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procédés de Ziadet-Allah à leur égard et sa conduite envers Omar-Ibn-Moaouïa, et les fils de ce chef, il leur inspira la crainte qu'eux-mêmes et leurs enfants subiraient bientôt un traitement semblable. Ziadet-Allah eut connaissance de cette conspiration, et, pendant qu'il passait la milice en revue, selon son habitude, il fit appeler Mohammed-Ibn-Hamza et lui ordonna de partir pour Tunis à la tête de cinq cents des cavaliers armés qui venaient de défiler: « Arrêtez Mansour et les siens, lui dit-il, sans leur donner le temps de se reconnaître; chargezles de chaînes et amenez-les à la capitale. » En arrivant à Tunis, Omar apprit que Mansour était dans son château de Tonboda. Cette nouvelle le décida à s'arrêter dans la maison de l'hospitalité d'où il envoya à cet officier une députation composée de Sedjra-Ibn-Eïça, cadi de Tunis et de quarante des principaux personnages de la ville, pour l'exhorter à rentrer dans la voie de l'obéissance et a venir le trouver. Mansour leur répondit: « Je n'ai pas renoncé à l'obéissance; je ne complote point, et pour vous le prouver, je vais partir avec vous; mais restez aujourd'hui avec moi, afin que j'aie le temps d'appréter pour nos hôtes à Tunis quelque chose de bon. Alors il envoya à Mohammed-Ibn-Hamza des bœufs, des moutons, du fourrage et plusieurs charges de vin; accompagnant ce don d'une lettre par laquelle il annoncait son arrivée pour le lendemain. Ibn-Hamza, se fiant à cette parole, se mit à manger et à boire avec ses compagnons. Le soir venu, Mansour fit emprisonner dans le château le cadi et ceux qui l'accompagnaient; puis, rassemblant ses cavaliers et ses fantassins, il partit pour Tunis, et ce ne fut qu'au bruit de ses tambours que les personnes logées dans la maison de l'hospitalité apprirent son arrivée. Omar et ses compagnons coururent aux armes, mais tout étourdis des effets du vin, ils furent accablés et massacrés par les troupes d'El-Mansour. Quelques-uns d'entre eux se jetèrent à la mer et se sauvèrent à la nage. Le lende main, Mansour se vit entouré de toutes les milices, et voulant

La maison de l'hospitalité (dar-ed-diafa) est une espèce de caravansérail où certains voyageurs sont hébergés aux frais du gouverneur de la ville.

profiter de son succès, il fit mettre à mort le gouverneur de l'a ville, Ismail-Ibn-Sofyan-Ibn-Salem, et le fils de celui-ci 1. Quand'. Zîadet-Allah apprit le massacre de ses gens et le triste sort qu'avait éprouvé son cousin, le gouverneur, il choisit les plus braves de la milice et les envoya, sous les ordres de Ghalboun, contre les révoltés. Lui-même étant monté à cheval, les accompagna à quelque distance, et leur dit en les quittant : « Prenezgarde à vous et conduisez-vous bien; car je fais serment que si un seul d'entre vous revient en fuyard, il trouvera ici la mort. ». Ces paroles indisposèrent tellement les miliciens qu'ils voulaient se porter à des voies de fait contre Ghalboun, mais Djâfer-IbnMåbed s'y opposa en leur représentant que les torts de ZiadetAllah à leur égard ne devaient pas les engager à trahir Ghalboun, leur bienfaiteur et leur libérateur, celui enfin qui avait intercédé pour leurs chefs auprès de ce prince. Sur ces observations, ils renoncèrent à leur projet.

