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blâme, sachant qu'il agissait en conscience et qu'il était l'exemple de tous ceux qui cherchaient à bien faire.

Qu'on ne se laisse pas égarer au point de blâmer les Compagnons qui s'étaient opposés aux projets d'El-Hoceïn et qui s'étaient abstenus de lui prêter leur appui. Ils formaient la majorité du corps des Compagnons; ils se trouvaient avec Yezid et croyaient que la révolte contre son autorité n'était pas permise. El-Hoceïn lui-même (avait reconnu la pureté de leurs motifs); au combat de Kerbela, il les invita à donner leur témoignage en faveur de son caractère et de ses droits. « Demandez, dit-il, à Djaber Ibn Abd-Allah, demandez à Abou Saïd elKhodri1, à Anès Ibn Malek, à Sehel Ibn Saad, à Zeïd Ibn Arcam et aux autres. » Il ne les blåma pas de lui avoir refusé leur appui et ne fit aucune allusion à leur conduite, parce qu'il savait qu'ils agissaient d'après leur conscience ainsi qu'il le faisait lui-même.

On ne doit pas justifier la mort d'El-Hoceïn en disant que les meurtriers agissaient d'après leur conscience et croyaient bien faire, de même qu'El-Hoceïn croyait bien faire, et que ce cas a une analogie parfaite avec celui du magistrat chaféite et du magistrat malékite, qui punissent le hanésite d'avoir bu du nebîd2. Il n'en est pas ainsi une partie des Compagnons ne regarda pas comme un devoir de combattre El-Hoceïn, tout en ayant la sincère conviction de bien faire en refusant de seconder ses projets. C'est sur Yezid et ses complices seuls que doit retomber le blâme de l'avoir combattu. Si, malgré l'immoralité de Yezid, ces Compagnons ont déclaré que la révolte contre son autorité n'était pas permise, on ne doit pas dire qu'ils regardaient tous ses actes comme justes et valides. Les actes d'un homme vicieux ne sont pas justes à moins d'être conformes à la loi, et, d'après l'opinion de ces Compagnons3, on ne devait

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pas com

du nebîd et qu'un magistrat chaféite ou malékite lui inflige une punition corporelle, aucune des parties n'aura tort.

عندهم inserez, البغاة Apres 3

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battre les impies à moins d'avoir avec soi un imam juste; or, dans le cas qui nous occupe, cette condition manquait; donc El-Hoceïn P. 392. n'avait pas le droit de combattre Yezîd, ni Yezid de combattre El

y

Hoceïn1. Nous pouvons même dire que la conduite de Yezîd, dans cette affaire, le confirma dans sa perversité, tandis qu'El-Hoceïn trouva le martyre et une juste récompense dans le ciel. El-Hoceïn était dans le vrai et agissait selon sa conscience; il en fut de même des Compagnons qui se trouvaient avec Yezîd.

A ce sujet, le cadi malékite Abou Bekr Ibn el-Arebi2 a prononcé un jugement erroné dans son livre intitulé: El-Caouasem oua 'l-Aouasem 3; il nous fait entendre qu'El-Hoceïn fut tué en vertu de la loi promulguée par son aïeul (Mohammed). Pour tomber dans une telle erreur, il fallait perdre de vue ce principe que, même pour combattre ceux qui professent des opinions (hétérodoxes), le concours d'un imam juste est une condition essentielle.

Occupons-nous maintenant d'Ibn ez-Zobeïr. De même qu'El-Ho-. ceïn, il croyait que l'insurrection (contre un imam) était un devoir; mais il se trompa encore plus que lui à l'égard des forces dont il pouvait disposer. Les Beni Aced (sa famille) ne furent jamais assez forts pour résister aux Oméiades, ni avant, ni après l'in

1 Le raisonnement des casuistes repose sur ce point, qu'El-Hoceïn n'était pas imam, et que Yezîd n'était pas un imam juste.

