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classé au nombre de ceux qui dépendent de la royauté, et forme un emploi spécial qui se confère directement.

Ce qu'on entend par sicca1, c'est un office dont les fonctions consistent à inspecter les espèces qui ont cours parmi les musulmans; à empêcher qu'on les altère ou qu'on les rogne, si on les prend au compte dans le commerce, et à examiner tout ce qui se rattache à cela de quelque manière que ce soit; ensuite à faire mettre sur ces monnaies le type du sultan, pour en attester le titre et le bon aloi; type qui s'imprime sur les pièces au moyen sur les pièces au moyen d'un coin de fer destiné à cet usage et qui porte une légende conforme à son emploi. On place 2 ce coin sur la pièce d'or ou d'argent, après qu'elle a été mise au poids déterminé, et l'on frappe dessus avec un marteau, jusqu'à ce qu'elle en ait reçu l'empreinte. Cette marque atteste que la pièce a le degré de fin auquel la fonte et l'affinage doivent s'arrêter, ce qui dépend de l'usage reçu dans le pays et autorisé par le gouvernement. Il n'y a point de titre absolu et invariable de fonte et d'affinage; ce titre est arbitraire. Quand, dans un pays, on est convenu d'un certain degré de fonte et d'affinage, on s'y arrête et l'on nomme cela étalon (imam) et module (eïar). C'est d'après ce titre qu'on vérifie les espèces; on juge leur bonté en les comparant avec ce même titre, et, si elles sont au-dessous, on les déclare mauvaises. La surveillance. de tout cela appartient à celui qui est revêtu de l'office de sicca. D'après ces observations, on voit que la sicca est du nombre des places qui dépendent de l'autorité spirituelle et se rangent sous l'office de khalife. Autrefois elle était dans les attributions du cadi; mais plus tard elle en a été séparée, et jusqu'à nos jours elle constitue une fonction spéciale, comme cela est arrivé pour l'office du mohteceb.

Après avoir parlé des offices qui dépendent de l'autorité du khalife, P. 408. nous avons à en indiquer plusieurs autres, dont les uns ont été supprimés parce que les motifs pour lesquels on les avait institués n'exis

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Ce paragraphe a été traduit par M. de Sacy, dans sa Chrestomathie arabe, t. II, p. 279.

فيوضع lise, فتوضع Pour

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tent plus, et dont les autres font maintenant partie de l'administration temporelle; ainsi le gouvernement des provinces, le vizirat, le commandement de l'armée et l'administration des finances sont dans les attributions du sultanat. Nous parlerons de ceux-ci en leur lieu et place. La direction de la guerre sainte a été supprimée, parce que la plupart des États (musulmans) ont discontinué l'usage d'envahir les pays des infidèles. Dans les royaumes où on l'a maintenue, elle compte ordinairement au nombre des institutions qui dépendent du sultanat. Le syndicat des chérifs n'existe plus; cet office, institué dans le but de vérifier les généalogies (de ceux qui se disaient descendants de Mohammed), afin d'autoriser leurs prétentions au khalifat ou de constater leur droit à une pension payable par le trésor public2, cessa de fonctionner lors de la chute du khalifat. En somme, nous voyons que, dans la plupart des royaumes (musulmans), les attributions du khalifat et ses institutions se trouvent absorbées dans celles de la souveraineté et de l'administration temporelle. C'est la sagesse de Dieu qui dirige les événements.

Sur le titre d'émîr el-moumenîn.

Le titre d'émir el-moumenín (commandant des croyants) est un des attributs du khalifat. Son emploi ne date pas d'une époque ancienne, mais du temps des premiers khalifes. Après avoir inauguré Abou Bekr, les Compagnons et le reste des musulmans le désignèrent par le titre de khalife (lieutenant, successeur) de l'envoyé de Dieu, et ils continuèrent à le nommer ainsi jusqu'à sa mort. Ayant ensuite rendu foi et hommage à Omar, pour se conformer à la volonté d'Abou Bekr, qui l'avait désigné comme son successeur, ils l'intitulèrent le khalife du khalife de l'Envoyé de Dieu. Dès lors, ils paraissent avoir reconnu que cette manière de désigner leurs khalifes deviendrait très-incommode, parce que ce titre s'allongerait outre mesure si l'on y ajoutait le mot khalife à chaque nouvelle inauguration et que, par la multi

1

غالبا في lisez في غالب Pour

2 La mendicité était défendue aux ché

rîfs, ou descendants de Mohammed, mais
le trésor public leur faisait une pension..

plicité de ces termes, il ne pourrait plus servir comme désignation précise, et deviendrait absurde; aussi penchèrent-ils à le remplacer par une autre dénomination qui eût avec lui un certain rapport. Aux P. 409. généraux qui commandaient les expéditions militaires, ils donnaient le titre d'émir, mot dérivé d'émara (commandement), dont il est ce que les grammairiens appellent le fáil 1. Les Arabes, avant leur conversion à l'islamisme, désignaient le Prophète par les titres d'émir de la Mecque et d'émîr du Hidjaz; les Compagnons donnaient à Saad Ibn Abi Oueccas le titre d'émir el-moslemin (commandant des musulmans), parce qu'il avait exercé le commandement en chef á la bataille de Cadeçiya. Un des Compagnons ayant appelé 2 Omar par le nom d'émîr elmoumenín, cette dénomination fut approuvée et adoptée. Le premier qui lui donna ce titre fut, dit-on, Abd-Allah Ibn Djahch3, ou, selon d'autres, Amr Ibn el-Aci ou El-Moghîra Ibn Choba. D'après un autre récit, un courrier, portant l'annonce d'une victoire, arriva à Médine et demanda Omar, en disant : « Où est le commandant des croyants?. Les Compagnons qui l'entendirent s'écrièrent; « Par Allah! tu as raison; il est, en effet, le commandant des croyants.» Dès lors, ils appelèrent Omar par ce nom, et le reste du peuple suivit leur exemple. Ce titre passa, comme un héritage, aux khalifes suivants; ceux de la dynastie oméiade se le réservèrent d'une manière spéciale et ne permettaient à personne de le porter. Alors les Chîïtes désignèrent Ali par le titre de l'imam, afin de faire sentir qu'à lui seul appartenait la dignité de l'imamat, sœur de celle du khalifat, et que, selon leur doctrine hérétique, il avait plus de droit à l'imamat de la prière qu'Abou Bekr. Ils donnèrent aussi le titre d'imam à ceux qu'ils regardaient comme ses successeurs dans l'office de khalife. Tant qu'ils travaillaient en secret pour faire valoir les droits de l'un de ces princes, ils le désignaient sous le nom de l'imam; mais, aussitôt

