avec un grand acharnement, les troupes d'Abd-Allah-el-Akel arrivèrent. La victoire fut vivement disputée, mais, à la fin, les Arabes prirent la fuite et se dispersèrent de tous côtés, en abandonnant leurs femmes aux vainqueurs. Après cet exploit le sultan rentra à Tunis. HAMZA, ACCOMPAGNÉ D'IBN-ES-CHERÎD, RECOMMENCE SES COURSES ET S'EMPARE DE LA CAPITALE. Après la défaite des Beni-Abd-el-Ouad et la fuite de HamzaIbn-Omar, Abou Darba s'en alla à Tlemcen et mourut dans cette ville. Hamza continua à guerroyer contre le sultan avec peu de succès, et, voyant les Kaoub poussés au désespoir par la sévérité du vainqueur et prêts à recourir aux armes pour se venger, il partit pour Tlemcen afin d'obtenir l'appui du sultan AbouTachefin. Dans ce voyage il eut pour compagnons son ancien rival Taleb-Ibn-Mohelhel, l'ex-chambellan, Ibn-el-Caloun, et Mohammed-Ibn-Meskîn, chef des Beni-Hakim, fraction de la tribu soleimide appelée Aulad-el-Cos. Le sultan agréa sa prière et le renvoya en Ifrîkïa avec un corps de cavalerie qu'il leva pour cet objet et dont il confia le commandement à MouçaIbn-Ali-el-Kordi. Il lui fournit aussi un prétendant au trône de Tunis dans la personne d'Ibrahîm-Ibn-es-Chehid, le hafside. Es-Chehîd (le martyr), père de ce prince, s'appelait Abou-BekrIbn-Abi-l'-Khattab-Abd-er-Rahman; il fut proclamé sultan après la mort d'Abou-Acîda et tué par Abou-l-Baca. Ibrahîm était passé chez les Arabes, et après le combat de Raghîs, il avait déjà consenti à se mettre en avant comme sultan. Nous avons mentionné [dans le chapitre qui précède celui-ci] que ses partisans furent attaqués et mis en fuite par les troupes du sultan [AbouYahya-Abou-Bekr]. Il s'enfuit alors à Tlemcen où cette députation vint le chercher. Abou-Tachefîn le présenta à elle en le déclarant sultan de Tunis, et en lui donnant pour premier ministre Mohammed-Ibn-Yahya-Ibn-el-Caloun. Ils partirent alors pour l'Ifrîkïa avec l'armée de Mouça-Ibn-Ali-el-Kordi. Dans le mois de Dou-'l-Câda 724 (octobre-novembre 1324), le sultan quitta Tunis pour leur livrer bataille. Arrivé à Constantine, il continua ses préparatifs militaires, mais, avant d'avoir tout terminé, il fut surpris par les Abd-el-ouadites et bloqué dans la ville. Pendant que Mouça-el-Kordi l'y tint enfermé, Ibrahîm poussa en avant avec Hamza, et, dans le mois de Redjeb 725 (juin-juillet 1325), ils occupèrent Tunis. Maître de la capitale, Ibrahîm donna le gouvernement de Bédja à Mohammed-Ibu-Davoud, chef almohade. Bientôt une nouvelle révolution faillit avoir lieu : dans une des nuits de Ramadan (août-sept.), quelques partisans du sultan qui s'étaient cachés dans la ville et parmi lesquels se trouvaient Youçof-Ibn-Amer-Ibn-Othman, neveu d'Abd el-Hack-Ibn-Othman le mérinide, El-Caïd-Belat, officier du corps des Turcs à la solde de l'empire et stationné à la capitale, et Ibn-Djessar, chef du corps des chérîfs (descendants de Mohammed), se rassemblerent en criant: «Vive le sultan Abou-Yahya-Abou- Bekr! » et entourèrent la citadelle. N'ayant pas pu s'en emparer, ils coururent à la maison de Kichli, commandant du corps turc et ami d'Ibn-el-Caloun. Pendant qu'ils étaient à combattre ceux qui la défendaient, le jour vint les surprendre, et, ayant été attaqués à leur tour, ils prirent la fuite et la plupart d'entre eux perdirent la vie. Après le départ d'Ibrahîm-Ibn-es-Chehîd, le général abd-elouadite continua à bloquer Constantine; mais, le