt qu'il apprit la mort d'Abd-el-Azîz et rentra dans le Tell afin de retrouver les populations nomades dont l'appui lui avait déjà permis de lutter avec Abou-Hammou. Pendant qu'il s'occupait à gagner ces tribus, Abou-Hammou sortit à la tête d'une armée avec l'intention de rétablir l'ordre dans ses états et d'empêcher les perturbateurs d'y pénétrer. Dans cette tournée, il fut parfaitement secondó par Abou-Bekr et Mohammed, tous les deux fils d'Arîf-IbnYahya et émirs des Zoghba nomades. En agissant ainsi, ces chefs obéissaient aux recommandations secrètes de leur frèreaîné, Ouenzemmar. Chargés par lui de servir Abou-Hammou fidèlement, ils montrèrent à ce prince le dévouement le plus franc et le plus parfait.

Khaled-Ibn-Amer et ses gens, voyant leurs offres de soumission repoussées par Abou-Hammou, se trouvèrent dans une po

sition très-difficile et prirent le parti de se réfugier en Maghreb, ainsi qu'ils l'avaient fait sous le règne d'Abd-el-Azîz.

Soutenu par ses nouveaux alliés, le sultan commença sa tâche par soumettre les contrées qui avoisinaient sa capitale et, en l'an 775 (1373-4), il força Ali-Ibn-Haroun de quitter le pays de Chelif et de gagner Bougie afin de s'y embarquer pour le Maghreb. Dans un des combats livrés pendant cette campagne, RahmounIbn-Haroun, frère d'Ali, perdit la vie. Pénétrant alors dans la région située au-delà du territoire de Chelif, Abou - Hammou pria Mohammed-Ibn-Arîf de négocier un traité avec Abou-Zian. Presque tous les partisans que celui-ci avait trouvés parmi les Hosein et les Thâleba passèrent au sultan, les uns séduits par de l'argent, les autres parce qu'ils étaient fatigués d'une guerre sans fin. Aussi leur protégé consentit volontiers à cesser les hostilités et à se retirer dans le pays voisin, chez les Riah, moyennant le don d'une somme d'argent. Dans toute cette affaire, Mohammed-Ibn-Arîf se conduisit de la manière la plus honorable. Il obtint même la soumission de Salem-Ibn-Ibrahîm, chef des Thâleba, lequel, après s'être livré à tous les genres de sédition, était devenu maître de la plaine de Metîdja et de la ville d'Alger.

Sur la demande du chef zoghbien, le sultan accorda un entier pardon à Salem et le confirma dans le commandement des Thâleba et de leur territoire. Cet arrangement terminé, AbouHammou installa un de ses propres fils dans Alger, pour y gouverner sous la tutèle de Salem, et confia à son autre fils, AbouZîan, le commandement de Médéa.

Après avoir soumis jusqu'aux parties les plus reculées de son empire, rétabli l'ordre dans ses états, confirmé ses alliés dans leurs bonnes dispositions et rallié à sa cause les gens qui, jusqu'alors, avaient soutenu ses ennemis, le sultan abd-el-ouadite revint dans sa capitale. Ce fut là un revirement de fortune sans exemple dans l'histoire : un prince qui remonta sur le trône après avoir perdu son royaume, quitté l'habillement impérial et s'être éloigné de son pays et de son peuple pour aller dans une contrée lointaine rechercher la protection des gens incapables

T. III.

30

de lui rendre service et nullement disposés à lui obéir. Dieu est le possesseur de la souveraineté; il la donne à qui il veut ; il exalte l'homme et il l'abaisse à son gré1.

ABD-ALLAH-IBN-SOGHEIR PROCLAME L'ÉMIR ABOU-ZÎAN.

[ocr errors][merged small]

BEKR - IBN-ARÎF, SON COMPLICE DANS CETTE RÉVOLTE, FAIT SA

SOUMISSION AU SULTAN.

Khaled-Ibn-Amer alla solliciter l'appui des Mérinides, après sa trahison envers Abou- Hammou, et emmena en Maghreb son neveu Abd-Allah-Ibn-Sogheir et tous les autres descendants d'Amer-Ibn-Ibrahim. Quand Ibn-Sogheir eut connaissance du traité de paix que Ouenzemmar avait négocié entre le seigneur du Maghreb et celui de Tlemcen, il perdit tout espoir d'être soutenu par les Mérinides et passa dans le Désert avec les gens de sa tribu qui l'avaient accompagné dans sa fuite. Aussitôt qu'il entra sur le territoire des Zoghba, il fit une irruption dans le Djebel-Rached, montagne habitée par les Amour; mais il fut attaqué vigoureusement et mis en fuite par leurs confédérés, les Soueid.

Pendant que ces événements se passaient, une grave mésintelligence éclata entre Abou-Hammou et Abou-Bekr-Ibn-Arîf, parce que le premier voulait contraindre Youçof-Ibn-Amer-IbnOthman à se démettre du gouvernement du Ouancherîch. AbouBekr, dont la famille était liée d'amitié avec celle de Youçof, dès le temps de leurs premiers aïeux, céda aux impulsions de la colère, forma une alliance avec Ibn-Sogheir, qui venait d'essuyer la défaite dont nous avons parlé, et lui fit agréer le projet de proclamer la souveraineté d'Abou-Zîan. Ils expédièrent surle-champ les notables de leurs tribus respectives auprès de cet

1 Cette phrase, en style coranique, appartient à Ibn-Khaldoun luimême.

« PrécédentContinuer »