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ment séduisante que le chambellan en nomma l'auteur gouverneur du Zab et plaça un corps de troupes à sa disposition. Mansour partit alors pour mettre le siége devant Biskera. La ville lui résista et les cheikhs, membres de la famille Romman, se voyant vivement pressés par leur adversaire et sachant qu'à une telle distance de Tunis, ils ne pouvaient guère s'attendre à être secourus, proclamèrent eux-mêmes la souveraineté d'AbouZékérïa et lui envoyèrent une députation avec l'assurance écrite de leur obéissance. De cette manière, ils crurent se soustraire à la vengeance de Mansour-Ibn-Mozni. Le sultan agréa leurs hommages et congédia les membres de la députation en leur déclarant que le commandant de ses troupes gouvernerait leur ville et qu'lbn-Mozni n'aurait qu'à s'occuper de la perception des impôts. Quand ces envoyés furent de retour, on alla au-devant du commandant et d'Ibn-Mozni pour leur faire acte de soumission et les introduire dans la ville. Le système d'administration imaginé par le sultan se maintint à Biskera jusqu'à l'époque où Mansour se mit encore en avant, ainsi que nous le dirons dans l'histoire de sa famille.

Jusqu'à nos jours le Zab est demeuré fidèle à la dynastie fondée par Abou-Zékérïa, dont un des fils s'empara de la capitale, ainsi que l'on verra plus loin.

MORT D'EL-FAZAZI, CHEIKH DES ALMOHADES, ET DU GRAND CHAMBELLAN ABOU-'L-CACEM-IBN-ES-CHEIKH, MINISTRE DU GOUVERNEMENT DE TUNIS.

Abou-Abd-Allah-el-Fazazi, cheikh almohade et favori du sultan Abou-Hafs, avait reçu de son maître le commandement en chef de l'armée et s'était conduit de la manière la plus satisfaisante dans les expéditions militaires qu'il entreprit, soit pour maintenir l'ordre dans les provinces, soit pour combattre les ennemis de l'état. Des pays étendus soumis, des rebelles vaincus ou repoussés au loin et de fortes contributions arrachées à des tribus récalcitrantes, ces services éclatants étaient le meil

leur témoignage du zèle et de l'habileté de cet officier. Dans le Djerîd, surtout, il eut l'occasion de montrer la supériorité de ses talents par l'adresse avec laquelle il se conduisit envers les chefs de ce pays. Ce fut lui qui, sur la dénonciation des cheikhs de Touzer, mit à la question Ahmed-Ibn-Yemloul et l'arrêta court dans la carrière de l'ambition. Il mourut l'an 693 (1293-4), à deux journées de Tunis, pendant qu'il conduisait une nouvelle expédition dans le Djerîd.

L'année suivante vit la mort du chambellan Abou-'l-CacemIbn-es-Cheikh. Ce personnage ayant émigré de Dénia à Bougie, en l'an 626 (1228-9), se présenta à Mohammed-Ibn-Yacin, administrateur de cette dernière ville, et obtint auprès de lui la place de secrétaire. Quand son patron, dont il avait su gagner la confiance, fut rappelé à la capitale, il fit le voyage avec lui. Le sultan cherchait alors un secrétaire sur lequel il pourrait déverser le poids des affaires, et comme Ibn-Yacîn lui fit l'éloge le plus brillant de son protégé, il consentit à le prendre à l'essai. Cette épreuve ne fut pas favorable à Ibn-es-Cheikh dont elle amena le renvoi; mais le sultan ayant enfin pu reconnaître les talents de cet homme, l'admit définitivement à son service. IbnAbi-'l-Hocein fut chargé d'enseigner au nouveau secrétaire les devoirs de sa place et de l'initier par la pratique, dans la marche et dans les détails de l'administration; aussi, Ibn-es-Cheikh fut-il bientôt en état d'apporter un grand soulagement au souverain dans l'expédition des affaires. La mort d'Ibn-Abi-'l-Hocein laissa vacantes plusieurs places dont l'une était la surintendance de la maison royale, aucune dépense ne pouvant s'y faire sans sa signature. Cette charge fut confiée à Ibn-es-Cheikh avec l'avertissement que le cumul ne lui serait pas permis. El-Quathec étant monté sur le trône, se laissa diriger par Ibn-el-Habbeber, il conserva toutefois Ibn-es-Cheikh comme surintendant et l'ad

Voy. l'histoire des Beni-Yemloul, dans le troisième volume.

2 En cette année, Mohammed-Ibn-Houd, soutenu par les chrétiens, avait enlevé Dénia et Murcie aux Almohades.

mit au nombre de ses intimes. Abou-Ishac, étant devenu sultan, le garda aussi à son service, mais en lui donnant pour collègue Abou-Bekr-Ibn-Khaldoun, directeur général des contributions. Sous le règne de ce monarque, la place de premier ministre fut successivement remplie par ses fils, les princes Abou-Fares, Abou-Zékérïa et Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed. Quand le prétendant eut réussi dans son imposture et obtenu possession du trône, il distingua particulièrement Ibn-es-Cheikh, et, au visa des comptes que ce fonctionnaire exerçait depuis si longtemps, il ajouta le droit d'inscrire le paraphe impérial en tête des pièces officielles. Quand Abou-Hafs fit mourir le prétendant et recouvra le royaume de ses pères, Ibn-es-Cheikh craignit que la faveur dont il avait joui sous l'usurpateur ne lui attirât la colère du sultan et, pour cette raison, il employa auprès de lui l'intercession des hommes dévots avec lesquels il s'était déjà lié par la pratique de la piété et des bonnes œuvres. Le prince accueillit leur prière, sans même dissimuler le besoin qu'il avait d'un serviteur aussi utile. Dès lors, au visa des comptes du palais, Ihn-es-Cheikh réunit les fonctions de grand chambellan: mais le droit d'écrire le paraphe fut donné à une autre personne1 de la cour. Ibn-es-Cheikh mourut, en place, l'an 694 (1294-5). Dès lors, chacune de ces trois charges donna à celui qui la remplissait le titre de chambellan. Quant à l'administration de l'état et le commandement de l'armée, ces fonctions importantes furent réservées aux cheikhs almohades; mais, dans la suite, plusieurs grands changements eurent lieu, ainsi que le lecteur verra plus loin, et l'on remplaça sans difficulté un almohade par une personne qui ne l'était pas, et vice-versa.

