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principe créateur et directeur des phénomènes naturels qu'elles adoraient comme les manifestations visibles de la divinité. Chaque tribu, chaque clan se voua d'ailleurs plus spécialement au culte de celui de ces phénomènes qui le frappait le plus selon son tempérament, ses goûts, ses habitudes, son mode d'habitation et mille autres circonstances particulières qu'il serait aujourd'hui impossible de dégager ou de préciser. Le raisonnement conduit cependant à penser que les manifestations naturelles qui étaient alors le plus en évidence et devaient, par suite, le plus frapper ces âmes naïves, furent sans aucun doute le soleil, la lune, les étoiles, les aurores boréales, la lumière, les ténèbres et le bruit, sous ses mille formes harmoniques ou effrayantes. Ce furent là les premiers dieux adorés.

Le mot qui, en tamachek, signifie « nord » est lafel: il se décompose en = af = lumière;

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C'est, en effet, un spectacle toujours extraordinaire que celui de ces aurores boréales si fréquentes vers le pole Nord dont elles indiquent la direction: or, c'est précisément vers le Nord que sont orientés la majeure partie des anciens tombeaux mégalythiques berbères, ainsi que ceux des Sabéens.

Les autres phénomènes sidéraux ont leur mythologie bien connue, il n'y a pas lieu de les étudier ici plus en détail. Nous nous bornerons seulement à rappeler que, comme il est naturel aux enfants et aux êtres faibles de se prosterner devant ce qu'ils craignent, ce fut le tonnerre, ce grand verbe, ou voix de Dieu qui reçut d'abord le culte le plus général. Ce fut à lui aussi que l'on commença à adresser des sacrifices propitiatoires pour conjurer sa colère, et il devint bientôt le dieu ou la déesse par excellence des plus anciens Touraniens, sous les

noms de Enn, An, Anou, Ana, Ennyo, etc., selon les localités.

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= Enn dire, parler (verbum, verberare) (1), etc.

Aussi ce vocable est-il d'une façon très nette l'élément constitutif et souvent unique du nom du Dieu ou de l'ancêtre éponyme légendaire d'un très grand nombre de races mères, comme aussi de ces peuplades sauvages, réputées Autochtones, et que ces races mères durent soumettre ou exterminer pour vivre et fonder des sociétés plus ou moins bien organisées.

C'est ainsi que nous retrouvons ce radical Enn, de l'Atlantique au détroit de Bhering. Dans l'antique Écosse, ce sont les Calédoniens (Kal-ed-Oun peuple, compa

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gnon de Enn); à côté du Brittan (Ber-ait-Ennémigrés de la descendance de Enn) et du pays de l'Erin (Er-Inn Our-in fils de Enn). Chez les Gaulois : les Sequanes (Sik-Enn demeure de Enn); les Aquitains (Ag-ait-Enn fils de la descendance de Enn); les Anani (EN'Anni, ceux de Enn). Chez les Italiotes: les Tyrheniens pélagiques (Tour-Enn peuple de Enn), originaire de l'Asie Mineure où les traditions les plus accréditées leur donnent pour ancètre: Atys, fils de Manes (EMa' Enn, Matrix Enni), roi de Lybie. Chez les Seythes les Gelon (Kel-Oun); les Alani (Ahl-Ani); les Huns (Hunni-ou-Enn fils de Enn). Chez les Grecs: les Hellenes (Ahl-Enn clan de Enn); les Ioniens, Iaones (Iaou-Enni = les mâles, fils de Enn); les Méoniens (EN'oun).

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Les Mandchoux se nommaient eux-mêmes Oven (AouEnni), et Dagouriens (Dag-our-IEnn fils des hommes de Enn). Les Japonais et Kourilliens sont issus des Aino. Les Cochinchinois, des Annam (An-Am Enn, auteur, mère).

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(1) Voir livre Ier, chap. Ier, les divers sens de et les commentaires

sur ces sens.

Aux Indes, nous voyons les Ghouds ou Avana (AouAna) et les Anous du Mohabharata.- En Perse et Médie, nous trouvons les Iraniens (Our-An). En Chaldée, c'est Chalanée (Kal-An). - Dans la Bible, c'est Caïn (Ka-in) (dérivé de la 19e forme), dont le fils Henok (Enok, 22e forme), donnera son nom à la race des Henakim; c'est encore Noé, l'ancêtre du monde sémite, Noé, dont le nom, d'après M. Renan, n'est pas hébreu, et qui n'est sans doute qu'une personnification légendaire du dieu Anou ou Enn (1).