quinzième jour du siége, il décampa et prit la route de Tlemcen. Le sultan sortit alors de la ville, et, après avoir rassemblé et organisé une armée, il marcha sur Tunis. Ibn-es-Chehîd et Ibn-el-Caloun s'étant empressés d'abandonner la ville, il y fit son entrée en Choual 725 (septembre-octobre 1325). SIEGE DE BOUGIE ET CONSTRUCTION DE TEMZEZdekt. DES TROUPES DU SULTAN. DÉFAITE Depuis qu'Abou-Tachefin eut raffermi son autorité et trouvé sa liberté d'action, il avait continué à harceler la ville de Bougie par de fréquentes expéditions et des siéges très-prolongés. De son côté, le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr y envoyait ses meilleurs officiers et ses vizirs les plus habiles, afin que la conservation de cette place importante fût toujours garantie par la présence des hommes de mérite et de courage. Il y faisait passer de l'argent, des armes et des troupes, en recommandant aux habitants de tenir ferme, de supporter leurs maux avec patience et de compter sur sa constante sollicitude. Chaque fois qu'AbouTachefin voyait le sultan s'apprêter à marcher au secours de la ville ou se disposer à attaquer les troupes qui la tenait étroitement bloquée, il lui suscitait un adversaire afin de déjouer son projet et de ralentir son ardeur. De tous ces agents de désordre, Hamza-Ibn-Omar était le plus actif; il poussait les Arabes à la révolte, rassemblait des bandes pour les lancer contre la capitale, et mettait en avant quelque membre de la famille des Hafsides, en lui faisant convoiter le bien d'autrui, la dignité du khalifat. Telle fut son habitude pendant toute cette époque. En 725 (1324-5), quand Abou-Tachefin envoya Ibn-es-Chehîd en Ifrîkïa avec un corps d'armée commandé par Mouça-Ibn-Aliel-Kordi, Hamza et ses partisans marchèrent avec eux. Le siége de Constantine déjà entrepris et abandonné, fut recommencé en l'an 728 (1327-8). Le général abd-el-ouadite ayant porté le ravage dans les alentours de cette place, passa encore une fois dans la vallée de Bougie et bâtit une nouvelle ville à Tîklat. Cet endroit est situé à une journée de marche de Bougie, au débouché du chemin qui mène de l'Occident en Orient. Comme Bougie se trouve sur l'embranchement de cette route qui mène à la mer, ils choisirent cette localité pour l'emplacement de leur ville. Ayant réuni un grand nombre de bras et assigné à chaque corps de l'armée une partie du travail, il parvint à terminer sa tâche dans l'espace de quarante jours. Cette ville reçut le nom de de Temzezdekt afin de rappeler le souvenir de l'ancienne cita 1 La route suivie par les Abd-el-Ouadites passait par Tedellis (Dellys) et Zatfoun, forteresses où ils tenaient des garnisons, et par la montsena appelée Djebel-ez-Zan. delle abd-el-ouadite, située sur la montagne vis-à-vis d'Oudjda, et dans laquelle Yaghmoracen s'était défendu contre Es-Saîd qui, comme on le sait, mourut pendant le siége. On approvisionna la place et on y établit une garnison de cavalerie, d'infanterie et de contingents des tribus [voisines], afin d'intercepter les communications avec Bougie. Le sultan [Abou-Yahya-Abou-Bekr] conçut de graves inquiétudes en voyant occuper cette position et ordonna à ses généraux, à ses gouverneurs de province, à ses affranchis et à ses serviteurs de conduire leurs troupes au secours de MohammedIbn-Séïd-en-Nas, commandant de Bougie, et de mettre en ruine la nouvelle ville, dussent-ils y périr