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Les imamiens enseignent qu'Ali, auquel le Prophète avait légué l'imamat, le transmit de la même manière à son fils El-Hacen. Celuici le légua à son frère El-Hoceïn, qui le transmit à son fils Zeïn elAbedîn. Cet héritage passa de Zeïn el-Abedin à son fils Mohammed el-Baker, puis à Djâfer es-Sadec, fils du précédent. A partir de Djâfer, les imamiens ne s'accordent plus; les Ismaëliens, une de leurs sectes, font passer l'imamat de Djâfer à son fils Ismaïl, qu'ils surnomment El-Imam 1. Ceux de l'autre secte enseignent que Djâfer esSadec laissa l'autorité à son fils Mouça 'l-Kadhem et, comme ils ne comptent que douze imams, on les désigne par le nom de duodécimains. Ils croient que le dernier imam se tient caché et qu'il reparaîtra lors de la fin des temps.

Les Ismaëliens déclarent qu'Ismaïl était imam parce que son père, Djâfer es-Sadec, l'avait désigné comme successeur. « Cette désignation, disent-ils, eut un effet réel; car, bien qu'Ismaïl mourût avant son père, le droit à l'imamat resta dans sa postérité, ainsi que cela eut lieu pour Aaron à la suite de ce qui se passa entre lui et Moïse 2. » Ismaïl transmit l'imamat à son fils Mohammed el-Mektoum (le caché), le premier des imams cachés. «Il peut arriver, disent-ils, que l'imam n'ait aucune puissance; en ce cas, il se tient caché, mais ses missionnaires se montrent afin d'établir une preuve authentique (qui suffise P. 363. pour faire condamner les incrédules). Quand il a de la puissance, il paraît et proclame ses droits. Mohammed el-Mektoum eut pour successeur son fils Djâfer El-Mosaddec, dont le fils, Mohammed el-Habib, fut le dernier des imams cachés. Puis vint Obeïd-Allah elMehdi, dont le missionnaire, Abou Abd-Allah le Chîïte, parut chez les Ketama3, les rallia à la cause de son maître, qu'il tira ensuite de

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la prison à Sidjilmessa, et se rendit maître de Cairouan et du Maghreb. On sait que sa postérité régna en Égypte. Ces Ismaëliens reçurent le nom de Bateniya, parce qu'ils croyaient à l'imam qui est baten, c'est-à-dire caché. On les désigne aussi par le nom de Molhida (sacriléges), à cause de leurs opinions impies. Ils ont des doctrines d'une date ancienne et des doctrines nouvelles, qu'El-Hacen Ibn Mohammed Ibn es-Sabbah prêcha publiquement, vers la fin du ve siècle. Il se rendit maître de plusieurs forteresses de la Syrie et de l'Irac, où son parti se maintint pendant quelque temps; mais leur pouvoir finit par se briser, leur empire succomba, et les souverains turcs de l'Égypte s'en partagèrent les débris avec les souverains tartares de l'Irac. On trouvera dans le Milel oua 'n-Nuhl1 de Chehrestani, un exposé des doctrines professées par Ibn es-Sabbah.

pour

Les duodécimains d'une époque plus moderne se donnent quelquefois le nom d'imamiens. Ils enseignent que Mouça 'l-Kadhem devint imam par désignation expresse, son frère aîné Ismaïl el-Imam l'ayant choisi lui succéder. Ismaïl mourut du vivant de son père Djâfer. Après Mouça, l'autorité passa à son fils Ali er-Rida, celui qu'El Mamoun (le khalife abbacide) avait désigné comme son successeur. Cette nomination ne profita pas à Er-Rida, car il mourut avant El-Mamoun. Après Er-Rida, son fils, Mohammed et-Teki hérita de l'imamat, qui passa ensuite de lui à son fils Ali el-Hadi, puis à ElP. 364. Hacen el-Askeri, fils du précédent; puis à Mohammed el-Mehdi, fils d'El-Askeri. El-Medhi est l'imam attendu dont nous avons déjà parlé.

Comme une grande diversité d'opinions ont cours chez les Chîïtes, nous nous sommes borné à exposer leurs doctrines les plus remarquables. Celui qui voudrait les étudier et les connaître à fond pourra consulter les traités sur les religions et les sectes, par Ibn Hazm, par

1

Voyez le texte arabe de l'ouvrage de Chehrestani, publié par le D' Cureton, sous le titre de Book of religious and philosophical sects by Al-Shahrastani, p. 18., et la

traduction allemande du même ouvrage, publiée par M. Haarbrücker à Halle, 1851, p. 225. Consultez aussi l'introduction de 'Histoire des Druses.

Chehrestani, et par d'autres savants. Dieu égare celui qu'il veut et dirige celui qu'il veut. (Coran, sour. XVI, vers. 95.)

Comment le khalifat (gouvernement spirituel et temporel) se convertit en royauté (gouvernement temporel).

L'esprit de corps qui anime un peuple le conduit naturellement à l'acquisition de la souveraineté; c'est là le terme de son progrès. L'établissement d'un empire, ainsi que nous l'avons déjà fait observer, ne dépend pas de la volonté du peuple, mais de la force et de la disposition naturelle des choses. Les lois, les pratiques de la religion, toutes les institutions auxquelles on tâche de rallier une communauté n'ont aucune influence, à moins qu'un parti plein de zèle ne se charge de les faire prévaloir. Sans l'appui d'un parti imposant, on ne saurait poursuivre (ni punir) les contraventions. L'esprit de corps est donc indispensable dans une nation; sans lui, elle ne remplirait pas sa destinée.