En Égypte, à peine le Delta est-il formé que l'empire naissant personnifié en Mence ou Menes originaire de Teni (M'Ennou = 3° forme; T'enni = 6e forme de I), repousse les Anou ou Anamin nomades qui, si longtemps disputèrent la suprématie à la « race des hommes », c'est-à-dire aux Rout» ou classes dirigeantes guerrières et sacerdotales.

Ces peuples d'Enn ou Anou sont assez importants dans l'ethnologie égyptienne pour faire admettre leur dieu Noun (le souffle divin) (Chnoupis des traductions grecques) et pour fournir encore des noms de villes comme Oun, An-res, Anoun, etc., ainsi que bon nombre de radicaux monossyllabiques ou primordiaux sur lesquels on s'est appuyé plus tard pour rattacher le berbère au copte (alors que c'était le contraire qu'il eût fallu faire).

Nous pourrions multiplier les exemples à l'appui de

(1) On pourrait, sans doute, pousser la démonstration jusqu'en Amérique de Humbold a signalé les rapports très sensibles existant entre la race américaine et celle des peuples mongols, non seulement chez les habitants de Unalaska (en berbère, N'ahl-Asaka, du clan des Sik), mais même chez plusieurs peuplades de l'Amérique Méridionale. Dans le Nouveau-Monde beaucoup d'Ethniques commencent par les syllabes caractéristiques berbères: Al, ken, al, S', N'. — Le langage, en mexicain, est dit Nahouall; ce serait, en berbère, un nom d'agent, de la 4o forme dérivée de : aoual, parler: (II: ahouat parler habituellement).

notre démonstration, mais nous sortirions du cadre de cette étude qui ne doit embrasser que les origines berbères, et nous pensons avoir assez montré que le culte du dieu Enn avait dû être chez les peuples anté-historiques l'un des plus anciens dogmes religieux, et que la dénomination de Touran (Tour-Ann, peuples de Ann), pour désigner ces races est à la fois logique et rationnelle, malgré les objections faites par bon nombre de savants contre cette appellation de touraniennes donnée aux races primitives.

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Ces Touraniens étaient sans doute bruns; ils représentent, en effet, le grand groupe des émigrants orientaux ou Ibères-Cheraga (Iabaren), dont le nom se prolonge aussi du sud du Caucase au détroit de Behring, à travers la Sibérie (deux noms de formes berbères, 22° et 1r de Bber). Or, nous avons rappelé plus haut que noir ou brun se dit en berbère berik ou aberkan, 22" forme de ber; une démonstration analogue peut se faire pour les Touran, puisque en berbère le radical | Enn, signifie « couleur, coloré, foncé, et que, en grec, ce même mot, a le sens de « brun, sombre, foncé. »

C'est, en effet, « la teinte » que les recherches des savants modernes donnent aux plus anciens habitants s'étendant du Caucase aux extrémités de l'Asie Mineure bien avant qu'il ne fût question des colonies grecques ou des migrations akaddiennes venues de Babylone. Les partisans de l'extension à outrance des données. historiques et ethnographiques fournies par le texte de la Bible, ont même vu là une première couche chamitique antérieure au peuplement par Haig, l'ancêtre éponyme de l'Arménie et le fils de Thogorma, petit-fils de Noé. Nous ne saurions ètre ni aussi précis ni aussi affirmatif, mais nous retenons cependant de cette assertion qu'il y a eu réellement en ce pays, avant le peuplement par les races blondes du Caucase, une première couche d'individus bruns ou chatains foncés.

Ces derniers constituèrent cette race d'où sortirent ces nombreux et petits peuples, sans cohésion et sans lien commun, qui occupèrent d'abord l'Asie Mineure et dont la plupart furent, par des invasions successives, ou rejetés en Grèce, ou refoulés dans les montagnes escarpées et sauvages, laissant ainsi aux envahisseurs japhétiques ou scythes de race blonde, les hauts plateaux et les plaines fertiles de l'Arménie, de la Cappadoce et de la Haute Syrie.

Dans cette région, sur un espace relativement restreint, il y eut toujours plusieurs sortes de pays, de climats, de productions et de races rivales ou ennemies, si bien que l'on ne s'est jamais mis d'accord sur le point précis ou finissait l'Arménie japhétique et où commençait l'Aramée couchique: ni l'une ni l'autre n'offrant pas en réalité un peuple distinct, mais bien des groupes hétérogènes comme races et comme provenance. De même aussi, on a souvent confondu l'araméen sémitique avec la langue arménienne, une des plus anciennes du monde et qui se rattache très nettement au groupe arien comme le zend et le sanscrit avec lesquelles elle a des rapports étroits sans cependant en ètre dérivée.

L. RINN.

(A suivre.)

Revue africaine, 30° année. Noo 180 (NOVEMBRE 1886).

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