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Le chambellan Abou-Abd-er-Rahman-Ibn-Ghamr se rendit auprès d'Abou-Yahya-Zékérïa et lui présenta un riche cadeau de la part du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, avec la promesse d'une coopération active. Cette communication fortifia AbouYahya-Zékérïa dans la résolution qu'il venait de prendre et lui donna l'espoir d'un prompt succès. Les Aulad-Abi-'l-Leil, chefs des Kaoub, et plusieurs autres cheikhs vinrent alors lui prêter le serment de fidélité et l'encourager à marcher sur la capitale. Il se mit donc en campagne et ordonna à son premier ministre, Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-Mohammed-el-Mezdouri, de se porter en avant, à la tête des Aulad-Abi-'l-Leil, et de pousser jusqu'à Tunis.

Dafer, ayant alors reçu de son sultan l'ordre de lui ramener l'armée, s'empressa de quitter Bédja; mais, avant d'arriver à la capitale, il eut avec l'ennemi une rencontre qui lui valut une défaite et la perte de sa liberté. Dans la matinée du 8 de Djomada [second] 744 (octobre 1311), les troupes victorieuses d'Abou-Yahya-Zékérïa parurent sous les murs de la capitale; une révolte éclata aussitôt dans la ville; le premier ministre, Abou-Zékérïa le hafside, y perdit la vie, et le cadi, Abou-IshacIbn-Abd-er-Refiâ, homme de beaucoup d'influence et d'une grande énergie, alla trouver le sultan Abou- '1- Baca pour l'exhorter à marcher au combat. Le prince s'en excusa en prétextant une indisposition, puis, il déclara, en présence de témoins, qu'il abdiquait le pouvoir et dégageait ses sujets de leur serment de fidélité. El-Mezdouri pénétra alors dans la citadelle et se rendit maître de la personne du monarque déchu.

Au second jour du mois de Redjeb (14 novembre), le sultan Abou-Zékérïa-Ibn-el-Lihyani fit son entrée dans Tunis, après avoir reçu les hommages de toutes les classes de la population. En prenant possession du trône, il donna la place de chambellan à son secrétaire Abou-Zékérïa-Yahya-Ibn-Ali-Ibn-Yacoub et confia l'administration des finances à Mohammed-Ibn-Yacoub, cousin du précédent.

Les Beni-Yacoub, famille native de Xativa, avaient fourni à l'Espagne plusieurs légistes et cadis distingués, et l'un de leurs

membres, Abou-'l-Cacem-Abd-er-Rahman-Ibn-Yacoub, était venu à Tunis lors de l'émigration 1. Il y arriva en même temps qu'Ibn-el-Amîr, le gouverneur de Tanger, dont nous avons déjà eu occasion de parler. Après avoir, d'abord, exercé les fouctions de cadi dans les provinces, il fut nommé cadi de la capitale par le sultan El-Mostancer, et le servit aussi comme ambassadeur auprès du gouvernement égyptien. Yahya-Ibn-Ali et ses frères, Abd-el-Ouahed et Mohammed, formaient la branche des Beni-Yacoub appelée les Beni-Ali. Depuis le règne du sultan Abou-Hafs, les Beni - Ali avaient toujours rempli de hauts emplois dans l'administration. Abd-el-Ouahed fut percepteur d'impôts dans le Djerîd et mourut à Touzer en 702 (1302-3). Abou-Yahya-Zékérïa-Ibn-el-Libyani, étant chef du corps des Almohades, eut pour secrétaire Abou-Zékérïa-Yahya, frère du précédent. Il le prit même en amitié et, à l'époque où il partit pour le pèlerinage, il l'emmena avec lui. Devenu khalife, il ́lui témoigna sa haute bienveillance en le nommant chambellan.

Quant à Abou-Abd-er-Rahman-Ibn-Ghamr, il négocia avec le nouveau sultan un traité de paix et prit envers lui les engagements les plus satisfaisants. Ali-Ibn-Ghamr s'attacha à la fortune de son cousin et fut comblé d'honneurs, de dons et de pensions. Nous aurons encore l'occasion de parler de lui.

