Images de page
PDF
ePub

éclata parmi les Berbères des montagnes de Bédja; elle fut suivie d'une autre des eibadites commandés par Saleh-Ibn-Nasîr, de la tribu berbère de Nefzaoua. El-Mohelleb, fils de Yezîd, attaqua les insurgés à Bédja; mais il fut défait et perdit une grande partie de ses troupes. Alors Dawoud envoya contre les Berbères Soleiman-Ibn-es-Samma-Ibn-Yazid-Ibn-Habib-Ibn-el-Mohelleb, à la tête de dix mille cavaliers. Celui-ci mit les rebelles en déroute, et en tua plus de dix mille, sans que la milice sous ses ordres eût éprouvé la moindre perte. L'historien dit ensuite: Un grand nombre des chefs berbères se joignirent à Saleh-Ibn-Nasîr; mais Soleiman marcha contre eux, en tua les principaux meneurs et revint à Cairouan. Dawoud continua à gouverner l'Ifrîkïa jusqu'à ce que son oncle Rouh-Ibn-Hatem y arrivât pour en prendre le commandement. Après avoir administré pendant neuf mois et quinze jours, il se rendit en Orient où le khalife Er-Rechîd le reçut avec distinction et lui conféra le gouvernement de l'Egypte. Plus tard, il passa au gouvernement du Sind, où il mourut.

§ XXXI. GOUVERNEMENT DE ROUH, FILS DE HATEM, FILS DE GABÎÇA, FILS D'EL-MOHELLEB, FILS D'ABOU-SOFRA.

L'historien dit qu'Er-Rechîd, ayant appris la mort de YezîdIbn-Hatem, nomma au gouvernement du Maghreb Rouh-IbnHatem, frère aîné de Yezîd. Ce fonctionnaire arriva à Cairouan en Redjeb 171 (déc.-janv. 787-788), à la tête d'un corps de cinq cents cavaliers de milice, et il y fut bientôt rejoint par son fils Cabîça, ayant sous ses ordres quinze cents cavaliers. Pendant tout le temps de son administration, le pays jouit d'une profonde tranquillité, les routes furent toujours sûres et une crainte salutaire retint les Berbères dans le devoir. Il parvint aussi à faire la paix avec Abd-el-Ouehhab-Ibn-Rostem, seigneur de Tèhert, celui dont les ouehbites tirent leur nom 1. Les affaires se main

1 La secte des Ouehbites, branche de celle des sofrites, montra comme toutes les autres sectes kharedjites, une extrême animosité contre la famille d'Ali, gendre de Mahomet. Ce sont les doctrines hérétiques des onehbites, dit-on, qui sont professées par les habitants de Djerba et par les Mozabites. — (Voyez ci-devant, page 204, note.)

tinrent dans un état satisfaisant tant qu'il gouverna la province. Il mourut dans l'exercice de ses fonctions, le 19 Ramadan 174 (janvier 794).

§ XXXII.

GOUVERNEMENT DE NASR, FILS DE HABÎB, MEMBRE DE
LA FAMILLE d'el-mohelLEB.

L'historien rapporte qu'à cause de sa vieillesse et de sa décrépitude, Rouh-Ibn-Hatem avait l'habitude de s'abandonner au sommeil pendant les audiences publiques qu'il présidait. Cette circonstance porta le maître de la poste aux chevaux et le caïd Abou-'l-Anber à écrire au khalife Er-Rechîd pour l'informer de l'état du gouverneur, et lui exprimer la crainte que leur inspirait l'éventualité de sa mort: « Cet événement, disaient-ils, peut arriver d'un jour à l'autre, et comme la province forme une des frontières de l'empire, elle ne saurait se maintenir sans un chef d'une grande énergie.» Dans la même lettre, ils vantèrent la sagesse de Nasr-Ibn-Habib et sa haute capacité administrative; ils parlèrent aussi de sa popularité, et proposèrent au Chef des croyants de le nommer secrètement à la place de Rouh, afin qu'il pût agir comme gouverneur provisoire, dans le cas où quelque malheur atteindrait celui-ci. Cette recommandation décida Er-Rechîd à choisir Nasr pour gouverneur et à expédier secrètement le diplôme de sa nomination. A la mort de Rouh, la grande mosquée fut tendue de tapisseries pour l'inauguration de son fils Cabîça qui devait y tenir une séance et recevoir du peuple assemblé le serment de fidélité. Pendant que cette cérémonie s'ac

