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prétentions de ce prince au trône de Tlemcen, il espérait en retirer de grands avantages. L'ayant donc entouré des insignes de la royauté, il le reconnut pour souverain des Abd-el-Ouadites et le fit partir pour leur capitale. Abou-Zîan était déjà parvenu à Téza quand il apprit la mort de son protecteur.

Une série de troubles et de changements survint alors dans le Maghreb, ainsi que nous le raconterons dans l'histoire des Mérinides. Abd-el-Halim, fils du sultan Abou-Ali et petit-fils du sultan Abou-Saîd, fils de Yacoub, fils d'Abd-el-Hack, marcha sur Fez et mit le siége devant la Ville-Neuve, après avoir rallié les Mérinides à sa cause; mais, se voyant ensuite abandonné par ses troupes, il se jeta dans Téza. Nous donnerons le récit de ces événements en son lieu. S'étant alors adressé au sultan Abou-Hammou, dans l'espoir d'obtenir son appui, il reçut une réponse favorable, à la condition toutefois d'empêcher dorénavant toute tentative d'Abou-Zian contre Tlemcen. Pour satisfaire à cette obligation, il mit ce prince aux arrêts et, s'étant ensuite dirigé vers Sidjilmessa, il rencontra sur sa ligne de marche les Aulad-Hocein, tribu arabe makilieune, qui vinrent dresser leurs tentes à quelque distance des siennes. Abou-Zian trompa alors la vigilance de ses gardes, sauta sur un cheval qui se trouvait là et courut au grand galop vers le camp des Arabes, afin de se mettre sous leur protection. Bientôt après, il passa chez les Beni-Amer, tribu dont le chef, Khaled-Ibn-Amer, venait d'abandonner le parti d'Abou-Hammou dans un moment de dépit. Soutenu par ces nomades, Abou-Zîan envahit le territoire de Tlemcen, mais ses bandes en furent bientôt expulsées, et il se vit conduire chez les Douaouida, dans le pays des Rîah, par l'émir Khaled-Ibn-Amer qui venait de lui retirer son appui après avoir reçu du sultan de Tlemcen une forte somme d'argent.

Plus tard, Abou-Leil-Ibn-Mouça, chef des Beni-Yezid et scigneur des territoires de Hamza et de Beni-Hacen, fit venir AbouZian chez lui et le traita en souverain, bien moins avec l'intention de le soutenir sérieusement que de contrarier Abou-Hammou. Ayant ensuite appris qu'une armée, composée d'Abd-elOuadites, d'Arabes et de Zenata, marchait contre lui sous la

conduite d'Ibn-Moslem, il sentit que toute résistance serait inutile; et, comme ce vizir lui envoya une somme d'argent avec la promesse d'évacuer le pays s'il voulait abandonner Abou-Zian, il laissa partir ce prince pour Bongie.

A son arrivée dans cette ville, Abou-Zian trouva un honorable accueil chez l'émir Abou-Ishac, fils du sultan Abou-Yahya-AbouBekr; puis, sachant que son expulsion de Bougie, place trèsrapprochée de la frontière abd-el-ouadite, était la condition. essentielle d'un traité de paix que son protecteur venait de conclure avec le sultan Abou-Hammou, il se rendit à Tunis. AbouMohammed-Ibn-Tafraguin, lieutenant-général de l'empire hafside, le reçut avec un empressement marqué, lui assigna une forte pension et lui accorda une position à la cour bien au-dessus de celle que les princes du sang royal y avaient occupé jusqu'alor.

ABOU-ZIAN, PETIT FILS DU SULTAN ABOU-TACHEFÎN, SORT DU
MAGHREB UNE SECONDE FOIS POUR TENTER LA CONQUÊTE DE
TLEMCEN.

