Images de page
PDF
ePub
[ocr errors]

LE SULTAN ABD-EL-AZÎZ S'EMPARE DE TLEMCEN.

[blocks in formation]

ET LES BENI AMER ESSUIENT UNE DÉFAITE A ED
ABOU-ZIAN SORT DE TÎTERI ET PASSE CHEZ LES RIAH.

DOUCEN.

L'emprisonnement de Mohammed-Ibn-Arîf, la dispersion de sa tribu, les Soueid, et la dévastation de tout leur pays par Abou-Hammou décidèrent Abou-Bekr-Ibn-Arîf, frère aîné de ce Mohammed, à solliciter l'appui du souverain mérinide. Ayant, en conséquence, rassemblé les Soueid, les Dialem, les Attaf et toutes les autres peuplades nomades qui composaient la tribu des Beni-Malek, il les conduisit dans les plaines du Molouïa, sur la frontière du Maghreb. De là, il se rendit auprès de son frère aîné, Ouenzemmar, qui habitait le Casr-Morada, château qu'il s'était fait bâtir près des barrages du Molouïa. Dans cette retraite, Ouenzemmar vivait sous la protection du gouvernement mérinide dont il réglait la conduite par sa volonté et par ses conseils. Cette position de conseiller-directeur était, pour ainsi dire, héréditaire; car il la tenait de son père, Arîf-Ibn-Yahya, qui avait rempli les mêmes fonctions auprès du sultan AbouSaîd, du sultan Abou-'l-Hacen et du saltan Abou Einan; de l'aïeul, du père et du fils. Les princes qui régnèrent en Maghreb après Abou - Einan adoptèrent, à l'égard de Ouenzemmar, l'exemple de leurs prédécesseurs ; et, se croyant heureux de posséder un tel guide, ils suivirent ses avis avec une confiance. aveugle.

Abou-Bekr alla donc trouver Ouenzemmar dans l'espoir d'ohtenir, par son entremise, l'appui des Mérinides; et, lui ayant fait connaître l'emprisonnement de leur frère cadet Mohammed, il lui inspira la résolution de se venger. Il partit alors avec les cheikhs de sa tribu, les Beni-Malek, et se rendit, au nom de Ouenzemmar, auprès du sultan Abd-el-Azîz qui venait de soumettre la montagne des Hintata et de faire prisonnier AmerIbn-Mohammed-Ibn-Ali', chef insurgé qui s'y était retranché.

1 Voy. t. 1, p. 266.

[ocr errors]
[ocr errors]

Les membres de cette députation rencontrèrent le vainqueur pendant qu'il revenait à sa capitale et leur demande de secours obtint une réponse favorable. Alors, ils lui représentèrent que la conquête de Tlemcen et des contrées qui s'étendent au-delà de cette ville pourrait s'effectuer avec une grande facilité et qu'il devait l'entreprendre. Cette recommandation s'accordait parfaitement avec les sentiments du sultan qui ne pardonnait pas à Abou-Hammou d'avoir accueilli dans ses états les nomades arabes-makiliens, peuple naguère soumis à l'autorité de l'empire mérinide. Il se rappela aussi qu'AbouHammou ne s'était aucunement soucié des remontrances qu'il lui avait fait parvenir à ce sujet. Par ces motifs, il résolut d'envahir le royaume de Tlemcen et de confier à Ouenzemmar la direction de cette entreprise.