1 Rouh-Ibn-Hatem avait rempli de très-hauts emplois sous les Abbacides: d'abord chambellan d'El-Mansour, il passa au gouvernement de Koufa et Basra, et ensuite à ceux du Sind, de Taberistan, de la Palestine, etc. Un jour, il attendait au grand soleil, devant la porte du palais, afin de faire sa cour au khalife. Un passant lui dit : « Voilà longtemps que vous vous tenez au soleil. >> « Oui, répondit-il, mais c'est afin de pouvoir rester longtemps a l'ombre. » - (Baian.)

2 Les maîtres de postes comptaient parmi leurs attributions le droit de correspondre directement avec le khalife, pour le tenir au courant de tout ce qui se passait dans leurs provinces respectives.

complissait, le maître de poste et Abou-'l-Anber montèrent à cheval et allèrent trouver Nasr auxquel ils remirent le diplôme qui le nommait au gouvernement de l'Ifrîkïa. L'ayant salué alors du titre d'émir, ils le firent monter à cheval et l'amenèrent, avec une forte escorte, à la grande mosquée. Là, ils obligèrent Cabîça à céder la place à Nasr et ensuite ils donnèrent lecture de la lettre du khalife. Toute l'assemblée s'empressa de reconnaître le nouveau gouverneur. Nasr fit fleurir la justice dans tous les pays sous ses ordres, et pendant son administration, qui dura deux ans et trois mois, il se conduisit avec une douceur extrême. ElFadl, fils de Rouh, était gouverneur de la province du Zab, au moment de la mort de son père. Lorsque la lettre d'Er-Rechîd eut été rendue publique, il alla trouver ce khalife et ne cessa de lui faire la cour jusqu'à ce qu'il eût obtenu pour lui-même le gouvernement de l'Ifrîkïa.

§ XXXIII.-GOuvernement d'el-fadl, fils de rouh.

Er-Rechîd, dit l'historien, ayant nommé El-Fadl au gouvernement de l'Ifrîkïa, y envoya un écrit par lequel il ordonnait la déposition de Nasr et son remplacement par El-Mohelleb-IbnYezid, en attendant l'arrivée d'El-Fadl. Le nouveau gouverneur entra à Cairouan, le mois de Moharrem 177 (avril-mai 793) et donna aussitôt le commandement de Tunis à son neveu ElMogheira-Ibn-Bichr-Ibn-Rouh. El-Mogheira était d'une grande légéreté de caractère; il montrait peu d'égards pour la milice, et, pensant que son oncle ne voudrait pas le destituer, il la traitait d'une manière tout opposée à celle de ses devanciers. Les membres de ce corps, s'étant assemblés, écrivirent à El-Fadl pour l'instruire des mauvais procédés d'El-Mogheira à leur égard, ainsi que de son administration tyrannique. Le retard qu'El-Fadl mit à leur répondre fut regardé comme un nouveau grief à ajouter à ceux dont ils avaient à se plaindre, car, déjà, il ne les consultait plus et faisait tout de son propre mouvement.

Ceci eut lieu en Ramadan, 174 (janvier-février 791).

S'étant donc assemblés pour se concerter, ils prirent pour chef Abd-Allah-Ibn-el-Djaroud, surnommé Abdaweih, et lui prêtèrent serment de fidélité, après lui avoir donné toutes les sûretés qn'il demandait.