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Les Arabes Soueid, branche de la tribu de Zoghba, servaient très-fidèlement l'empire mérinide depuis que leur émir, Arîf-Ibn-Yahya, avait cmbrassé le parti du sultan Abou-'l-Hacen et du sultan Abou-Einan. La dynastie de Tlemcen les compta, pour cette raison, au nombre de ses ennemis; et, les regardant comme des Mérinides, elle témoigna une grande bienveillance à leurs rivaux d'ancienne date, les Beni-Amer. Dès-lors, les Soueid ne cessèrent de montrer un grand éloignement pour les Abd-el-Ouadites.

Depuis la mort d'Abou-Einan, Ouenzemmar-Ibn-Arif, chef des Soueid, avait fixé son séjour à Guercîf et jouissait de la plus haute considération chez ses voisins et protecteurs, les Mérinides, auxquels il faisait agréer tous ses conseils et accepter ses paroles comme des oracles. Fatigué, enfin, des fréquents démêlés qui eurent lieu entre sa tribu et celle des Beni-Amer, il

forma la résolution d'ébranler l'empire abd-el-ouadite jusque dans ses fondements; et, s'étant adressé à Omar-Ibn-Abd-Allah, régent du Maghreb, il le décida à soutenir Abou-Zian-MohammedIbn-Othman, petit-fils d'Abou-Tachefin, et à l'aider dans une nouvelle tentative contre Tlemcen. Cette résolution fut adoptée précisément à l'époque où une grave mésintelligence venait d'éclater entre Abou-Hammou et Ahmed-Ibn-Rahhou-Ibn-Ghanem, chef des Aulad-Hocein, tribu-makilienne, lequel avait soutenu jusqu'alors le sultan abd-el-ouadite et son vizir Ibn-Moslem.

Le régent se garda bien de laisser échapper une si belle occasion; et, en l'an 765 (1363-4), il permit à l'émir d'Abou-Zian de se mettre en campagne. Ce prince se rendit aussitôt aux environs du Molouïa, où les Makil avaient dressé leurs tentes, et passa avec eux dans le territoire de Tlemcen. Le sultan AbouHammou, frappé de l'imminence du danger, fit d'abord emprisonner Khaled-Ibn-Amer, émir des Beni-Amer, dont la fidélité lui était suspecte, et plaça ensuite son vizir, Ibn-Moslem, à la tête des Abd-el-Ouad et des Arabes, en lui ordonnant d'aller repousser l'ennemi. Le vizir exécuta parfaitement bien cette commission et chassa les fuyards devant lui, vers l'Orient, jusqu'à ce qu'ils arrivèrent à El-Mecîla, dans le pays des Rîah, où ils se mirent sous la protection des Douaouida. Il tomba alors malade, ayant été atteint de la peste, maladie qui venait de reparaître en Afrique après y avoir enlevé beaucoup de monde, l'an 747 (1346-7), et il rendit le dernier soupir pendant que son fils et ses amis le transportaient à Tlemcen. Il fut enterré dans cette ville.

Le sultan Abou-Hammou, qui avait perdu en Ibn-Moslem son meilleur soutien, se mit à la tête de l'armée et alla prendre position à El-Bat'ha, afin d'y attendre son adversaire. Aussitôt que le sultan Abou-Zian y parut avec ses bandes, drapeaux déployés, les Abd-el-Ouadites furent saisis d'effroi et prirent la fuite en abandonnant leurs bagages et leurs approvisionnements.