[ABOU~ABD-ER-RAHMAN-]IBN- GHAMR SE REND A BOUGIE AUPRÈS DU CHUTE D'IBN-THABET ET DE

SULTAN ABOU-YAHYA-ABOU-BEKR.

DAFER-EL-KEBÎr.

Ibn-Ghamr, s'étant rendu de Tunis à Bougie, reprit sa place de chambellan. Le jour même de son arrivée, Abd-Allah-Ibn-Hilal, secrétaire d'Ibn-Khalouf, effectua son évasion et se rendit à Tlemcen. Devenu encore ministre d'Abou-Yahya-Abou-Bekr et

1 Nous avons déjà indiqué la date de cet événement, p. 421. 2 Voy., ci-devant, pp. 323, 334.

régent de l'empire, Ibn-Ghamr travailla pour obtenir la destitution de Hacen-Ibn-Ibrahim-Ibn-Thabet, mais il ne put, d'abord, y parvenir. Profitant enfin de l'absence de ce chef, qui était sorti pour prélever l'impôt dans les provinces, il représenta au sultan le danger qu'il y aurait à laisser le gouvernement de Constantine entre les mains d'un homme qui avait toujours, dans les montagnes voisines, un lieu de retraite assuré. Conseils et calomnies, rien ne fut négligé par lui auprès d'un prince dont il avait toute la confiance, et il réussit enfin à faire accueillir son avis.

En l'an 713 (1313-4), le sultan quitta Bougie à la tête de son armée, afin d'examiner l'état des affaires à Constantine. Arrivé dans le Ferdjîoua, il rencontra les frères Abd-Allah-Ibn-Thabet et Hacen le chambellan 1 et leur ôta la vie ainsi que leurs richesses. Quelques personnes racontent cette affaire autrement : quand Hacen-Ibn-Thabet, disent-ils, partit pour faire sa tournée dans les provinces du gouvernement de Constantine, le sultan le fit suivre par plusieurs de ses affranchis, porteurs d'ordres à l'adresse d'Abd-el-Kerîm-Ibn-Mendil et d'autres chefs de la tribu de Sedouîkich. Ceux-ci, l'ayant rencontré à Ouadi-'l-Coten, s'empressèrent de le tuer, sans que le sultan eût assisté à sa

mort.

Dafer-el-Kebir, vaincu et fait prisonnier par les Arabes, obtint d'eux sa liberté et alla trouver le sultan Abou-Yahya-AbouBekr. Ce prince, à l'instar de son frère, Abou-'l-Baca, lui accorda son amitié et le nomma gouverneur de Constantine, en remplacement d'Ibn-Thabet. Comme il était dépourvu d'instruction, le sultan lui donna pour secrétaire Abou-'l-Cacem-IbnAbd-el-Azîz. Après avoir commandé dans cette ville pendant quelque temps, Dafer reçut l'ordre d'aller à Bougie; mais, bientôt après son arrivé, il fut embarqué de force et transporté en Espagne. Ce fut encore là un coup d'Ibn-Ghamr qui, toujours attentif à conserver son influence, avait indisposé le sultan contre lui.

Dans le texte arabe, il faut, sans doute, supprimer le mot Ibn.

SIEGE DE BOUGIE PAR LES BENI-ABD-EL-OUAD.

