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Les affaires du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr avaient pris une très-mauvaise touruure et l'on s'attendait à voir Dafer arriver de Bédja avec son corps d'armée, quand la nouvelle se répandit qu'Abou-Yahya-Zékérïa-Ibn-el-Lihyani était revenu de l'Orient et, qu'ayant vu la confusion qui régnait en Ifrîkïa, il avait pris le titre de sultan aussitôt après son arrivée à Tripoli. De tous côtés, les Arabes accoururent pour entrer à son service, et Abou-Yahya-Abou-Bekr jugea qu'il serait de bonne politique de soutenir ce prétendant et de créer ainsi un embarras de plus au gouvernement tunisien. Pour accomplir ce projet et tendre, en même temps, un piége à Ibn-el-Khalouf, il se concerta secrètement avec le chambellan Ibn-Ghamr et l'envoya auprès d'Ibn-el-Lihyani.

Comme il fallut cacher cette mission à la connaissance du public, le chambellan feignit d'abandonner la cause de son maître, et, étant arrivé chez Ibn-el-Lihyani, il l'engagea fortement à marcher sur Tunis, ville dont il lui représentait la conquête comme très-facile.

Après le départ d'Ibn-Ghamr, le sultan livra au pillage les maisons du prétendu transfuge, il en fit maltraiter les domestiques et donna la place de chambellan à un de ses favoris, Hacen-Ibn-Ibrahim-Ibn-Abi-Bekr-Ibn-Thabet, commandant de toutes les fractions de la tribu de Ketama, et chef des BeniTelîlan, peuplade établie dans la montagne qui se voit en face de Constantine. Après avoir confié le gouvernement de cette ville à Abd-Allah-Ibn-Thabet, frère du nouveau chambellan, il se mit en marche pour Bougie, l'an 712 (1312-3). Comme il avait eu soin de faire répandre le bruit qu'Ibn-Ghamr s'était enfui secrètement pour éviter la juste colère de son souverain et qu'il poussait Ibn-el-Lihyani à marcher sur Tunis, Ibn

Dans le texte arabe, on lit: le fils (Ibn) d'Abou-Abd--er-RahmanIbn-Ghamr. Ce mot Ibn doit évidemment être supprimé.

On voit, par cette indication généalogique,, que le blanc de la p. 297 du premier volume doit être rempli par le mot Ibrahim.

el-Khalouf demeura convaincu que le sultan Abou-l-Baca-Khaled était un homme perdu, et il chercha aussitôt à obtenir du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr la place de chambellan. S'étant done procuré un sauf-conduit par l'entremise d'Othman-Ibn-Chibl, d'Othman-Ibn-Sebâ-Ibn-Yahya, chef des Douaouida, et du saint personnage, Yacoub-el-Melari, qui demeurait près de Constantine, il quitta Bougie précipitamment et alla chercher le sultan dans le Ferdjîoua, contrée appartenant aux Sedoutkich. Il y trouva un excellent accueil et, vers minuit, il reçut l'invitation de passer, avec quelques-uns de ses affranchis européens, dans la tente du sultan. Par l'ordre de ce prince, on leur fit boire du vin et, quand Ibn-el-Khalouf fut entré en ivresse, on chercha à l'irriter par de mauvaises plaisanteries. Il leur répondit par des injures grossières et tomba sur-le-champ percé de leurs poignards. Son cadavre fut traîné à travers le camp et jeté derrière une tente; tous ses gens furent faits prisonniers, à l'exception de son secrétaire, Abd-Allah-Ibn-Hilal, qui réussit à s'échapper et à gagner le Maghreb. Le sultan partit à l'instant même et s'empara de Bougie par surprise. Devenu ainsi maître du royaume que son père avait fondé dans l'Ifrîkïa occidentale, il y resta pour attendre le retour de son chambellan, Ibn-Ghamr.

MORT DU SULTAN ABOU-'L-BACA.

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ABOU-YAHYA-IBN-EL-LIHYANI

S'EMPARE De tunis.