Lorsque cette troupe fut arrivée à la Sibkha de Tunis, les officiers qui commandaient sous Ghalboun écrivirent à El-Mansour et aux siens pour les informer qu'ils étaient dans l'intention d'abandonner leur chef à la première rencontre, et de prendre la fuite. Quand les deux partis se trouvèrent en présence, Mansour chargea à la tête de ses troupes, et toute l'armée de Ghalboun s'enfuit devant elle. Après cette déroute, [les officiers] se rendirent auprès de Ghalboun, et lui firent des excuses, jurant qu'ils n'avaient jamais cessé d'être dévoués au prince, et qu'ils avaient employé tous leurs efforts [pour retenir leurs soldats sous les drapeaux]. « Mais, disaient ils, nous sommes maintenant inquiets pour notre sûreté personnelle, et nous ne nous rendrons pas auprès de Zîadet-Allah avant d'avoir reçu l'assurance que nous n'aurons rien à craindre de lui. » A la suite de cette déclaration, ils quittèrent leur chef, et chacun d'eux s'en alla de son côté et prit possession de quelque coin de la province; ce qui mit en combustion toute l'Ifrîkïa. Le reste de la milice se mit aux ordres de Mansour-et-Tonbodi. Ziadet-Allah, auprès duquel

1 Ibn-el-Abbar nous apprend que la révolte de Mansour eut liew dans le mois de Safer 209 (juin, 824 de J.-C.).

Ghalboun était accouru pour l'instruire de ce qui venait de se passer, expédia des lettres de grâce aux miliciens et à leurs chefs; tentative inutile; aucun d'eux ne voulut les recevoir, et tous se réunirent de nouveau, plus insoumis que jamais. Mansour les plaça sous les ordres d'Amer-Ibn-Nafé et les envoya contre Ziadet-Allah, qui, de son côté, mit en campagne un corps considérable de troupes, composé, en grande partie, de ses clients et de ses affranchis et commandé par Mohammed-Ibn-Abd-AllahIbn-el-Aghleb. 11 en résulta un conflit dans lequel l'armée de Mohamed-Jbn-Abd-Allah fut mise en pleine déroute et perdit ses principaux chefs. Parmi les morts on compta Mohammed, fils de Ghalboun, Mohammed, fils de Hamza-er-Razi et AbdAllah-Ibn-el-Aghleb. Toute l'infanterie de Ziadet-Allah fut exterminée, et le reste de ses troupes fut poursuivi et sabré par la milice. Cet événement obligea Ziadet-Allah de marcher en personne contre les rebelles. Il choisit une position entre El-Fostat et El-Casr 1, qu'il fortifia par un retranchement [pour lui servir de lieu de retraite], et ensuite il eut plusieurs rencontres avec l'ennemi. Pendant quelque temps, les succès se balancèrent des deux côtés, mais, à la fin, Mansour et les siens furent mis en déroute et obligés de se réfugier à Tunis.

Lors de ces événements, le peuple de Cairouan avaient prêté des secours à Mansour; aussi, les compagnons de Ziadet-Allah lui conseillèrent de détruire la ville de fond en comble, et d'en exterminer les habitants. A cette proposition il répondit qu'il avait fait vœu de leur pardonner, s'il remportait la victoire. Toutefois, il fit abattre les murailles et les portes de la ville.

L'historien dit : Mansour, étant parvenu à rallier ses partisans, se trouva de nouveau dans une position prospère ; et de toute l'Ifrikïa il ne resta à Zîadet-Allah que les pays maritimes et la

El-Fostat signifie la tente, et El-Casr, le château. Ce dernier est sans doute le même que la forteresse bâtie par Ibrahîm-Ibn-el-Aghleb. El-Fostat était probablement un camp retranché, sous les murs de Cai

rouan.

2 Mansour, devenu ainsi maître de presque tout le royaume de ZiadetAllah, fit frapper des monnaies en son propre nom.— (Baïan.)

