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au trône. Cette formalité accomplie, le sultan mourut vers la fin de Dou-'l-Hiddja 694 (commencement de novembre 1295).

INAUGURATION DU SULTAN ABOU-ACÎDA.

Quand le sultan Abou-Hafs eut cessé de vivre, les grands officiers almohades, les membres de la famille royale, l'armée et le peuple se portèrent à la citadelle et prêtèrent le serment de fidélité à l'héritier du trône, Abou-Abd-Allah-Abou-Acîda, fils du sultan El-Ouathec. Cette cérémonie eut lieu le 24 du mois de Dou-'l-Hiddja 694 (commencement de novembre 1295). L'avènement de ce prince causa une vive satisfaction à tout le monde. Il adopta le surnom d'El-Mostancer-Billah1 et commença son règne par faire mourir Abd-Allah, fils du sultan Abou-Hafs, parce que cet enfant aurait pu, par sa haute naissance, lui devenir un rival dangereux. Il prit pour vizir Mohammed-Ibn-Irzîguen2, cheikh almohade, et conserva Mohammed-es-Chakhchi comme chambellan. L'administration de l'état,le commandement de l'armée et la présidence du corps des Almohades passèrent à Abou-Yahya-Zékérïa, fils d'Ahmed et petit-fils de ce Mohammedel-Lihyani, qui, à l'époque où son fils visait au trône, avait été mis à mort par le sultan El-Mostancer. Abou-Yahya remplit avec zèle les devoirs de sa charge, bien qu'il y eut pour coadjuteur et rival l'ancien chef du corps des Almohades, Abd-el-Hack-IbnSoleiman; mais la catastrophe qui termina les jours de ce fonctionnaire le rendit directeur absolu des affaires de l'empire. Quant à Es-Chakhchi, il conserva le rang de chambellan et eut pour lieutenant [Abou-'l-Hacen-]Mohammed-Ibn-Ibrahîm-Ibnel-Debbagh. Parlons de ce personnage.

Ibrahim, père d'Abou-'l-Hacen, était venu de Séville à Tunis, lors de l'émigration de 646 (1248-9) 3. Abou-'l-Hacen naquit à

1. Voilà la troisième fois que ce titre fut pris par un sultan hafside. Voir ci-devant, p. 396.

2. Le texte arabe des manuscrits et de l'édition imprimée porte Berirsiguen.

3. Lors de la prise de cette ville par les chrétiens.

Tunis et y passa sa jeunesse. Il étudia les principes de l'administration publique et de la comptabilité sous deux frères d'une grande habileté dans cette partie, Abou-'l-Hakem-Ibn-Modjahed et Abou-'l-Hacen-Ibn-Modjahed. Ayant épousé la fille de ce dernier, il fut nommé amîn du bureau des provinces (receveur général des impôts). Plus tard, il devint secrétaire d'Abou-AbdAllah-el-Fazazi, et, voyant ce ministre ambitieux traiter le sultan avec peu de considération, il chargea le chambellan Ibn-esCheikh de lui faire connaître régulièrement les volontés du prince, afin d'influencer d'avance l'esprit d'El-Fazazi et de le faire agir en conformité avec la volonté royale. Par cette conduite habile, il gagna la faveur d'Abou-Hafs. Comme il avait déjà rendu plusieurs services à Abou-Acîda,ce prince, devenu sultan, le prit pour secrétaire, et cela avec d'autant plus d'empressement que son chambellan Es-Chakhchi ne lui paraissait pas avoir les talents qu'exige un tel emploi. Plus tard, en 695 (1295–6), il fut nommé par le sultan écrivain du paraphe impérial; ensuite il devint lieutenant d'Es-Chakhchi; puis, en 697, lors de la mort de ce fonctionnaire, il fut nommé à la place de chambellan, position la plus élevée à laquelle il pouvait aspirer. En effet, l'administration de l'état et de la guerre était réservée au cheikh des Almohades.