1 Lisez er-Raab à la place d'el -Arab dans le texte arabe.

Abou-Hammou se dégagea de la foule et courut vers Tlemcen, pendant que son adversaire s'occupait à faire dresser ses tentes sur le terrain où les Abd-el-Ouadites avaient établi leur camp. Ahmed-Ibn-Rahhou, émir des Makil, poussa en avant et atteignit les fuyards auprès du Sig. Le sultan et sa petite bande d'amis firent aussitôt volte-face et repoussèrent ces Arabes; ils coupèrent même la tête à Ibn-Rahhou dont le cheval s'était abattu dans la mêlée, et ils effectuèrent ensuite leur retraite jusqu'à Tlemcen. Abou-Zîan y arriva bientôt après, avec ses alliés arabes, et tint la ville investie pendant quelques jours. Le sultan Abou-Hammou, sachant que les Zoghba étaient mécontents de la préférence que leur sultan [Abou-Zîan] accordait aux Makîl et surtout à la famille des Aulad-Hocein par les conseils desquels il se laissait entièrement guider, rendit la liberté à l'émir zoghbien, Khaled-Ibn-Amer, après avoir obtenu de lui la promesse formelle de faire son possible pour décider les gens de sa tribu à quitter le parti du prétendant. Cet engagement fut fidèlement rempli; les bandes d'Abou-Zîan se dispersèrent et laissèrent à Tlemcen le temps de respirer. Abou-Zîan se mit encore sous la protection des Mérinides et le sultan Abou-Hammou parvint à rétablir l'ordre dans son empire.

EXPÉDITION D'ABOU-HAMMOU CONTRE LES FRONTIÈRES DU

MAGHREB.

Les guerres qui agitèrent le Maghreb central à cette époque doivent être attribuées aux menées de Ouenzemmar-Ibn-Arîf qui, toujours emporté par sa haine contre Abou-Hammou, lui suscitait, à chaque moment, un adversaire parmi les princes descendus de Yabmoracen. Domicilié dans Guercîf, ville située sur la frontière du Maghreb, il se trouvait voisin de Mohammed-Ibn-Zegdan, chef des Beni-Ali, peuplade qui habitait la montagne de Debdou et qui faisait partie de la tribu des Oungacen. L'aversion que ces deux chefs avaient conçue pour le sultan de Tlemcen les conduisit à faire cause commune et à s'allier

contre lui. Aussi, quand ce souverain eut repoussé la dernière invasion de ses états et forcé les insurgés à rentrer en Maghreb, il résolut de mettre à profit cet intervalle de loisir et de châtier ces émirs.

Au commencement de l'an 766 (oct. 1364)1, Abou-Hammou se mit en marche pour Debdou et Guercif. Ouenzemmar se réfugia dans une des montagnes qui avoisinent sa ville et laissa enlever les moissons et ravager les plaines de toute cette contrée. IbnZegdan s'enferma dans un château qu'il s'était fait construire sur la montagne de Debdou; et, de là, il put voir la cavalerie d'Abou-Hammou parcourir ses terres et répandre partout la ruine et la dévastation.

Après avoir commis des dégâts énormes sur la frontière du Maghreb, Abou-Hammou reprit la route de sa capitale. Il conclut alors un traité de paix avec les Mérinides; et, tournant ses regards vers l'Ifrîkïa, il résolut de faire une expédition contre Bougie, l'année suivante.

EXPÉDITION DÉSASTREUSE D'ABOU-HAMMOU CONTRE

BOUGIE.

L'émir hafside Abou-Abd-Allah, s'étant rendu maître de Bougie pour la troisième fois, l'an 765 (1363-4), enleva Tedellis aux Abd-el-Ouadites et y installa une garnison et un gouverneur. Bientôt après, des nuages s'élevèrent entre lui et son cousin, Abou-'l-Abbas-Ibn-Abi-Abd-Allah, seigneur de Constantine. Cette mésintelligence prit son origine dans des discussions qui étaient survenues au sujet de la ligne de démarcation qui devait séparer leurs états respectifs, et elle aboutit à une guerre qui empêcha l'émir Abou-Abd-Allah de secourir Tedellis, ville dont les Abd-el-Ouad étaient venus faire le siége. Ce prince

1 Nous avons restitué la date du texte arabe en lisant sinna sitt oua sittin.

Il faut lire eth-thaletha à la place d'eth-thelatha dans le texte arabe

T. III.

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