ville de Cabes. Les miliciens lui écrivirent alors pour l'engager à sortir de la province et à se retirer où il voulait ; promettant, en ce cas, de respecter sa personne, ses biens, et tout ce qui se trouvait dans son château. Ziadet-Allah prit conseil de ses compagnons au sujet de cette proposition, et Sofyan-Ibn-Souada lui dit : >> Faites-moi voir le registre où sont inscrits les noms des soldats qui composent les troupes de votre maison, pour que je choisisse parmi eux deux cents cavaliers d'un courage éprouvé. »> Ayant fait son choix, il leur donna une gratification et sortit avec eux jusqu'à Nefzaoua, pays qui se trouvait occupé par un chef de la milice, nommé Abd-es-Samed-Ibn-Djenah-el-Baheli. Ayant ensuite fait un appel aux Berbères de ces contrées, et rassemblé une foule de Zenata et d'autres tribus, il occupa successivement toutes les villes de cette région, et parvint jusqu'à Castîlïa d'où il alla rejoindre Ziadet-Allah. Ceci se passa en l'an 248 (833). Saîd [un témoin oculaire de cette expédition] déclara qu'il n'avait jamais vu une troupe plus fortunée que ces deux cents cavaliers. La désunion et la jalousie ne tardèrent pas à se mettre parmi les miliciens, et la discorde naquit aussi entre Mansour et Amer-IbnNafé, lequel finit par assiéger son collègue dans le château de Tonboda. Il fut alors convenu, par des médiateurs, que Mansour et les gens de sa maison auraient la vie sauve, qu'il conserverait ses richesses et s'embarquerait pour l'Orient. Dans cette extrêmité, un de ses amis lui conseilla de ne pas subir une telle humiliation et de se transporter plutôt à Laribus, ville dont les habitants lui étaient tout dévoués; aussi il quitta son château pendant la nuit pour s'y rendre. Le lendemain, Amer s'aperçut de sa fuite, et partit pour l'assiéger dans Laribus. Contraint, enfin, à capituler, Mansour obtint la permission d'aller à Tunis, d'où il devait s'embarquer pour l'Orient. Amer lui fournit une escorte de cavalerie pour l'accompagner, mais il avait donné l'ordre au commandant de ce détachement de prendre la route de Carna 1, et d'enfermer Mansour dans la prison de cette ville. Arrivé à Carna, le commandant de l'escorte mit Mansour aux arrêts dans

4 Ailleurs, ce nom est écrit Cariça, Caria, Djerba.

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la maison de Hamdis, fils d'Amer, et celui-ci ayant bientôt après reçu de son père un ordre écrit, s'y conforma en faisant décapiter le prisonnier. Amer fit subir le même sort au frère de Mansour, et ayant alors réuni toutes les milices sous son autorité, il se crut près d'atteindre au but qu'il s'était proposé. Ziadet-Allah lui écrivit pour l'engager à rentrer dans l'obéissance, en lui promettant une grace entière. Amer répondit à cette lettre par l'énumération de tous les crimes dont le prince aghlebide s'était rendu coupable et il termina par ces mots : « Une assez grande amitié n'existe pas entre vous et moi pour que la guerre ne continue pas; Dieu nous jugera, et il est le meilleur des juges. » Bientôt après, les affaires d'Amer prirent une tournure défavorable; les milices montrèrent de l'insubordination, et les chefs de celles d'Egypte, indignés de sa conduite envers Mansour et son frère, tournèrent leurs armes contre lui. Abd-es-Selam-Ibn-el-Féredj, gouverneur de Bédja, méconnut aussi son autorité, et s'étant fait prêter serment de fidélité par un nombre considérable de la milice, il marcha contre lui, l'attaqua vivement et le força à se réfugier dans Carna. Dès lors, la conféderation de la milice se brisa et le pouvoir de Zîadet-Allah commença à se relever. Quelque temps après, Amer tomba malade, et se voyant près de sa fin, il appela ses fils et leur dit : « Mes chers enfants! je n'ai jamais trouvé aucun avantage dans la rebellion; ainsi, quand je serai mort, et que vous m'aurez enseveli, allez voir Ziadet-Allah avant de vous occuper d'autre chose; il est d'une famille renommée pour la clémence, et j'ai tout lieu d'espérer qu'il vous verra avec plaisir et qu'il vous fera un accueil des plus favorables. » Dès que leur père fut mort, ils se rendirent auprès du prince, et les miliciens eux-mêmes vinrent, les uns après les autres, pour solliciter leur grace. Zîadet-Allah les accueillit avec bonté et s'empressa de rassurer tout le monde. Abd-es-Selam, assiégé très-étroitement par les troupes de Ziadet-Allah, fut enfin trouvé mort, ayant péri de soif, à ce que l'on dit 4. Sa tête fut envoyé au prince aghlebide, et

En l'an 219, Fadl-Ibn-Abi-'l-Anber se révolta dans la peninsule de Chérik, et Abd-es-Selam-Ibn-el-Féredj vint se joindre à lui. ZîadetAllah fit marcher une armée contre eux, et dans un combat acharné

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