2 Abou Bekr Mohammed Ibn el-Arebi, un des plus savants docteurs de l'Espagne musulmane, naquit à Séville l'an 468 (1076 de J. C.); il mourut l'an 543 (1148 de J. C.), pendant qu'il se rendait de Maroc à Fez. Sa vie est racontée par Ibn Khallikan, Biograph. Dictionary, vol. III, p. 13, et par El-Maccari, dans ses Analectes, t. I, p. Fvv et suivantes. Il mourut à Maghila, village situé dans le voisinage de Fez. (Analectes, t. I, p. Fv4, 1. 1, où je crois devoir corriger le texte imprimé et lire

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.) Maghila est sur la route qui mène de Fez à Sofroui, village situé à environ 30 kilomètres au sud-est de cette capitale.

3 Cet ouvrage n'est pas indiqué dans le dictionnaire bibliographique de Haddji Khalifa. Selon El-Maccari, t. II, p. irr, les Caouasem traitaient de la théologie dogmatique et des fondements de la jurisprudence. Le titre est peu intelligible; il paraît signifier moyens d'attaque et de défense.

Les Beni Aced, famille à laquelle appartenait Ibn ez-Zobeïr, formaient une bran che de la grande famille des Coreïch. Leur ancêtre, Aced, était fils d'Abd el-Ozza, fils de Cossai, quatrième aïeul de Mohammed.

troduction de l'islamisme, et l'on ne peut pas donner tort à son adversaire, bien qu'on donne tort à Moaouïa, l'adversaire d'Ali. En effet, l'opinion générale est positivement en faveur d'Ali; mais nous ne trouvons pas (qu'elle ait blâmé l'adversaire d'Ibn ez-Zobeïr). L’immoralité de Yezîd suffit pour prouver qu'il avait tort1; tandis qu'Abd el-Melek, à qui Ibn ez-Zobeïr fit la guerre, était l'homme du monde le plus intègre. Qu'il nous suffise de dire à ce sujet que l'imam Malek cite, à l'appui de ses doctrines, certains traits d'Abd el-Melek. La conduite d'Ibn Abbas et d'Ibn Omar témoigne encore en faveur de ce prince; ils vinrent lui prêter le serment de fidélité, après avoir abandonné Ibn ez-Zobeïr, qui se tenait dans le Hidjaz. D'ailleurs, la majeure partie des Compagnons pensaient que l'inauguration d'Ibn ez-Zobeïr n'était pas valide, puisque les grands officiers de l'État n'y avaient pas assisté, tandis qu'ils avaient pris part à l'inauguration de Merouan 2. Disons d'eux tous, qu'ils agirent selon leur conscience, et, sans donner tort à l'un ou à l'autre parti, déclarons qu'à en juger d'après les apparences, ils croyaient tous soutenir le bon droit. Ceci posé, nous ajouterons que les principes et les règles de la loi justifient la mort d'Ibn ez-Zobeïr, et que, malgré cela, quand nous P. 393. examinons les motifs de sa conduite et que nous voyons son zèle pour la vérité, nous devons le regarder comme un martyr qui aura sa récompense. Voilà comment il faut envisager les actes des Compagnons et de leurs disciples, les hommes les plus vertueux de la nation. Si leur bonne réputation était exposée aux traits du dénigrement, qui pourrait conserver la sienne? Au reste, le Prophète a dit : « Les hommes les plus vertueux sont ceux de la génération. actuelle, puis ceux de la génération suivante"; alors la fausseté se Pour, lisez Us, à l'accu

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ils s'appliquent à l'expression puis ceux
de la génération suivante, que Mohammed
est censé avoir répetée soit deux, soit trois
fois. Elle est répétée deux fois dans la tra-
dition telle que d'Ohsson l'a donnée. (Voy.
Tableau gén. de l'Emp. othom. t. I, p. 6,

note.