Le sultan Abou-'l-Baca-Khaled, ayant vu son autorité gravement compromise par l'inauguration du sultan Abou-YahyaAbou-Bekr, avait donné le commandement d'une armée à l'affranchi Dafer-el-Kebîr, avec la commission de marcher sur Constantine. Dafer était allé se poster à Bédja en attendant les dernières instructions de son maître, quand Abou-Yahya-Zékérïa, fils d'Ahmed, fils de Mohammed-el-Lihyani, fils d'AbouMohammed-Abd-el-Ouahed, fils du cheikh Abou-Hafs, profita de la confusion qui régnait dans l'empire pour se faire proclamer sultan à Tripoli.

Le chambellan Abou-Abd-er-Rahman-Ibn-Ghamr se rendit auprès d'Abou-Yahya-Zékérïa et lui présenta un riche cadeau de la part du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, avec la promesse d'une coopération active. Cette communication fortifia AbouYahya-Zékérïa dans la résolution qu'il venait de prendre et lui donna l'espoir d'un prompt succès. Les Aulad-Abi-'l-Leil, chefs des Kaoub, et plusieurs autres cheikhs vinrent alors lui prêter le serment de fidélité et l'encourager à marcher sur la capitale. Il se mit donc en campagne et ordonna à son premier ministre, Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-Mohammed-el-Mezdouri, de se porter en avant, à la tête des Aulad-Abi-'l-Leil, et de pousser jusqu'à Tunis.

Dafer, ayant alors reçu de son sultan l'ordre de lui ramener l'armée, s'empressa de quitter Bédja; mais, avant d'arriver à la capitale, il eut avec l'ennemi une rencontre qui lui valut une défaite et la perte de sa liberté. Dans la matinée du 8 de Djomada [second] 711 (octobre 1311), les troupes victorieuses d'Abou-Yahya-Zékérïa parurent sous les murs de la capitale; une révolte éclata aussitôt dans la ville; le premier ministre, Abou-Zékérïa le hafside, y perdit la vie, et le cadi, Abou-IshacIbn-Abd-er-Refiâ, homme de beaucoup d'influence et d'une grande énergie, alla trouver le sultan Abou-'1- Baca pour l'exhorter à marcher au combat. Le prince s'en excusa en prétextant une indisposition, puis, il déclara, en présence de témoins, qu'il abdiquait le pouvoir et dégageait ses sujets de leur serment de fidélité. El-Mezdouri pénétra alors dans la citadelle et se rendit maître de la personne du monarque déchu.

Au second jour du mois de Redjeb (14 novembre), le sultan Abou-Zékérïa-Ibn-el-Lihyani fit son entrée dans Tunis, après avoir reçu les hommages de toutes les classes de la population. En prenant possession du trône, il donna la place de chambellan à son secrétaire Abou-Zékérïa-Yahya-Ibn-Ali-Ibn-Yacoub et confia l'administration des finances à Mohammed-Ibn-Yacoub, cousin du précédent.

Les Beni-Yacoub, famille native de Xativa, avaient fourni à l'Espagne plusieurs légistes et cadis distingués, et l'un de leurs

membres, Abou-l-Cacem-Abd-er-Rahman-Ibn-Yacoub, était venu à Tunis lors de l'émigration. Il y arriva en même temps qu'Ibn-el-Amir, le gouverneur de Tanger, dont nous avons déjà eu occasion de parler 2. Après avoir, d'abord, exercé les fonctions de cadi dans les provinces, il fut nommé cadi de la capitale par le sultan El-Mostancer, et le servit aussi comme ambassadeur auprès du gouvernement égyptien. Yahya-Ibn-Ali et ses frères, Abd-el-Ouahed et Mohammed, formaient la branche des Beni-Yacoub appelée les Beni-Ali. Depuis le règne du sultan Abou-Hafs, les Beni - Ali avaient toujours rempli de hauts emplois dans l'administration. Abd-el-Ouahed fut percepteur d'impôts dans le Djerîd et mourut à Touzer en 702 (1302-3). Abou-Yahya-Zékérïa-Ibn-el-Lihyani, étant chef du corps des Almohades, eut pour secrétaire Abou-Zékérïa-Yahya, frère du précédent. Il le prit même en amitié et, à l'époque où il partit pour le pèlerinage, il l'emmena avec lui. Devenu khalife, il lui témoigna sa haute bienveillance en le nommant chambellan.