La place de chambellan, laissée vacante par la mort d'Ibn-esCheikh fut donnée à Abou-Abd-Allah-es-Chakhchi, officier de la milice. Ce fonctionnaire conserva son emploi jusqu'à la chute de l'empire [devant les armes des Mérinides].

↑ Dans le texte arabe, il faut lire ghairihi,

MORT DU SULTAN ABOU-HAFS.

Le sultan Abou-Hafs jouit d'un règne tranquille et prospère jusqu'au terme de ses jours. Vers le commencement du mois de Dou-'l-Hiddja 694 (octobre 1295), il ressentit les premières atteintes de la maladie qui devait l'emporter. Bientôt, il se trouva gravement indisposé, et pensa avec inquiétude au sort futur de ses sujets et à la lourde responsabilité qu'il avait encourue en se chargeant des intérêts d'un peuple entier. Le douze du même mois, il désigna comme successeur au khalifat son fils AbdAllah; mais ce choix déplut au corps des Almohades, parce que le prince était encore impubère et parce qu'il n'avait occupé jusqu'alors aucune position dans l'état. Le sultan, ayant appris ce qu'ils se disaient entr'eux, en éprouva un extrême mécontentement, et, ne voulant pas se régler d'après leur avis, il alla prendre conseil d'Abou-Mohammed-el-Merdjani, saint personnage dont le caractère lui avait inspiré la plus haute estime.

Quand El-Ouathec fut mis à mort avec ses enfants, une de ses concubines, qui était alors enceinte, se réfugia dans le couvent d'Abou-Mohammed et donna le jour à un fils dans la chambre même de son protecteur. Il nomma l'enfant Mohammed et, sept jours après sa naissance, il lui rasa la tête selon la coutume et tua un mouton afin de le faire manger aux pauvres avec une acida, ou potage, de froment. Depuis ce jour, l'enfant continua à porter le surnom d'Abou - Acîda. Quand on n'eut plus de motifs pour cacher l'existence de ce prince, on le fit entrer au palais pour y être élevé au sein de sa famille. Devenu grand, il conserva encore pour Abou-Mohammed un profond attachement, et le cheikh, de son côté, lui garda une vive affection.

Le sultan Abou-Hafs, l'ayant alors consulté sur le choix d'un successeur, en lui exposant que les Almohades ne voulaient pas de son fils, reçut le conseil de transmettre le pouvoir à Mohammed, fils d'El-Ouathec. Cet avis lui parut si bon qu'il convoqua les grands officiers de l'empire et les cheikhs almohades afin de leur faire reconnaître le prince Mohammed comme successe”

tròne. Cette formalité accomplie, le sultan mourut vers la fin de Dou-'l-Hiddja 694 (commencement de novembre 4295).

INAUGURATION DU SULTAN ABOU-ACIDA.

Quand le sultan Abou-Hafs ent cessé de vivre, les grands officiers almohades, les membres de la famille royale, l'armée et le peuple se portèrent à la citadelle et prêtèrent le serment de fidélité à l'héritier du trône, Abou-Abd-Allah-Abou-Acîda, fils du sultan El-Ouathec. Cette cérémonie eut lieu le 24 du mois de Dou-'l-Hiddja 694 (commencement de novembre 1295). L'avènement de ce prince causa une vive satisfaction à tout le monde. Il adopta le surnom d'El-Mostancer-Billah et commença son règne par faire mourir Abd-Allah, fils du sultan Abou-Hafs, parce que cet enfant aurait pu, par sa haute naissance, lui devenir un rival dangereux. Il prit pour vizir Mohammed-Ibn-Irzîguen cheikh almohade, et conserva Mohammed-es-Chakhchi comme chambellan. L'administration de l'état, le commandement de l'armée et la présidence du corps des Almohades passèrent à Abou-Yahya-Zékérïa, fils d'Ahmed et petit-fils de ce Mohammed-el-Lihyani, qui, à l'époque où son fils visait au trône, avait été mis à mort par le sultan El-Mostancer. Abou-Yahya remplit avec zèle les devoirs de sa charge, bien qu'il y eut pour coadjuteur et rival l'ancien chef du corps des Almohades, Abd-el-Hack-IbnSoleiman; mais la catastrophe qui termina les jours de ce fonctionnaire le rendit directeur absolu des affaires de l'empire. Quant à Es-Chakhchi, il conserva le rang de chambellan et eut pour lieutenant [Abou-'l-Hacen-] Mohammed-Ibn-Ibrahîm-Ibn-elDebbagh. Parlons de ce personnage.

Ibrahim, père d'Abou-'l-Hacen, était venu de Séville à Tunis, lors de l'émigration de 646 (1248-9) 3. Abou-'l-Hacen naquit à

1 Voilà la troisième fois que ce titre fut pris par un sultan hafside. Voy. ci-devant, p. 396.

Le texte arabe des manuscrits et de l'édition imprimée porte Berirziguen..

3 Lors de la prise de cette ville par les chrétiens.

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