En l'an 710 (1310-1), le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, s'étant retiré précipitamment des environs de Bougie, chargea son affranchi, Said-Ibn-Yakhlof, de se rendre à Tlemcen et négocier un traité d'alliance avec Abou-Hammon-Mouça, qui venait de vaincre les Zenata du Maghreb central et d'enlever toutes les villes de ce pays à la domination mérinide. La mort du sultan mérinide, Youçof-Ibn-Yacoub, [qui fut assassiné] sous les murs de Tlemcen, avait permis à Abou-Hammou de reprendre cette province, de soumettre les pays des Maghraoua et des Toudjîn, d'arracher la ville d'Alger à la domination d'Ibn-Allan et celle de Tedellis à Ibn-Khalouf [gouverneur de Bougie]. Ce traité d'alliance devait engager les parties contractantes à se soutenir mutuellement et à tourner leurs armes contre Ibn-Khalouf. Une proposition de cette nature fut d'autant plus agréable à AbouHammou qu'il espérait pouvoir en profiter pour se rendre maître de Bougie. Ayant appris, quelque temps après, qu'Ibn-Khalouf venait d'être tué et que cette ville était tombée au pouvoir du sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, il éleva des réclamations sous le prétexte que, d'après le traité d'alliance, Bougie devait lui appartenir. Sur ces entrefaites, les Sanhadja, indignés de l'assassinat de leur chef, allèrent lui offrir leur concours dans une expédition contre la forteresse qu'il convoitait tant. Après eux, se présenta Othman-Ibn-Sebâ-Ibn-Yahya dont la fierté ne pouvait soutenir l'atteinte que le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr avait portée à sa considération et à son honneur en violant le saufconduit donné à Ibn-Khalouf. Il y avait encore au cams l'exchambellan Ibn-Abi-Djebbi qui venait d'accomplir le pèlerinage de la Mecque et qui s'était attaché au sultan Abou-Hammou. D'après les conseils de tous ces chefs, le souverain de Tlemcen organisa une expédition contre Bougie et en confia le commandement à ses cousins, Mohammed-Ibn-Youçof-Ibn-Yaghmoracen, Masoud-Ibn-Abi-Amer-Ibrahim et à son affranchi Moçameh. Cette colonne partit de Chelif, ville où Abou-Hammou faisait

alors sa résidence, et marcha rapidement vers sa destination. Après avoir traversé le Djebel-ez-Zan et perdu Abou-'l-CacemIbn-Abi-Djebbi, qui avait reçu l'ordre de les accompagner et qui mourut au passage de cette montagne, les troupes abd-elouadites commencèrent le siége de Bougie; mais, au lieu de continuer, elles quittèrent leurs positions afin d'aller ravager les contrées situées à l'est de cette ville. Pendant leur marche, elles mirent tout à feu et à sang, et, ayant pénétré, l'an 713 (1313), dans la montagne des Beni-Thabet, elles y répandirent la ruine et la mort. Le corps d'armée préposé à la défense de cette région leur mit, enfin, tant de monde hors de combat et remporta sur elles tant d'avantages, qu'il les força à la retraite. Ce fut alors que les Abd-el-Ouadites construisirent et approvisionnèrent leur forteresse à Zeffoun. Quand ils furent de retour de cette expédition, le sultan fit de vifs reproches à Mohammed-IbnYouçof et à Moçameh, et, en punition de leur négligence et incapacité, il leur ôta leurs commandements.

En l'an 714 (1314-5), le sultan [Abou-Yahya-Abou-Bekr] revint de Constantine et envoya un corps d'armée contre la forteresse que les Beni-Abd-el-Ouad avaient bâtie à Zeffoun. Ces troupes, étant soutenues par la flotte qui fut expédiée de Bougie pour le même objet, s'emparèrent de la place et la ruinèrent de fond en comble, après en avoir enlevé tous les approvisionnements. L'année suivante, une armée abd-el-ouadite, commandée par Masoud - Ibn-Abi- Amer - Ibrahîm, cousin du sultan Abou-Hammou, vint attaquer la ville de Bougie. Pendant le siége, le bruit se répandit que Mohammed-Ibn-Youçof-IbnYaghmoracen [prince de la famille royale de Tlemcen] s'était mis en révolte et, qu'ayant obtenu l'appui des Beni-Toudjîn, il s'était emparé du camp d'Abou-Hammou à la suite d'un combat qui avait amené la déroute des Abd-el-Ouadites. Masoud abandonna aussitôt ses positions et s'éloigna de la ville. Bientôt après, le sultan [Abou-Yahya-Abou-Bekr] reçut de Mohammed

:

↑ Littéralement il leur attacha le collier de la négligence et de l'incapacité. Il faut lire oua tauwacahoma.

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