1 C'est-à-dire,
nom formé de la racine
trilitère, par l'insertion d'un long avant
la dernière lettre radicale.

الصحابة عمر Lisez : واتفق ان دعا

بعض

3

Cela n'a pu se faire: Abou Mohammed Abd-Allah Ibn Djahch, un des plus anciens des Compagnons, fut tué à la bataille d'Ohod, l'an 3 de l'hégire.

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qu'ils l'eurent mis à la tête d'un empire, ils remplacèrent cette dénomination par le titre d'émir el-moumenín. Les chiïtes (ou partisans) de la famille abbacide firent de même : ils donnèrent à leur chef le titre d'imam, jusqu'à l'époque où ils proclamèrent les droits P. 410 d'Ibrahim2 au khalifat et organisèrent des troupes pour combattre ses ennemis. Quand il eut cessé de vivre, ils donnèrent à son frère Es-Saffah le titre d'émir el-moumenîn. Les Rafédites de l'Ifrîkiya suivirent le même système : ils attribuèrent le titre d'imam 3 à certains princes descendus d'Ismaïl", et ce ne fut qu'à l'avènement d'obeïd-Allah el-Mehdi qu'ils intitulèrent ce prince émir el-moumenin. Ils agirent de la même manière à l'égard de son fils et successeur, Abou 'l-Cacem; d'abord ils les nommèrent les imams, puis ils leur attribuèrent le titre d'émir el-moumenín, lorsqu'ils furent montés sur le trône. Dans le Maghreb, les partisans d'Idrîs désignaient ce prince et son fils, Idrîs II, par le titre d'imam. Tel fut l'usage des Rafédites. Les khalifes transmettaient à leurs successeurs, comme héritage, le titre d'émir el-moumenín; ils en faisaient le signe distinctif auquel on reconnaîtrait le souverain du Hidjaz, de la Syrie et de l'Irac, contrées qui formaient la demeure de la race arabe, le noyau de l'empire, le jardin où la religion avait pris racine, ainsi que la victoire. L'empire musulman était encore dans toute sa vigueur et toute sa force quand on introduisit l'usage de nouveaux titres, afin de distinguer les khalifes l'un de l'autre, vu que celui d'émir el-moumenín leur était commun à tous. Ce furent les Abbacides qui en donnèrent l'exemple; voulant empêcher que leurs véritables noms fussent profanés et ternis par l'emploi que les gens du peuple en faisaient pour les désigner, ils prirent les surnoms d'Es-Seffah, d'El-Mansour, d'ElHadi, d'El-Mehdi', d'Er-Rechid, et ainsi de suite jusqu'à la fin de la

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le

dynastie. Les Obéidites (Fatémides) de l'Ifrîkiya et de l'Égypte suivirent aussi ce système, mais les Oméiades ne l'adoptèrent pas; ceux qui régnèrent en Orient, et qui formaient la première dynastie de la famille, se conduisaient en tout avec la simplicité et la rudesse des premiers temps; il avaient conservé le caractère et les sentiments qui distinguent les Arabes nomades, et, chez eux, les marques particulières qui indiquent l'habitude de vivre dans les villes n'avaient pas remplacé celles qui distinguent l'habitant du désert. Quant aux Oméiades de l'Espagne, ils firent comme leurs aïeux (de la première P. 411. dynastie), parce qu'ils croyaient ne pouvoir1 s'attribuer le titre d'émir el-moumenin tant qu'ils ne seraient pas maîtres du khalifat, dont les Abbacides s'étaient emparés, et tant qu'ils ne posséderaient pas Hidjaz2, berceau du peuple arabe et de la religion. Ils se voyaient aussi trop éloignés du siége du khalifat, du centre de la nationalité musulmane. D'ailleurs pour se garantir contre les Abbacides, qui cherchaient toujours à les perdre, il ne leur fallut rien moins que de s'être établis dans le gouvernement d'un pays lointain. Au commencement du Ive siècle, Abd er-Rahman III monta sur le trône et prit le surnom d'En-Nacer. Il était fils d'Abd-Allah 3, fils de Mohammed, fils d'Abd er-Rahman II. Sous son règne, on apprit que les clients des khalifes de l'Orient tenaient leurs souverains en tutelle et les empêchaient de communiquer avec qui que ce fût; on sut aussi qu'ils portaient leur audace jusqu'à les maltraiter, à les déposer, à les assassiner et à leur crever les yeux. Abd er-Rahman prit alors la résolution d'adopter les usages suivis par les khalifes de l'Orient et par ceux de l'Ifrîkiya (les Fatémides.). Il prit le titre d'émir el-moumenín et le surnom d'En-Nacer li-Dín Illah (l'aide de la religion de Dieu). Son exemple devint une règle pour ses successeurs, eux

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