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l'armée de son fils Abou-Darba avait essuyé une déroute totale, fournit des sommes considérables à son chambellan Abou-Zékéria-Ibn-Yacoub et à son vizir Abou-Abd-Allah-Ibn-Yacîn, en les chargeant d'aller lever des troupes chez les Arabes. Tout cet argent fut distribué aux Allac et aux Debbab.

Abou-Darba s'était encore mis en marche pour atteindre Cairouan, quand le sultan Abou - Yahya - Abou - Bekr quitta Tunis, le 29 Châban 718 (fin d'octobre 1318) et se mit à sa poursuite. Ses troupes évacuèrent à la hâte la ville qu'elles venaient d'occuper; pais, s'étant encouragées à combattre, elles mirent leurs chameaux aux entraves, bien résolues, disaient-elles, à mourir plutôt que de fuir; mais, quand l'armée du sultan commença à déboucher par le col de Faddj-en-Naam, toute cette cohue se dispersa et prit la fuite en abandonnant ses chameaux. Pendant la déroute, les troupes du sultan tuèrent un grand nombre de fuyards et firent un butin immense. Abou-Darba et les débris de son armée coururent s'enfermer dans El-Mehdia, ville qui reconnaissait l'autorité de son père, Ibn-el-Lihyani.

Quand la nouvelle de cette défaite fut portée à Tripoli, de graves désordres éclatèrent dans le camp et mirent Abou-YahyaIbn-el-Lihyani dans la nécessité de demander aux Chrétiens1 l'envoi d'un navire pour le transporter à Alexandrie. Ils lui en expédièrent six dans lesquels il s'embarqua avec sa famille, ses enfants et son chambellan Abou-Zékérïa-Ibn-Yacoub. Son parent et gendre, Abou-Abd-Allah-Ibn-Abi-Amran, resta à Tripoli pour lui servir de lieutenant. Quelque temps après, cet officier passa chez les Kaoub, sur leur invitation, et fit avec eux plusieurs incursions sur le territoire du sultan, ainsi que nous aurons à le raconter plus loin.

Débarqué à Alexandrie, Ibn-el-Lihyani fut accueilli avec dé grands égards par Mohammed - Ibn - Calaoun, sultan de race turque qui régnait alors sur l'Egypte et la Syrie. Il mourut dans

• Probablement aux chrétiens qui tenaient garnison dans l'ile de Djerba.

ce pays, l'an 728 (1327-8), comblé de faveurs, d'honneurs et de fiefs.

Après la défaite d'Abou-Darba à Feddj-en-Naam, le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr s'en retourna à Tunis où il fit son entrée dans le mois de Choual de cette année (nov.-déc. 1318). Toutes les provinces de l'Ifrîkïa, ses villes et ses places fortés, à l'exception d'El-Mehdïa et de Tripoli, reconnurent l'autorité du vainqueur.

MORT D'IBN-GHAMR A BOUGIE 1.

Le chambellan Abou-Abd-er-Rahman-Ibn-Ghamr devint maître absolu de Bougie, en l'an 715 (1345-6), lorsque le sultan, après avoir quitté cette ville pour ne plus y rentrer, transporta sa cour à Constantine. Deux années plus tard, ce prince, étant de retour de sa seconde expédition contre Tunis, envoya MansourIbn-Fadl[-Ibn-Mozni] auprès d'Ibn-Ghamr et le fit accompagner par le caïd Abou-Abd-Allah-Mohammed, fils de l'ancien chambellan Abou-l-Hocein-lbn-Séïd-en-Nas. Ils eurent pour mission de disposer les palais de Bougie pour la prochaine arrivée de leur maître. Ibn-Ghamr les renvoya sans vouloir les recevoir, mais il sut conserver les bonnes grâces du souverain en lui expédiant, avec le plus grand empressement, tous les secours qu'il avait demandés. Ce fut à cette occasion que le sultan le nomma gouverneur de Bougie et de Constantine. Ibn-Ghamr se trouva ainsi seigneur de la ville et de la province de Bougie; ne rendant aucun autre hommage au sultan que celui de conserver son nom dans la prière publique et sur les monnaies.