Quand il eut rassemblé, aux environs de Fez, les troupes que ses agents étaient allés chercher dans ses provinces et places frontières, il célébra la fête du sacrifice, l'an 771 (10 Dou-'lHiddja 12 juillet 1370), et se mit en marche. Abou-Hammou apprit cette nouvelle à El-Bat'ha, où il était campé et rentra surle-champ à Tlemcen afin de rallier ses alliés arabes, les ObeidAllah et les Ahlaf, peuplades makiliennes. Averti ensuite que ces tribus, au lieu de répondre à son appel, étaient allées se ranger du côté des Mérinides, il prit la résolution de passer chez les Beni-Amer; et, dans le commencement de Moharrem (août), il abandonna sa capitale. Le 10 du même mois, le sultan Abd-el-Azîz y fit son entrée et, d'après les conseils de Ouenzemmar, il envoya le vizir Abou-Bekr-Ibn-Ghazi-Ibn-el-Kas à la poursuite de l'ennemi. Cet officier se porta vers El-Bat'ha, où il opéra sa jonction avec Ouenzemmar qui lui amenait une forte troupe d'Arabes. De là, il se dirigea contre Abou-Hammou et le força, ainsi que les Beni-Amer, à se retirer sur le territoire des Douaouida.

Le sultan Abd-el-Azîz m'envoya alors chez cette dernière tribu afin de la décider à faire sa soumission et à repousser l'alliance des Beni-Amer et d'Abou-Hammou. Il chargea aussi Feredj, fils d'Eïça-Ibn-Arîf, de se rendre au milieu des Hosein

pour les sommer de reconnaître l'autorité de l'empire mérinide, rompre les engagements qu'ils avaient contractés envers AbouZian et renvoyer ce princé auprès du sultan. Nous arrivâmes ensemble chez les partisans d'Abou-Zîan et nous parvinmes à leur faire entendre raison. Leur protégé, se voyant tout-à-fait abandonné, passa chez les Aulad-Yahya-Ibn Ali-Ibn-Sebâ, tribu douaouidienne. Je m'y rendis aussi, un peu plus tard, et, me conformant aux instructions que j'avais reçues, j'évitai de faire la moindre allusion à la protection qu'ils venaient d'accorder à Abou-Zian et je m'attachai à leur démontrer les dangers auxquels ils s'exposeraient en formant une alliance avee le sultan Abou-Hammou et les Beni-Amer. D'après mes conseils, leurs cheikhs allèrent trouver Ouenzemmar et lui firent connaître, ainsi qu'au vizir Ibn-Ghazi, la route que les fuyards avaient suivie. Ces deux chefs se mirent aussitôt à la poursuite du sultan abd-el-ouadite et l'atteignirent à Ed-Doucen, ville située dans la partie occidentale du Zab. Ayant surpris son camp dans une attaque de nuit, ils dispersèrent ses troupes, s'emparèrent de ses effets, de ses trésors et de ses bêtes de somme et contraignirent les débris de son armée à se jeter dans le pays des Mozab. Retournant alors sur leurs pas, ils marchèrent vers les bourgades des Beni-Amer, cosour situés dans le Désert, au Midi du Mont Rached, et dont les principaux se nommaient Rebâ et Bou-Semghoun. Après avoir pillé et dévasté ces établissements, ils se dirigèrent vers Tlemcen.

Le sultan Abd-el-Azîz établit alors des agents dans Oran, Miliana, Alger, Médéa, le Quancherich et toutes les autres localités du Maghreb central. Devenu maître du royaume de son adversaire, il ne lui resta plus qu'à éteindre les étincelles d'une insurrection qu'un fils d'Ali-Ibn-Raclied avait allumées dans le pays des Maghraoua.

Ce jeune homme, mécontent de la position' qu'il occupait dans l'armée du sultan, se jeta dans la montagne des Beni-[Bou-]Saîd

Dans le texte arabe, il faut lire halohou à la place de Khaled.

et y leva l'étendard de la révolte. Abd-el-Azîz traita cette démonstration avec mépris et ordonna à son vizir, Omar-IbnMasoud, de prendre quelques troupes et d'investir la montagne. Nous avons déjà parlé de cette affaire dans notre notice des Maghraoua1.

Vers la même époque, je décidai les cheikhs des Douaouida à, se rendre auprès du sultan. Ils reçurent de lui un excellent accueil et rentrèrent dans leur pays, les valises pleines de cadeaux, les cœurs libres de tout souci et les bouches remplies des louanges d'Abd-el-Azîz. ̧

TROUBLES DANS LE MAGHREB CENTRAL.