On lit dans le Sahîh : « Dieu n'a jamais envoyé de prophète qui n'eût pas dans sa nation un parti capable de le défendre. » Le législateur a cependant désapprouvé l'esprit de corps; il a même recommandé d'y renoncer : « Dieu, a-t-il dit, vous a délivrés de la fierté1 qui vous dominait dans les temps antérieurs à l'islamisme; il vous a ôté l'orgueil de la naissance. Vous êtes les enfants d'Adam et Adam fut formé avec de la terre.» Dieu a dit : « Le plus noble d'entre vous aux yeux de Dieu, c'est celui qui le craint le plus. » (Coran, sour. XLIX, vers 13.) Nous savons aussi que le législateur a désapprouvé la royauté et reproché aux souverains de se livrer aux plaisirs2, de prodiguer leurs trésors sans but utile et de s'écarter de la voie de Dieu; mais il n'a voulu, en réalité, qu'exciter les hommes à devenir amis par la religion et à fuir les contestations et la discorde. Pour le législateur, ce bas monde, avec tout ce qui s'y rattache, n'est qu'un moyen de P. 365. transport vers l'autre vie; et, pour arriver au terme d'un voyage, on

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doit avoir le moyen de s'y transporter. Quand il défend de commettre certaines actions, quand il en désapprouve d'autres et recommande d'y renoncer, il ne veut pas faire cesser ces actions tout à fait ni annuler les facultés du corps qui les ont produites; il veut seulement qu'on tâche, autant que possible, de les diriger dans les intérêts de la vérité, afin qu'elles tendent toujours et d'une manière uniforme à un but louable. « Celui, dit le Prophète, qui s'expatrie pour plaire à Dieu et à son Prophète, plaît à Dieu et à son Prophète; celui qui s'expatrie pour acquérir les biens de ce monde ou pour épouser une femme n'a que l'avantage d'acquérir ou d'épouser. » Bien que le législateur ait voulu nous délivrer de l'appétit irascible, il ne condamne pas cette passion d'une manière absolue : sans elle, personne ne voudrait maintenir le bon droit, ni combattre les infidèles, ni faire triompher la parole de Dieu. La colère est blâmable quand elle éclate pour un motif blåmable et pour plaire au démon; mais elle est digne de louange quand elle a pour motif le désir de soutenir la cause de Dieu et de lui plaire; aussi la colère faisait-elle partie des qualités louables qui se trouvaient réunies dans le Prophète.

Il en est de même pour l'appétit concupiscible. Le législateur n'a pas voulu l'éteindre complétement; c'est faire tort à un individu que de l'en délivrer tout à fait. Le législateur veut seulement diriger vers un but légitime tout ce que cette passion renferme d'utile, afin que l'homme devienne un serviteur qui, dans ses actes, reste toujours soumis aux ordres de la divinité.

:

Il en est de même de l'esprit de corps; le législateur l'a blâmé en disant « Les liens du sang et le nombre de vos enfants ne vous serviront de rien.» Par ces paroles, il entendait blâmer cet esprit de corps qui régnait avant l'islamisme et qui poussait les hommes à rechercher la vaine gloire et tout ce qui s'y rattache; il voulait que personne ne 2 se vantât de la noblesse de sa famille et ne s'en préP. 366. valût pour nuire aux droits d'autrui, car de pareils traits n'échappent

'C'est-à-dire, au jour du jugement. - Pour, lisez l.

1

qu'à des les hommes insouciants et ne servent de rien dans l'autre monde, la demeure de l'éternité. Mais, tant que l'esprit de corps s'emploie au service de la vérité et de la cause de Dieu, il doit être favorisé; si on le supprimait, on rendrait inutiles les prescriptions de la loi; car nous avons déjà dit qu'on ne peut les exécuter, à moins d'être appuyé par l'esprit de corps (d'un fort parti).

Il en est de même de la royauté; bien que le législateur en témoigne sa désapprobation, il ne veut pas condamner l'esprit de domination qui agit dans l'intérêt de la bonne cause, ni l'emploi de la force pour obliger les hommes à respecter la religion et pour contribuer à l'avantage de la communauté. Il ne blâme que la domination que l'on exerce en vue de la vaine gloire et l'emploi du peuple pour accomplir des projets ambitieux ou pour satisfaire à ses passions. Si le roi montrait d'une manière claire qu'il fait des conquêtes afin de plaire à Dieu, de porter les hommes à l'adorer et à combattre les ennemis de la foi, une telle conduite ne serait pas répréhensible. Salomon a dit : « Seigneur! donne-moi un empire qui ne conviendra à personne après moi 2. » Il avait la conviction intime qu'en sa qualité de prophète-roi, il ne rechercherait pas la vaine gloire. Quand le khalife Omar Ibn el-Khattab se rendit en Syrie, il y trouva Moaouïa, vêtu en souverain, environné d'une suite nombreuse et à la tête d'un cortège vraiment royal. Choqué de ce spectacle, il lui dit: « Est-ce du chosroïsme que tu fais là? - Émir des croyants, lui répondit Moaouïa, nous sommes sur la frontière, en face de l'ennemi, et c'est pour nous une nécessité de rivaliser avec lui en pompe guerrière. Omar ne lui dit plus rien et ne lui fit pas de reproches.

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