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Quand le sultan eut établi son autorité à Tunis, [Ali-Ibn-] Mohammed-Ibn-Ghamr se rendit, par son ordre, auprès d'AbouAbd-er-Rahman - Ibn- Ghamr, et celui-ci donna à l'envoyé, qui était son cousin, le commandement de Constantine. Mo

1 Dans le texte arabe, Ibn-Khaldoun fait suivre ce titre par un autre qui appartient, en réalité, au second chapitre qui vient après celui-ci. 2 Dans le texte arabe, il faut insérer le mot lého après el-hadjeb.

hammed alla s'y établir et Abd-er-Rahman continua à défendre Bougie contre les attaques des Zenata. Retraçons l'histoire de ces expéditions.

1

Abou-Hammou-[Mouça], seigneur de Tlemcen, ayant vaincu Mohammed-Ibn-Youçof et repris sur lui les pays des Maghraoua et des Toudjîn, envoya une armée contre Bougie et fit bâtir sur la rivière, à deux journées de la ville, le fort de Tegger pour servir de station à son armée pendant le blocus de la place, En l'an 718, après la mort de ce prince, son fils et successeur, Abou-Tachefîn, donna quelque répit à Bougie, et le sultan put en profiter pour s'emparer de Tunis. Quelque temps après, Abou-Tachefin quitta Tlemcen pour rétablir l'ordre dans ses états, et il réussit à tuer Mohammed-Ibn-Youçof qui s'était réfugié dans le Ouancherfch. On verra les détails de cet événement dans l'histoire des Beni-Abd-ul-Ouad. A la suite de cette victoire il marcha sur Bougie et arriva en vue de la place l'an 719, mais, après avoir reconnu qu'elle était beaucoup plus forte qu'il ne l'avait pensé et qu'elle renfermait une garnison nombreuse, il reprit le chemin de Tlemcen.

La même année, dans le mois de Choual, Ibn-Ghamr tomba malade et fit appeler son cousin, Ali-Ibn-Mohammed-Ibn-Ghamr, qui commandait à Constantine, afin de lui remettre le gouvernement de Bougie en attendant les ordres du sultan. Quelques jours plus tard (novembre-décembre 1319), il mourut dans son lit.

Le sultan conçut alors de vives inquiétudes au sujet de cette forteresse, et y envoya en toute hâte Ibn-Séïd-en-Nas accompagné de l'intendant du palais. Celui-ci eut pour mission de s'emparer de l'héritage et des trésors laissés par Ibn-Ghamr. Il réussit à tout découvrir et à rapporter au sultan une quantité énorme d'effets et d'argent. Ali-Ibn-Ghamr l'accompagna à Tunis et reçut de la bienveillance du sultan un emploi qui comblait

En arabe, Calât-Tegger; ailleurs, le nom de ce fort est écrit Hisn-Bekr. Tegger paraît être une des nombreuses formes du mot Tagrarert (station). Bekr est le mot Tegger ponctué d'une autre manière.

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ses espérances. Il continua à séjourner dans la capitale jusqu'à l'époque où il prit part à la révolte d'Ibn[-Abi-]Amran, Plus tard, il fit sa soumission, mais le sultan ne lui pardonna jamais ses liaisons avec un rebelle et le fit assassiner par les affranchis Nedjah et Hilal. Ils le surprirent au moment où il sortait de son jardin et le blessèrent si gravement qu'il en mourut.

L'EMIR ABOU-ABD-ALLAH EST NOMMÉ GOUVERNEUR DE CONSTANTINE. - SON FRÈRE, L'ÉMIR ABOU-ZÉKÉRÏA, OBTIENT LE GOUVERNEMENT DE BOUGIE ET REÇOIT IBN-EL-CALOUN POUR CHAMBELLAN.

