Images de page
PDF
ePub

de reprendre le chemin de Constantine. Khaled-Ibn-Hamza, frère d'Abou-l-Leil-Fetîta, prit alors le commandement des Kaoub.

Pendant que ces événements se passaient, Ibn-Mekki avait écrit de Cabes, siége de son gouvernement, pour annoncer à Abou-Zeid, seigneur de Constantine. qu'il allait, non-seulement se rendre auprès de lui, mais qu'il lui fournirait des troupes et de l'argent et qu'il se chargerait de la solde des Arabes. Quand la saison des pluies fut passée, il se mit en route avec les Aulad-Mohelhel et se présenta devant Abou-Zeid. Cette démarche lui valut la dignité de chambellan. Dans le mois de Safer 753 (mars-avril 1352), quand les troupes de Constantine furent encore réunies et bien pourvues d'approvisionnements, elles entrèrent en campagne.

Ibn-Tafraguîn plaça alors son sultan Abou-Ishac à la tête d'une armée parfaitement équipée et l'envoya contre l'ennemi. AbouAbd-Allah-Mohammed-Ibn-Nizar, membre du corps des légistes et l'un des principaux hommes de plume, fut nommé au ministère de la guerre. C'était lui qui avait enseigné l'écriture et la lecture du Coran aux princes de la famille royale, ainsi que nous l'avons dit précédemment. Les deux armées se rencontrèrent à Mermadjenna et engagèrent un combat qui amena la déroute des troupes tunisiennes. Leur ligne de bataille ayant été enfoncée, elles se dispersèrent de tous côtés, et ce ne fut qu'à la nuit tombante qu'elles purent se soustraire aux coups d'un adversaire qui s'acharnait à leur poursuite. Le sultan accourut auprès de son chambellan à Tunis, et s'y vit bientôt assiégé par l'armée d'Abou-Zeid. Après une lutte de quelques jours, pendant lesquels la garnison fit une vigoureuse résistance, les troupes de Constantine levèrent le siége et se rendirent à Cafsa en passant par Cairouan.

C'est à tort que le texte arabe, tant des manuscrits que de l'imprimé, ajoute ici le mot ibnahou (son fils).

Voy. ci-devant, p. 26..

La nouvelle se répandit alors qu'Abou-Einan, sultan du Ma→ ghreb-el-Acsa, s'était emparé du Maghreb central et qu'il allait quitter Médéa, avec l'intention d'envahir l'Ifrîkïa. On apprit aussi à Tunis qu'Abou-Abd-Allah, seigneur de Bougie, auquel Ibn-Tafraguin avait inspiré la pensée de prendre les armes et d'envahir la province de Constantine pendant l'absence d'AbouZeid, avait rebroussé chemin en toute hâte, pour éviter la rencontre des Mérinides. Les environs de cette ville eurent beaucoup à souffrir de la tentative d'Abou-Abd-Allah: partout les champs ensemencés avaient été dévastés et les plaines ravagées par sa cavalerie légère.

[ocr errors]

L'émir Abou-Zeid se décida alors à regagner le siége de son gouvernement, et, comme les Aulad-Mohelhel l'avaient prié, d'après les conseils d'Ibn-Mekki, de laisser avec eux un de ses frères pour leur servir de chef et de centre de ralliement, il plaça à leur tête le prince Abou-'l-Abbas. Toute la tribu prêta le serment de fidélité à leur protégé qui resta, dès-lors, parmi les Arabes, ainsi que son frère germain Abou-Zékérïa, jusqu'à ce qu'il lui survint des affaires dont nous aurons bientôt à parler. Cet arrangement terminé, l'émir Abou-Zeid s'empressa de quitter Cafsa et de revenir à Constantine. Il y arriva dans le mois de Djomada de la même année (juin-juillet 1352).

ABOU BINAN REÇOIT LA VISITE DU PRINCE DE BOUGIE ET LE RETIENT
PRISONNIER.
IL S'EMPARE DE BOUGIE ET CHERCHE A RÉDUIRE
CONSTANTINE.