DISGRACE D'ABD-EL-HACK-IBN-SOLEIMAN.

SES FILS.

SORT DE

Abou-Mohammed-Abd-el-Hack-Ibn-Soleiman, chef des Almohades sous le règne d'Abou-Hafs, appartenait à une famille tînmelélienne qui, lors de l'établissement de l'empire hafside, s'était fixée à Toborsok. De même que ses aïeux, il avait tenu le rang de chef de tribu, et, quand ce sultan monta sur le trône, il devint chef de tous les Almohades de la capitale. Serviteur dévoué de son souverain, il le conseilla, avec instance, de choisir pour successeur le prince Abd-Allah, et combattit avec

1. Dans le texte arabe, lisez mostasâban.

force les préventions que les Almohades témoignerent contre cette nomination. Abou-Acîda lui en sut mauvais gré et, en 695 (1295-6), quand il eut prit le haut commandement et fait mourir son concurrent, Abd-Allah, fils du sultan Abou-Hafs, il donna l'ordre de faire arrêter Abd-el-Hack. Ce ministre passa le reste de ses jours en prison et y mourut assassiné vers la fin du septième siècle.

Lors de sa chute, ses fils, Mohammed et Abd-Allah, prirent la fuite. Celui-ci alla se mettre au service de l'émir Abou-Zékérïa et, plus tard, il accompagna à Tunis le sultan Abou-'l-BacaKhaled, fils de ce prince. Mohammed, l'autre frère, se réfugia auprès de Youçof-Ibn-Yacoub, chef des Beni-Merîn, qui faisait alors le siège de Tlemcen. Accueilli d'une manière fort honorable par ce monarque, il resta quelque temps avec lui avant de reprendre le chemin de son pays. Il était encore en route, quand il renonça à ce projet pour s'adonner aux pratiques de la haute piété et, ayant alors pris le froc des soufis, il se lia avec les dévôts et fit le pèlerinage de la Mecque. Jusqu'à un âge fort avancé, il continua à jouir de la considération générale, et, comme on s'était persuadé que toutes ses prières seraient agréées par la divinité, une foule de monde s'attachait toujours à ses pas dans l'espoir d'obtenir, par sa médiation, la faveur de Dieu. Les khalifes hafsides lui accordèrent une autre marque de distinction en le chargeant de plusieurs missions d'amitié auprès des princes zenatiens. Dans un de ces voyages, il prit part à la guerre sainte en assistant au siège de Gibraltar par le sultan [mérinide] Abou-'l-Hacen. Ce fut ainsi qu'il passa sa vie. Il mourut de la peste vers le milieu du huitième siècle.

ABOU-ACIDA ENVOIE UNE AMBASSADE A YOUÇOF-IBN-YACOUB,

SULTAN DES BENI-MERÎN.

Le sultan Abou-Acîda, étant ainsi parvenu à raffermir sa puissance, conçut le projet d'une expédition contre les provinces occidentales de l'empire, afin d'enlever à Abou-Zékérïa la partie

du royaume dont ce prince s'était rendu maître. [Les circonstances lui étaient favorables:] l'officier almohade de la famille Akmazîr, quigouvernait Alger au nom de l'émir Abou-Zékérïa, venait de mourir; les habitants s'étaient mis en révolte et IbnAllan, un de leur cheikhs, y avait pris le commandement. D'un autre côté, Othman-Ibn-Yaghmoracen, à la tête des Beni-Abdel-Ouad, venait de soumettre les Toudjîn, les Maghraoua et les Melîkich; or ce prince, à l'instar de son père, s'était montré ́partisan très dévoué du souverain de Tunis. Abou-Acîda prit donc la résolution d'exécuter son projet, et ayant quitté la capitale, l'an 695 (1295-6), il pénétra dans la province de Constantine dont les populations agricoles et nomades s'enfuirent à son approche. Parvenu à Mîla, il reprit le chemin de Tunis, où il arriva dans le mois de Ramadan (juillet 1296 de la même

année.

