Images de page
PDF
ePub

ses grands officiers à se construire des hôtels, à former des parcs et à planter des jardins; aussi parvint-il à terminer et même à surpasser les plans que son père avait adoptés pour l'embellissement de la capitale. Les palais et les autres grands édifices de cette époque se faisaient admirer par leur beauté.

LE SULTAN ABOU-TACHEFÎN ATTAQUE MOHAMMED-IBN-YOUÇOF DANS LE QUANCHERICH ET LE FAIT PRisonnier.

Après avoir forcé Abou-Hammou à la retraite, MohammedIbn-Youçof soumit le Ouancherîch et les pays voisins, rallia autour de lui les débris de la population maghraouienne et se rendit encore redoutable par sa puissance. Aussi, le sultan AbouTachefin conçut de vives inquiétudes et, en l'an 719 (1349), il organisa une armée à Tlemcen, se mit en marche pour combattre le perturbateur et attira sous ses drapeaux un grand nombre de tribus, tant zena tiennes qu'arabes. Arrivé au pied du Ouancherich, il y établit son camp et bloqua Ibn-Youçof qui y avait réuni les Toudjîn et les Maghraoua.

Parmi les insurgés se trouvèrent les Beni-Tîgherîn, tribu toudjinide qui, toujours dévouée à la famille d'Abd-el-Caouï, regardait Omar-Ibn-Othman -Ibn- Atïa comme son chef légitime. Aussi, quand Ibn-Youçof, dont ils avaient embrassé la cause, leur imposa comme chef un individu appartenant à une autre tribu toudjinide, Omar en conçut un profond ressentiment et fit prévenir secrètement Abou-Tachefîn qu'il irait se joindre à lui. Le sultan força alors les abords de la montagne, contraignit les rebelles à s'enfermer dans Toukal et, après avoir assiégé cette forteresse pendant huit jours, il eut le plaisir de voir passer de son côté Omar-Ibn-Othman avec tous les Beni-Tigherîn. Profitant aussitôt de cette défection qui avait jeté une grande confusion parmi les coalisés, il emporta la place d'assaut et, pendant

1 A la place de dauletaho, le traduteur lit ahla daulétihi,

qu'il se tenait au milieu de son cortège, on lui amena prisonnier le chef de l'insurrection. Ayant récapitulé à ce malheureux tous les méfaits dont ils s'était rendu coupable, il le piqua avec son javelot et donna ainsi à sa troupe d'affranchis le signal de l'achever. Mohammed-Ibn-Youçof succomba criblé de blessures, et sa tête fut placée au bout d'une lance et portée à Tlemcen pour être plantée sur un des crénaux du rempart.

Omar-Ibn-Othman reçut alors du sultan le commandement du Ouancherîch et du pays des Beni - Abd-el-Caouï. L'affranchi Saîd-el-Arebi obtint en même temps le gouvernement de Médéa.

Après avoir fait ces nominations, Abou-Tachefîn se dirigea vers l'Orient, afin de surprendre les tribus rîahides qui étaient campées à Ouadi-'l-Djenan, près du col par lequel on se rend du pays de Hamza dans les contrées méridionales. Etant tombé sur elles à l'improviste, il s'empara de tous leurs troupeaux et continua sa marche jusqu'à Bougie. Arrivé sous les murs de cette ville, dans laquelle se tenait le chambellan Yacoub-Ibn-Ghamr, il y resta pendant trois jours sans pouvoir la prendre. Pour pallier, aux yeux de ses alliés, le mauvais succès de cette tentative, il leur déclara que la place était trop forte pour être emportée de vive force. Il reprit alors la route de Tlemcen.

SIEGE DE BOUGIE PAR LES ABDEL

[ocr errors]

QUADITES.

[ocr errors]

ABOUTACHEFÎN ATTAQUE LES ALMOHADES [HAFSIDES] ET COMMENCE LA LONGUE GUERRE QUI AMENA SA MORT ET LA CHUTE MOMENTANÉE DE SA

DYNASTIE.

Le sultan Abou-Tachefin, étant rentré de l'expédition qu'il avait faite contre Bougie en l'an 719, envoya successivement plusieurs corps d'armée dans les contrées situées à l'Est de ses états, s'acharnant ainsi à envahir le territoire hafside. En l'an 720 (1320), ses troupes insultèrent la campagne de Bougie et revinrent ensuite. En 724, son général Mouça-Ibn-Ali-el-Kordi alla bloquer Constantine et, ne pouvant s'en emparer, il se transporta au premier défilé que l'on rencontre dans la vallée de

[ocr errors]

Bougie et y construisit un fort qu'il nomma Hisn-Bekr1 et dans lequel il laissa une garnison sous les ordres de Yahya-IbnMouça, caïd de Chelif. Revenu à Tlemcen, il entreprit une troisième campagne, l'an 723, et, cette fois-ci, il ravagea les environs d Fougie et tint la ville bloquée pendant quelques jours. En l'an 723 (1323), Abou-Tachefîn reçut la visite de HamzaIbn-Omar 2, petit-fils d'Abou-'l-Leil et commandant des populations nomades de l'Ifrîkïa, lequel vint pour implorer le secours des Abd-el-Ouadites contre le souverain de ce pays, notre seigneur le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr. Il fournit à cet Arabe une armée zenatienne composée, en grande partie, de Toudjînides et de Beni-Rached. Le sultan hafside se porta au-devant de ces troupes qui étaient sous les ordres de leurs chefs respectifs, mais dont le commandement en chef fut exercé par MouçaIbn-Ali, et il les battit complètement aux environs de Mermadjenna. Le nombre des morts et des prisonniers fut immense; parmi les premiers, on retrouva l'affranchi Moçameh. Le général abd-el-ouadite ramena les débris de sa colonne à Tlemcen et encourut [plus tard] la disgrâce de son maître qui le soupçonnait d'avoir trahi ses devoirs.