ABOUZIAN REPARAÎT A

TÎTERI ET ABOU HAMMOU FAIT UNE TENTATIVE SUR TLEMCEN.
DÉROUTE ET FUITE DE CES PRINCES.

Les Beni-Amer-Ibn-Zoghba témoignèrent, dans tous les temps, une sincère amitié aux Beni-Abd-el-Ouad, tandis que les Soueid montraient toujours un parfait dévouement aux Beni-Merîn. On sait quelle était la position que les chefs soueidiens, Arîf-IbnYahya et ses fils, occupèrent auprès d'Abou-'l-Hacen et des princes qui saccédèrent à ce sultan.

Les fractions de la grande tribu des Beni-Amer qui accompagnèrent Abou-Hammou [dans sa fuite] perdirent, à Ed-Doucen, tout ce qu'elles possédaient; et, consternées de ce désastre, elles allerent se jeter dans les profondeurs du Désert. Ne pouvant espérer des Beni-Merîn la moindre bienveillance, tant que la faveur de cette dynastie se concentrait sur Ouenzemmar et ses frères, elles restèrent attachées au sultan Abou-Hammou et le suivirent dans toutes les parties du Désert où il voulut se diriger. Elles avaient mené ce genre de vie pendant quelque temps, quand Rahhou-Ibn-Mansour, chef des Obeid-Allah, Arabes makiliens, vint les joindre avec sa tribu. Ce renfort leur permit d'aller ra

1 Voy. p. 325 de ce volume.

vager les environs d'Oudjda et d'allumer une nouvelle insurrection contre les Mérinides.

Les Hosein, de leur côté, savaient que leur réputation d'aimer la révolte et le désordre suffirait pour leur attirer la vengeance du sultan mérinide; aussi, prirent-ils la résolution [de persister dans leurs anciennes habitudes et] d'envoyer leurs cheikhs auprès d'Abou-Zian, qui se tenait toujours chez les Aulad-YahyaIbn-Ali. L'ayant fait venir au milieu d'eux, ils marchèrent contre Médéa, et, bien que cette ville résistât à tous leurs efforts, ils ne se rendirent pas moins maîtres de la campagne qui l'entoure.

Le sultan Abd-el-Azîz, voyant le Maghreb central en pleine révolte contre son autorité, fit partir plusieurs corps de troupes pour combattre les Maghraoua et les Hosein.

Abou-Hammou vint alors se montrer, avec les Beni-Amer, aux environs de Tlemcen, mais il fut trahi par son allié, KhaledIbn-Amer. Ce chef, mécontent de voir quelques-uns de ses parents admis dans l'intimité du sultan abd-el-ouadite et indigné de trouver que les avis de certaines gens bien au-dessous de lui par le rang fussent adoptés plutôt que les siens, se laissa gagner par l'offre d'une somme d'argent et d'une position brillante à lat cour d'Abd-el-Azîz. Soutenu par un corps de troupes que ce monarque lui envoya, il attaqua et mit en fuite les Obeid-Allah et les Beni-Amer qui accompagnaient Abou-Hammou. Le camp du sultan, ses trésors, son harem et son affranchi Atïa tombèrent au pouvoir des vainqueurs. Toutes ses femmes furent envoyées au palais d'Abd-el -Azîz, et Atïa, ayant obtenu la vie sauve, entra au service des Mérinides. Abou-Hammou courut se réfugier à Tigourarîn, une des dernières villes que l'on traverse quand on pénétre au loin dans le Désert. Il y arriva seul, sans domestique ni vizir. Les Zenata se décidèrent alors à faire leur soumission au sultan du Maghreb.

Rien ne pouvait procurer à Abd-el-Azîz autant de satisfaction que cette victoire, si ce n'est la conquête du pays des Maghraoua et la prise de la montagne des Beni-Bou-Saîd par son vizir, Abou-Bekr-Ibn-Ghazi. Le chef des insurgés, Hamza, fils d'Ali

« PrécédentContinuer »