tous. En conséquence de cet ordre, Dafer-el-Kebîr se mit en marche de Constantine, AbdAllah-el-Akel partit du pays des Hoouara, Dafer-es- Sinan sortit de Bône, et ils arrivèrent à Bougie en l'an 727 (1327). Mouça-IbnAli fut averti de leur approche et appela à son secours les détachements abd-el-ouadites qui se trouvaient dans les contrées derrière sa position. Les troupes venues an secours de Bougie sortirent sous le drapeau d'Ibn-Séïd-en-Nas et marchèrent contre le camp à Tiklat, mais elles furent trahies par la fortune et durent reprendre le chemin de la ville, après avoir perdu beaucoup de monde. Dafer-el-Kebîr fut tué dans cette bataille. Comme Ibn-Séïd-en-Nas s'était concerté secrètement avec Mouça-IbnAli [-el-Kordi] à l'effet de se ménager réciproquement aux dépens des intérêts de leurs maîtres, il se méfia de ses auxiliaires et leur ferma les portes de la ville; aussi ces troupes partirent le lendemain pour leurs provinces respectives. Le sultan donna alors le commandement de Constantine à Abou-'l-Cacem-Ibn-Abd-el-Azîz. Cet officier fut rappelé au bout de quelques jours pour assister Mohammed-el-Mizouar-Ibn-Abdel-Azîz dans les fonctions de chambellan. En effet, celui-ci n'avait pas les talents nécessaires pour remplir une pareille charge. L'affranchi Dafer-es-Sinan fut nommé chambellan de l'émir Abou-Abd-Allah, fils du sultan et gouverneur de Constantine. Les manuscrits portent Eiça à la place d'Ali. T. II. 30 Dafer garda cette place jusqu'à ce que l'édifice de sa fortune fût renversé. MORT DU CHAMBELLAN EL-MIZOUAR. SEÏD-EN-NAS. IL EST REMPLACÉ PAR IBNMORT D'IBN-EL-CALOUN. Les antécédents d'[Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-Abd-elAziz-el-Kordi], surnommé El-Mizouar, me sont peu connus; tout ce que j'en sais se réduit aux faits suivants : il avait pour aïeul un de ces chefs kurds qui vinrent en Maghreb, après avoir été chassés de Chehrezour 2, leur lieu natal, lors de la prise de Baghdad, en l'an 656 (1258). Quelques-uns d'entre eux se fixèrent à Tunis; d'autres s'établirent à Maroc sous la protection du sultan El-Morteda, d'autres encore se rendirent au milieu des tribus mérinides, et le reste alla demeurer chez les BeniAbd-el-Ouad, ainsi qu'on peut le voir dans l'histoire de ce dernier peuple. Parmi ceux qui restèrent à Tunis, se trouva l'ancêtre du sujet de cette notice. Mohammed-Ibn-Abd-el-Azîz fut élevé à la cour de l'émir Abou-Zékérïa second, seigneur de Bougie et de Constantine. Ayant été le compagnon d'enfance des fils de ce prince, il grandit sous un haut patronage, et se rendit, plus tard, à Tunis dans la suite de l'émir Abou-Yahya-AbouBekr, fils d'Abou-Zékérïa. A cette époque, il faisait partie de la société intime du prince et commandait le corps des domestiques appelé la Dakhla (gens de l'intérieur). Ce fut pour cette raison qu'il porta le titre d'El-Mizouar (l'introducteur). Sa haute intelligence, la dignité de ses manières et sa piété profonde lui avaient assuré une grande considération à la cour. Dénoncé par lui, en l'an 724, le chambellan Ibn-el-Caloun prit la fuite et alla A la place des noms que nous avons mis entre parenthèses, les manuscrits et le texte imprimé portent Mohammed-Ibn-el-Caloun, leçon inadmissible. * On trouvera dans le chapitre du troisième volume qui contient la notice de Mouça-Ibn-Ali, des renseignements sur les Kurds qui passèrent en Afrique après la chute du khalifat de Baghdad. |