En 724, une armée que le sultan Abou-Tachefin envoya contre Bougie, parcourut les environs de cette forteresse, attaqua les troupes d'Ibn-Séïd-en-Nas, les mit en déroute et força leur chef à chercher un abri derrière ses remparts.

En 725, le même sultan reçut une députation d'Arabes soleimides dans laquelle on remarqua Hamza-Ibn-Omar, chef trèspuissant, Taleb-Ibn-Mohelhel, son rival dans le commandement des Kaoub, et Mohammed-Ibn-Meskîn, l'un des Beni-'l-Cos, puissante famille de la tribu des Hakim. Sur les instances de ces chefs qui le prièrent de les soutenir dans une expédition contre l'Ifrikïa, il leur fournit un corps de troupes sous les ordres

Variante: Tegguer ou Tekr. Voy. t. 1, p. 454, note, et l'article Hisn-Bekr dans la Table géographique.

2 Voy. t. I, p. 117, et t. I, p. 460.

de Mouça-Ibn-Ali et leur présenta, en même temps, le prince hafside, Ibrahîm', fils d'Abou-Bekr-es-Chehîd, en les invitant à le proclamer souverain de l'Ifrîkïa. Notre seigneur, le sultan AbouYahya-Abou-Bekr, s'empressa de quitter Tunis pour aller à leur rencontre et, craignant qu'ils ne se rendissent maîtres de Constantine, il s'y porta assez rapidement pour arriver avant eux. Mouça-Ibn-Ali vint alors prendre position devant la ville et laissa le prince Ibrahîm se diriger sur Tunis avec les tribus soleimides. Cette ville succomba, ainsi que nous l'avons raconté [dans le tome 1, p. 463], mais Constantine résista si bien que Mouça-Ibn-Ali dut lever le siége au bout de quinze jours et regagner Tlemcen.

En l'an 726 (1326), Mouça-Ibn-Ali-el-Kordi reçut du sultan Abon-Tachefin le commandement d'une armée avec la commission d'envahir les plaines de l'empire hafside et d'assiéger les places fortes qui en garnissaient la frontière occidentale. Aprèsavoir attaqué Constantine et dévasté les contrées voisines, Mouça se tourna vers Bougie et y mit le siége. Quelque temps après, il leva son camp et, comme il avait reconnu que la position de Hisn-Bekr ne convenait pas à un corps de troupes chargé de maintenir le blocus de Bougie, il chercha un local plus rapproché de cette ville afin d'y établir une forte garnison. Ayant fait choix de Souc-el-Khamis, dans la vallée de Bougie, il rassembla des ouvriers, les fit aider par ses soldats et, dans l'espace de quarante jours, il acheva la construction d'une nouvelle ville. Cette forteresse, destinée à bloquer Bougie, reçut le nom de Temzezdekt pour rappeler le souvenir de l'ancienne citadelle que les Beni-Abd-el-Ouad possédaient dans la montagne qui s'élève au Midi d'Oudjda, et dont ils se servaient avant d'avoir fondé leur royaume.

Le nouveau Temzezdekt reçut une garnison de trois mille hommes et, d'après les ordres du sultan, les gouverneurs de toutes les provinces du Maghreb central durent Y faire porter

1 Voy. t. I, p. 462.

des grains, malgré la distance, ainsi que toutes les espèces de denrées qui servent d'assaisonnement, sans oublier le sel. Pour tenir les tribus voisines dans l'obéissance, cette garnison s'en fit donner des otages; elle contraignit aussi ces populations à lui payer l'impôt et, par sa vigilance à intercepter les communications avec Bougie, elle parvint à incommoder cette ville extrêmement et à y faire naître la disette.

En 727 (1327), un corps de troupes expédié par notre seigneur le sultan Abou-Yahya-Abou-Bekr, traversa la montagne des Beni-Abd-el-Djebbar, pénétra jusqu'à Bougie et marcha ensuite contre Temzezdekt sous la conduite d'Abou-Abd-Allah IbnSéïd-en-Nas, général commandant de la ville. Mouça-Ibn-Ali eut connaissance de leur approche assez à temps pour rappeler les détachements qui se trouvaient en arrière de sa position et pour envoyer en avant les caïds sous ses ordres. La rencontre des deux armées eut lieu dans le voisinage de Temzezdekt et amena la défaite d'Ibn-Séïd-en-Nas1, la prise de son camp et la mort de Dafer-el-Kebir, chef des convertis chrétiens qui gardaient la porte du sultan de Tunis.

Après la chute de Mouça - Ibn - Ali, qui encourut la disgrâce du sultan, ainsi que nous le dirons plus loin 2, YahyaIbn-Mouça des Beni-Senous reçut le commandement d'un corps d'armée qui devait envahir l'Ifrîkïa. Il se mit en marche, accompagné des principaux caïds de l'empire, et ne rebroussa chemin qu'après avoir dévasté les environs de Constantine et poussé en avant jusqu'à Bône.

En 729, Hamza-Ibn-Omar 3 vint demander des secours au sultan Abou-Tachefîn, et, avec lui ou bientôt après, arriva Abdel-Hack-Ibn-Othman, l'un des plus braves guerriers de la famille royale mérinide. Celui-ci s'était d'abord réfugié auprès du sultan Abou-Yahya - Abou-Bekr; mais, au bout de quelques

Voy. t. 1, p. 464, 465.

2 Voy. p. 417 de ce volume. 3 Voy. t. I, p. 471.

« PrécédentContinuer »