Quant à Abou-Abd-er-Rahman-Ibn-Ghamr, il négocia avec le nouveau sultan un traité de paix et prit envers lui les engagements les plus satisfaisants. Ali-Ibn-Ghamr s'attacha à la fortune de son cousin et fut comblé d'honneurs, de dons et de pensions. Nous aurons encore l'occasion de parler de lui.

[ABOU-ABD-ER-RAHMAN~]IBN - GĦAMR SE REND A BOUGIE AUPRÈS DU CHUTE D'IBN-THABET ET DE

SULTAN ABOU-YAHYA-ABOU-BEKR.

DAFER-EL-KEBÎR.

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Ibn-Ghamr, s'étant rendu de Tunis à Bougie, reprit sa place de chambellan. Le jour même de son arrivée, Abd-Allah-Ibn-Hilal, secrétaire d'Ibn-Khalouf, effectua son évasion et se rendit à Tlemcen. Devenu encore ministre d'Abou-Yahya-Abou-Bekr et

1 Nous avons déjà indiqué la date de cet événement, p. 424. Voy., ci-devant, pp. 323, 334.

régent de l'empire, Ibn-Ghamr travailla pour obtenir la destitution de Hacen-Ibn-Ibrahim-Ibn-Thabet, mais il ne put, d'abord, y parvenir. Profitant enfin de l'absence de ce chef, qui était sorti pour prélever l'impôt dans les provinces, il représenta au sultan le danger qu'il y aurait à laisser le gouvernement de Constantine entre les mains d'un homme qui avait toujours, dans les montagnes voisines, un lieu de retraite assuré. Conseils et calomnies, rien ne fut négligé par lui auprès d'un prince dont il avait toute la confiance, et il réussit enfin à faire accueillir son avis.

En l'an 743 (1313-4), le sultan quitta Bougie à la tête de son armée, afin d'examiner l'état des affaires à Constantine. Arrivé dans le Ferdjîoua, il rencontra les frères Abd-Allah-Ibn-Thabet et Hacen le chambellan et leur ôta la vie ainsi que leurs richesses. Quelques personnes racontent cette affaire autrement : quand Hacen-Ibn-Thabet, disent-ils, partit pour faire sa tournée dans les provinces du gouvernement de Constantine, le sultan le fit suivre par plusieurs de ses affranchis, porteurs d'ordres à l'adresse d'Abd-el-Kerim-Ibn-Mendil et d'autres chefs de la tribu de Sedouîkich. Ceux-ci, l'ayant rencontré à Ouadi-'l-Coten, s'empressèrent de le tuer, sans que le sultan eût assisté à sa

mort.

Dafer-el-Kebir, vaincu et fait prisonnier par les Arabes, obtint d'eux sa liberté et alla trouver le sultan Abou-Yahya-AbouBekr. Ce prince, à l'instar de son frère, Abou-l-Baca, lui accorda son amitié et le nomma gouverneur de Constantine, en remplacement d'Ibn-Thabet. Comme il était dépourvu d'instruction, le sultan lui donna pour secrétaire Abou-'l-Cacem-IbnAbd-el-Azîz. Après avoir commandé dans cette ville pendant quelque temps, Dafer reçut l'ordre d'aller à Bougie; mais, bientôt après son arrivé, il fut embarqué de force et transporté en Espagne. Ce fut encore là un coup d'Ibn-Ghamr qui, toujours attentif à conserver son influence, avait indisposé le sultan contre lui.

Dans le texte arabe, il faut, sans doute, supprimer le mot Ibn.

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