[ocr errors]

Pendant que les princes hafsides habitaient Nedroma et Oudjda, où le sultan Abou-'l-Hacen les avaient rélégués, une amitié fondée sur la jeunesse, la haute naissance et la parenté des deux parties s'établit entre Abou-Einan qui commandait alors à Tlemcen, et l'émir Abou-Abd-Allah. Dès-lors, celui-ci montra un grand penchant pour les Mérinides, et ce fut à cause de cette liaison qu'il recouvra le trône de Bougie. Quand le navire qui transporta le sultan Abou-'l-Hacen de Tunis en Maghreb passa

devant Bougie, Abou-Abd-Allah défendit aux habitants du littoral de fournir de l'eau et des vivres à ce bâtiment; voulant témoigner, de cette manière, ses obligations envers Abou-Einan et mériter, par ce service, une augmentation de puissance.

En l'an 753 (1352), Abou-Einan renversa l'empire des BeniAbd-el-Ouad, s'empara du Maghreb central et invita l'émir Abou-Abd-Allah à faire arrêter toutes les personnes de cette famille qui iraient se réfugier à Bougie. L'émir témoigna son obéissance en posant des vedettes sur toutes les collines, et parvint ainsi à découvrir, aux environs de Bougie, le prince Mohammed, fils du sultan Abou-Said-Ibn-Abd-er-Rahman, le prince Abou-Thabet, frère du même sultan, et leur vizir, Yahya-IbnDawoud-Ibn-Megguen. Ces proscrits furent chargés de chaînes et livrés aux Mérinides. Bientôt après, l'émir lui-même se rendit auprès d'Abou-Einan et reçut de lui l'accueil le plus honorable. Il y était encore quand un agent de ce monarque vint lui donner le conseil de céder Bougie au gouvernement mérinide et de se délivrer ainsi des tracas que lui causaient l'insubordination des troupes et les intrigues des courtisans. En échange de cette ville on lui offrit le commandement de Mequinez et une position trèshonorable auprès du sultan. On le prévint, en même temps, que s'il repoussait cette proposition, il risquerait de ne rien avoir du tout. Ce fut avec un regret extrême qu'il donna son consentement à un arrangement de cette nature, mais il ne lui restait plus d'alternative. S'étant donc présenté devant le sultan, qui avait réuni tous les membres de la famille mérinide en une séance solennelle, il exprima le désir de lui remettre le gouvernement de Bougie. L'offre fut acceptée, et le prince hafside reçut en fief la ville de Mequinez et une ample dotation. Peu de jours après, le sultan révoqua la concession qu'il venait de faire et emmena Abou-Abd-Allah en Maghreb. L'affranchi Fareh, ce ministre qui avait autrefois tenu Abou-Abd-Allah en tutelle, partit alors pour chercher la famille et les enfants de son maître, afin de les conduire auprès de lui.

Omar-Ibn-Ali-Ibn-el-Ouéztr fut nommé gouverneur de Bougie par Abou-Einan. Il appartenait à la famille des Ouattas, maison

qui prétend remonter jusqu'à Ali-Ibn-Youçof, sultan almoravide. Comme les Sanhadja des environs de Bougie font partie de la même race que les Almoravides, un certain degré de parenté existait entre eux et le nouveau gouverneur; considération qui décida Abou-Einan à faire choix de cet officier. Les Mérinides quittèrent alors Médéa et rentrèrent en Maghreb.