Après la mort d'Ibn-Ghamr, le sultan réfléchit sérieusement sur la situation de Bougie qui était presque toujours bloquée et insultée par les Beni-Abd-el-Ouad. Il prit enfin la résolution d'augmenter les garnisons de ses forteresses occidentales et d'y établir ses fils pour mieux les défendre. L'émir Abou-AbdAllah reçut, en conséquence, le gouvernement de Constantine, et son frère, Abou-Zékérïa, fut nommé gouverneur de Bougie. Comme ces princes étaient encore très-jeunes, le sultan leur donna pour chambellan et directeur Ibn-el-Caloun et plaça aux ordres de ce ministre un corps de troupes, en lui ordonnant de se tenir dans Bougie, ville toujours exposée aux attaques de l'ennemi. Au commencement de l'an 720 (fév.-mars 1320), les princes quittèrent Tunis avec une brillante escorte.

La place de chambellan auprès du sultan était ainsi devenue vacante, mais il n'y eut pas de nomination par égard pour Ibnel-Caloun; seulement, la direction des affaires publiques fut confiée à Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-Abd-el-Azîz-el-Kordi, qui reçut à cette occasion le titre d'El-Mizouar. Il était chef de la Dakhla [serviteurs attachés à la personne] du sultan. Ļe ministère des finances passa au secrétaire Abou-'l-Cacem-lbaAbd-el-Azîz. Nous raconterons plus loin les antécédents de ces deux hommes.

Ibn-el-Caloun partit ainsi pour Bougie, revêtu d'une charge également haute et honorable.

IBN-EL-CALOUN ÉTANT RAPPELĖ A TUNIS, EST REMPLACÉ A BOUGIE PAR IBN-SEÏD-EN-NAS ET A CONSTANTINE PAR DAFER-EL-KEBIR.

En partant pour Bougie, Abou-Abd-Allah[-Mohammed]-IbnYahya-Ibn-el-Caloun laissa le champ libre à ses ennemis et fournit aux courtisans l'occasion de travailler l'esprit du sultan et l'indisposer contre lui. Ce furent le Mizouar, Ibn-Abd-el-Azîz et Abou-'l-Cacem-Ibn-Abd-el-Azîz, ministre des finances, qui dirigèrent ces intrigues et qui réussirent, par l'acharnement de leurs délations, à éveiller les soupçons du souverain. Ebranlé par leurs représentations, le sultan donna l'ordre au gouverneur de Bédja, Mohammed-Ibu-Séïd-en-Nas, de se rendre à Bougie et d'en prendre le commandement. L'acte portant cette nomination fut écrit de la main du prince. Mohammed-Ibn-el-Caloun revint à la capitale par suite d'une lettre de rappel et trouva qu'un grand changement s'était opéré dans les sentiments du sultan en ce qui le concernait. Ibn-Séïd-en-Nas se chargea alors de veiller à la défense de Bougie, et il ne cessa de remplir les fonctions de chambellan auprès de l'émir de cette ville jusqu'au moment où le sultan le rappela à Tunis pour lui confier la place de chambellan à la capitale. Plus tard, nous aurons encore à parler de lui.

Ibn-el-Caloun s'était rendu à Tunis en passant par Constantine et, ayant alors conçu le projet de s'en emparer et de s'y fortifier, il eut une conférence, à ce sujet, avec les cheikhs de la ville. Sur leur refus de ie seconder, il les fit conduire à la capitale où il espérait effectuer leur ruine. Le sultan ayant été instruit de cette tentative, dissimula son ressentiment et ajouta aux fonctions qu'exerçait Ibn-Séïd-en-Nas, en le nommant chambellan de l'émir de Constantine. Les mêmes cheikhs cherchèrent à le detourner de sa résolution en lui représentant qu'Ibn-elAmir [l'ancien gouverneur de Constantine qui s'était insurgé] était parent d'Ibn-Séïd-en-Nas; ils lui rappelèrent aussi la

Le texte arabe porte parent et neveu, ce qui n'est pas exact. Peutêtre le verbe que nous avons rendu par en lui représentant, doit-il se rendre par les mots en lui faisant accroire.

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