répandra partout. » Donc il attribua la vertu, c'est-à-dire l'intégrité, à la première génération et à la suivante; aussi nous ne devons pas nous habituer à mal penser ou à mal parler des Compagnons, ni admettre dans nos cœurs le moindre doute au sujet de leur conduite. Cherchons, autant que possible, à trouver pour toutes leurs actions une interprétation favorable; tâchons de toutes les manières et par toutes les voies de démontrer la rectitude de leurs intentions; personne ne le mérite plus qu'eux. Quand ils se furent mis en désaccord, ils avaient de justes motifs pour s'excuser; s'ils tuaient, ou s'ils se faisaient tuer, ce fut pour la cause de Dieu et de la vérité. Croyons que la miséricorde divine a voulu offrir l'exemple de leurs dissensions aux générations suivantes, afin que chaque individu puisse choisir parmi eux un modèle de conduite, un directeur et un guide2. Quand on comprend cela, on reconnaît avec quelle sagesse Dieu gou

verne toutes ses créatures.

Sur les offices et les charges religieuses qui dépendent du khalifat.

On sait que le khalifat est, en réalité, une lieutenance; le khalife remplace le législateur en ce qui regarde le maintien de la religion et le gouvernement du monde. Le législateur, étant chargé de faire respecter les obligations imposées par la loi et de porter les hommes à s'y soumettre, exerce nécessairement l'autorité spirituelle; obligé de veiller au bien de la société, il exerce également l'autorité tempoP. 394. relle. Nous avons déjà fait observer que les hommes sont entraînés

forcément à se réunir en société, et qu'ils ont nécessairement besoin de quelqu'un qui s'occupe de leur bien-être et les empêche de dépérir faute de soins. La puissance souveraine, avons-nous dit, suffit, à elle seule, pour assurer au peuple les avantages de la civilisation; mais elle agit avec plus d'effet lorsqu'elle s'appuie sur les principes de la loi divine. La cause en est qu'un législateur (inspiré) sait mieux qu'un souverain (temporel) ce qui contribue au bonheur des hommes. Dans

1

2

Pour ab, lisez b. Ceci est la traduction littérale du texte arabe.

وطرفه

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les Etats musulmans, la souveraineté temporelle est subordonnée au
khalifat; dans les autres, elle est indépendante; mais partout elle a
créé, pour les besoins de son service, des charges et des emplois
qu'elle distribue à ses protégés et aux grands personnages de l'empire.
Chaque fonctionnaire remplit les devoirs de la charge que son sou-
verain lui a confiée, de sorte celui-ci a les moyens
que

autorité et d'administrer ses Etats.

d'assurer son

Le khalifat, auquel la souveraineté temporelle est subordonnée sous le point de vue que nous avons indiqué, exerce son influence spirituelle au moyen d'offices et d'emplois qui lui sont tout à fait spéciaux et qu'on ne trouve pas en dehors de l'islamisme. Nous allons parler de ces charges; puis nous traiterons de celles qui existent dans les gouvernements temporels.

Les charges fondées sur la religion et la loi, et subordonnées au grand imamat, c'est-à-dire au khalifat, sont celles de président de la prière, de cadi (juge), de mufti (légiste consultant), de directeur de la guerre contre les infidèles et de chef de la police armée. Le khalifat est donc la mère, pour ainsi dire, de toutes ces charges, le tronc d'où sortent ces branches et auquel elles se rattachent. Il jouit de cette supériorité parce que celui qui le remplit étend sa surveillance sur toute la nation, dirige sans contrôle les affaires spirituelles et temporelles, et fait exécuter partout les prescriptions de la loi.

L'imamat (présidence) de la prière. La place d'imam de la prière est la plus élevée de toutes celles que nous venons de nommer; par P. 395. sa nature particulière, elle est au-dessus de la souveraineté1, qui, de même qu'elle, est subordonnée au khalifat. Nous en avons la preuve dans la déclaration des Compagnons, lorsque le Prophète eut chargé Abou Bekr de le remplacer comme président de la prière. Cette nomination leur semblait prouver qu'il l'avait désigné aussi comme son remplaçant dans l'administration politique. « Le Prophète, dirent-ils, l'avait choisi pour veiller à nos intérêts religieux; pourquoi ne le voudrions-nous pas pour veiller à nos intérêts temporels ? 1 Le pouvoir temporel.

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