Quand les fonctionnaires mérinides se furent établis dans Bougie, les chefs des Sanhadja et du corps des affranchis, tous partisans dévoués de la maison hafside, tinrent un conseil dans lequel il fut convenu qu'Ibn-el-Ouézîr et les autres Mérinides seraient massacrés. Mansour-Ibn-Ibrahîm-Ibn-el-Hadj, chef des Sanbadja, se chargea de l'exécution du complot à la sollicitation, dit-on, de l'affranchi Fareh. Le lendemain, les conjurés pénétrèrent dans la chambre de la citadelle qu'occupait Omar-Ibn-Ali, et Mansour, s'étant baissé comme pour lui parler, le frappa d'un coup de poignard. Un de ses complices blessa mortellement le cadi Ibn-Ferkan qui s'était montré favorable aux Mérinides. On acheva Omar sur le lieu même, mais on permit au cadi d'aller mourir chez lui. Fareh, étant monté à cheval, tâchait de calmer l'agitation qui se déclara dans la ville, quand tout-à-coup s'éleva un cri de «< Vive Mohammed, fils d'Abou-Zeid, seigneur de >> Constantine! » On proclama la souveraineté de ce prince à l'instant même et l'on fit partir un courrier pour l'inviter à venir le plus tôt possible.

Pendant quelques jours on attendit avec impatience l'arrivée de Mohammed, mais, enfin, les notables de la ville tinrent conseil, et, craignant la vengeance du sultan mérinide, ils se jetèrent sur Fareh et lui ôtèrent la vie. Ceci se passa dans un des trois jours qui suivirent la fête du sacrifice (du 10 au 14 de Dou-'l Hiddja 753 — au milieu de janvier 1353). La tête de leur victime fut portée à Tlemcen où Abou-Einan se trouvait alors. Les auteurs de cet assassinat furent Hilal, ancien camarade de Fareh et affranchi de la famille Seid-en-Nas, et Mohammed, fils de l'ancien chambellan Abou-Abd-Allah-Ibn-Seîd-en-Nas, aidés par les principaux cheikhs de la ville. On fit aussitôt avertir l'officier mérinide qui commandait à Tedellès, et on l'invita à venir pren

dre le commandement de Bougie. Ce fonctionnaire, qui appartenait à la tribu des Oungacen et qui s'appelait Yahya, fils d'Omar-Ibn-Abd-el-Moumen, s'y rendit avec un grand empres

sement.

Vers le commencement de l'an 754 (février 1353), un corps de cavalerie, expédié par Abou-Einan et commandé par son chambellan Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-Abi-Amr, arriva à Bougie. Les troupes sanhadjiennes se dispersèrent de tous côtés; leurs chefs et les autres conjurés s'enfuirent à Tunis. Le nouveau commandant fit arrêter Hilal dont il soupçonnait les mauvaises dispositions, ainsi que le cadi Mohammed-Ibn-Omar, dont la complicité avec Fareh lui paraissait évidente. Il mit aussi la main sur les principaux meneurs de la populace et les déporta en Maghreb. Voulant alors rétablir l'ordre dans le pays, il convoqua une assemblée de chefs arabes, de chefs de canton et de notables chargés d'administrer les provinces de Bougie et de Constantine. Les chefs des Douaouida et Youçof-Ibn-Mozni, seigneur du Zab, vinrent aussi le trouver. Tous ces personnages l'accompagnèrent à la cour du Maghreb, après avoir remis leurs fils entre ses mains, comme gages d'obéissance. Le vizir MouçaIbn-Ibrahim-el-Irniani partit alors, d'après l'ordre d'Abou-Einan, et alla prendre le commandement de Bougie.

Quand la députation fut arrivée à sa destination, le sultan tint une séance solennelle pour la recevoir; il en accueillit les membres avec une grande considération; il leur prodigua de riches cadeaux et des fiefs dont il fit aussitôt expédier les actes de concession. S'étant alors fait donner des otages et d'autres sû retés, afin d'être toujours certain de leur obéissance, il les renvoya dans leurs pays respectifs.

Le chambellan Mohammed-Ibn-Abi-Amr reçut alors sa nomination au gouvernement de Bougie avec l'ordre d'y retourner afin de prendre le commandement d'une expédition qui devait agir du côté de Constantine. Il arriva à son poste dans le mois de Redjeb 754 (août 1353). Mouça-Ibn-Ibrahîm-el-Irnîani, nommé commandant des Sedouîkich, alla se poster à Beni-Baurar avec un corps de cavalerie, afin de couper les communications avec

« PrécédentContinuer »