L'émir Abou-Zékérïa, se voyant menacé dans son royaume de Bougie, chercha d'abord à rétablir la tranquillité sur la frontière occidentale de ses états, afin de n'avoir plus d'embarras de ce côté-là, quand il aurait à repousser les tentatives hostiles du sultan de Tunis. Cette considération le porta à renouer les liens d'amitié qui l'avaient attaché à son parent Othman-Ibn-Yaghmoracen. Aussi, comme ce prince lui avait fait demander des secours contre le sultan mérinide, Youçof-Ibn-Yacoub, qui le tenait étroitement bloqué dans Tlemcen, il lui envoya un corps de troupes almohades. Cette armée eut une rencontre avec les Mérinides aux environs de Tedellis et perdit tant de monde qu'elle dut reculer en désordre et rentrer à Bougie. Youçof-IbnYacoub mit alors son frère, Abou-Yahya, à la tête d'une armée mérinide et l'envoya avec Othman-Ibn-Sebâ contre cette ville. Ce chef arabe venait d'abandonner Abou-Zékérïa et, après avoir obtenu des Mérinides l'accueil le plus flatteur, il avait poussé leur sultan à diriger une expédition contre le royaume de celui qu'il avait trahi. On commença par bloquer la ville, ensuite on décampa pour aller dévaster et subjuguer le territoire de Tagrart1

1. Voir l'index géographique du tome I, au mot Taourirt, no 2.

et le pays des Sedouîkich. Après cette course, la colonne mérinide alla rejoindre le sultan sous les murs de Tlemcen.

Quand Abou-Acîda eut appris qu'Abou-Zékérïa avait envoyé des secours à Othman-Ibn-Yaghmoracen, il dépêcha un ambassadeur à Youçof-Ibn-Yacoub pour le décider à entreprendre une campagne contre la ville et la province de Bougie. Ce fut AbouAbd-Allah-Ibn-Akmazîr, chef des Almohades, qui se chargea de cette tâche et commença ainsi sa carrière diplomatique. Dans une seconde mission qui lui fut confiée en l'an 703 (1303-4), il eut pour collègue le vizir de l'empire, Abou-Abd-Allah-IbnIrzîguen. Ils présentèrent au sultan un cadeau magnifique, dans lequel on remarqua particulièrement une selle, une épée et des éperons, le tout en or et garni de ce qu'il y avait de plus beau en fait de rubis et de perles. Ils rapportèrent en retour une riche offrande, dont un des articles consistait en trois cents mulets. Dès lors, ce ne fut qu'une suite d'ambassades, de lettres, d'envois de cadeaux et de témoignages d'amitié entre les deux cours. Dans toute cette correspondance, Youçof-Ibn-Yacoub ne parlait d'affaires qu'incidemment, quand il écrivait au sultan de Tunis, mais, dans ses lettres au chef des Almohades, Abou-Yahya-Ibnel-Lihyani, il abordait chaque question politique et la traitait à fond. Les Mérinides continuèrent leurs expéditions contre Bougie jusqu'à la mort de Youçof-Ibn-Yacoub.

MORT DE HEDDADJ, CHEF DES KAOUB.

ET PROCLAME IBN-]ABI-DEBBOUS,

CETTE. TRIBU SE RÉVOLTE
RÉVOLTE A TUNIS.

Les Kaoub avaient joui de la faveur et des bienfaits de l'empire depuis l'époque où ils s'étaient ralliés à la cause de l'émir Abou-Hafs. Devenus riches, nombreux et puissants, ils se livraient aux plus grands excès et, par une longue suite de brigandages sur les grandes routes et de vols dans les jardins et les champs cultivés, ils s'étaient attiré l'exécration générale. En l'an 705 (1305-6), leur chef, Heddadj-Ibn-Abîd, se montra dans Tunis où sa présence excita une vive agitation, et la populace était déjà disposée à lui faire un mauvais parti quand il entra dans la

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