El-Mogheira, dont ils allèrent ensuite cerner la maison, leur fit demander ce qu'ils voulaient. Ils répondirent: « Il faut que tu partes d'ici, toi et les tiens, pour aller rejoindre ton maître, » Ibn-el-Djaroud écrivit en même temps au gouverneur de la province une lettre conçue en ces termes : « A l'émir El-Fadl, de la part d'Abd-Allah-Ibn-el-Djaroud. Ce n'est point par esprit de révolte que nous avons chassé El-Mogheira, mais seulement à cause de certains de ses actes qui auraient amené la ruine de l'État. Mettez donc à notre tête celui qu'il vous plaira, fou bien nous y aviserons nous-mêmes, et alors vous n'aurez plus de droits à notre obéissance. Adieu. » El-Fadl lui répondit en ces termes : « De la part d'El-Fadl, fils de Rouh, à Abd-el-Allah-Ibn-elDjaroud. Le Dieu tout puissant exécute tout ce que sa volonté à décidé, et ce que les hommes veulent ou ne veulent pas lui est indifférent. Ainsi, que vous ayez un gouverneur de mon choix ou du vôtre, la volonté de Dieu ne s'en accomplira pas moins à votre égard. Je vous donne maintenant un autre gouverneur; si vous le repoussez, ce sera de votre part une marque de rebellion. Adieu. » En même temps il envoya à Tunis, en qualité de gouverneur [son cousin] Abd-Allah-Ibn-Yezîd-el-Mohellebi, accompagné d'En-Noder-Ibn-Hafs, d'Abou- 'l-Anber, et d'El-DjoneidIbn-Séïar. Lorsqu'ils furent arrivés aux environs de la ville, les partisans d'Ibn-el-Djaroud lui conseillèrent de les faire tous arrêter et enfermer, et [sans attendre sa réponse], ils se jetèrent sur eux et les firent prisonniers, à l'exception d'Ibn-Yezîd auquel ils ôtérent la vie. Ibn-el-Djar oud ayant appris cet événement, leur dit : « Ce n'était pas pour cela que je vous avais envoyés à leur rencontre; mais puisque c'est un fait accompli, je vous demande ce qu'il faut faire. » Ils furent tous d'avis de répudier l'autorité légitime, et, dès ce moment, ils se livrèrent aux intrigues [afin de corrompre les troupes restées fidèles]. Mohammed-Ibnel-Farci, le moteur principal des troubles, prit la direction des

affaires d'Ibn-el-Djaroud, et voulant séduire les commandants [des troupes et des villes], il leur écrivit à tous, promettant à chacun d'eux en particulier, de lui conférer le commandement en chef. Ces sourdes menées compromirent la situation d'El-Fadl, et amenèrent des événements qu'il serait trop long de raconter. Un combat s'ensuivit qui eut pour résultat d'ouvrir à Ibn-el-Djaroud et à ses partisans la route de Cairouan. Cette ville succomba et El-Fadl dut prendre la fuite. Bientôt après, cet officier tomba au pouvoir d'Ibn-el-Djaroud. Celui-ci voulait le retenir prisonnier, mais ses partisans lui firent observer que la guerre n'aurait pas de terme, tant qu'El-Fadl vivrait. Ce fut en vain que MohammedIbn-el-Farci essaya, par ses conseils, de sauver la vie du prisonnier; les autres révoltés se jetèrent sur le malheureux Fadl et le tuèrent1. Ensuite Ibn-el-Djaroud expulsa de l'Ifrikïa Nasr, fils de Habib, et El-Mohelleb, Khaled et Abd-Allah, tous trois fils de Yezid.

[ocr errors]

§ XXXIV. — SUITE DE L'HISTOIRE D'IBN-EL-DJAROUD.

L'historien dit Après la mort d'El-Fadl et la prise de Cairouan par Ibn-el-Djaroud, Chemdoun, le général commandant de Laribus, en fut tellement indigné qu'il prit les armes. FelahIbn-Abd-er-Rahman-el-Kilaï, officier du même rang, se joignit à lui ainsi qu'El-Mogheira et plusieurs autres chefs. Bientôt après, Abou-Abd-Allah-Mélek-Ibn-Monder-el-Kelbi gouverneur de Mîla, arriva de cette ville avec un corps de troupes pour les soutenir. Ils mirent alors Ibn-Monder à leur tête, et, beaucoup de monde s'étant réuni à eux, ils allèrent livrer bataille à Ibn-el-Djaroud. Ibn-Monder périt dans cette rencontre, et ses partisans furent mis en déroute et poursuivis jusqu'à Laribus. Chemdoun écrivit alors à El-Alå-Ibn-Said, qui se trouvait dans la province du Zab, l'invitant à venir le rejoindre. Celui-ci vint à Laribus, et de là il se dirigea sur Cairouan avec El-Mogheira, Chemdoun, Felah et

1 El-Fadl fut tué en l'an 478 (791-5), après avoir gouverné un an et cinq mois. Les Mohellebides, famille dont il faisait partie, avaient succesivement commandé en Ifrikïa pendant vingt-trois ans. (Baian.)

« PrécédentContinuer »