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vous qu'Ibn-Ouezîr lui avait assigné, mais cette entreprise n'eut aucun résultat 1.

Trois jours après la réduction de Constantine, Abou-Fares repartit pour Bougie où il arriva vers la fin du mois de Rebià.

LES FILS DU SULTAN MÈNENT DES EXPÉDITIONS DANS

LES

PROVINCES.

L'affection que le sultan portait à ses fils, jointe à son désir de les habituer à l'exercice de pouvoir, le décida à leur donner une haute position dans l'état. Au mois de Redjeb 681 (octobre-novembre 1282), il confia à son fils Abou-Zékérïa le commandement d'un corps d'armée, composé de troupes almohades et de milices. Le jeune prince partit alors pour Cafsa, afin d'examiner l'état des provinces méridionales de l'empire et d'en faire rentrer les impôts. Cette tâche accomplie, il revint à Tunis dans le mois de Ramadan (décembre) de la même année. Son frère, AbouMohammed-Abd-el-Ouahed, reçut ensuite le commandement d'une colonne et passa dans le pays des Hoouara, afin d'y prélever les impôts, contributions, droits et amendes. Abd-elOuehhab-Ibn-Caïd-el-Kelaï accompagna cette expédition, afin d'en diriger les opérations et de servir d'intermédiaire entre le

1. En l'an 1282, le roi Pierre d'Aragon se trouvait, avec sa flotte, à Collo où il s'était rendu sur l'invitation de Bolboquer (Abou-Bekr-IbnOuezîr), afin de faire la guerre à Mirabusac (l'émir Abou-Ishac), quand il apprit la nouvelle des Vêpres siciliennes. Il partit aussitôt pour Palerme où il se fit couronner roi de Sicile. Pour l'histoire de cette expédition africaine, on peut consulter: 1° l'Histoire de Catalogne, par Bernard d'Esclot, texte catalan, publié par M. Buchon, Chroniques étrangères, Paris, 1840, chap. 77 à 89. 20 Chroniques de Ramon Muntaner, version française, par M. Buchon, chap. 44 à 85. 3o Sabæ Malaspina Hist. Sicilio, apud Gregorio, Biblioth. Script. qui res in Sicilia gestas sub Aragon, imperio retulere, Panormi, 1791, in-fol., t. II, p. 361 à 1099. Je dois ces indications à l'obligeance de M. Amari, le savant historien des Vêpres siciliennes, ouvrage dont on peut aussi consulter l'édition de Florence, 1851. Parmi les appendices de ce volume, nous espérons pouvoir donner quelques extraits de Malaspina.

prince et les gens du pays. Arrivés à Cairouan, ils apprirent qu'un prétendant au trône avait paru chez les Debbab de la province de Tripoli. Le prince expédia un courrier à son père pour lui annoncer cette nouvelle et continua sa marche; mais, voyant le progrès rapide que faisait la cause du prétendant, il reprit le chemin de Tunis.

LE SULTAN ALLIE SA FAMILLE A CELLE D'OTHMAN

IBN-YAGHMORACEN.

Quand Abou-Ishac quitta l'Espagne pour chercher un trône, il alla descendre chez Yaghmoracen-Ibn-Zian, à Tlemcen. Cet émir avait fait de grands préparatifs pour le recevoir, et quand il le vit arriver, entouré des cavaliers abd-el-ouadites qu'il avait envoyés à sa rencontre, il le reconnut pour souverain légitime de l'empire hafside. Se conformant alors à son usage invariable envers le chef de cette dynastie, il lui prêta le serment de fidélité et prit l'engagement de lui servir de lieutenant et de le soutenir contre tous ses ennemis. Il demanda ensuite pour son fils Othman l'insigne honneur d'obtenir la main d'une des filles de son hôte, princesses élevées à l'ombre de la tente impériale. Le sultan accueillit cette demande avec faveur et partit pour conquérir sa capitale.

Il venait d'établir son autorité dans tout le royaume des Hafsides quand Abou-Amer-Ibrahîm, fils de Yaghmoracen, arriva avec plusieurs autres chefs abd-el-ouadites, et lui représenta qu'il venait de la part de son père pour faire dresser l'acte de mariage. Le sultan les reçut avec une bonté extrême et agréa leur demande. Ils passèrent quelques jours à Tunis et se distinguèrent ensuite par leur bravoure dans plusieurs rencontres avec les troupes du prétendant; puis, en l'an 681, ils repartirent tous, comblés de faveurs et charmés de pouvoir emmener la princesse dans leur caravane 1. Arrivée à Tlemcen, cette jeune per

1. Dans le texte arabe, lisez bi-dhaïnetihim.

sonne épousa Othman et devint la perle de leur palais, l'illustration de leur maison et un sujet de gloire pour eux et pour leur nation 1.

APPARITION DU PRÉTENDANT IBN-ABI-OMARA.

EXTRAORDINAIRES.

SES AVENTURES

Ahmed-Ibn-Merzouc-Ibn-Abi-Omara appartenait à une famille d'El-Mecîla qui était allée s'établir à Bougie. Il passa ses premières années dans cette dernière ville et prit, en grandissant, une figure assez distinguée. Esprit inculte et sans instruction, il dut exercer le métier de tailleur pour avoir de quoi vivre. Malgré l'infériorité de sa position sociale, il nourrissait l'espoir de monter sur un trône, destin qu'il prétendait lui avoir été annoncé par les devins les plus habiles et dont la certitude lui paraissait assurée par la géomancie, art qu'il savait pratiquer lui-même 2. Ayant quitté sa ville natale, il passa dans le désert de Sidjilmessa et se présenta aux Arabes makiliens comme un descendant du Prophète, comme ce fatemide dont l'apparition est attendue par les gens grossiers et ignorants 3. Il les assurait même que, par sa connaisance du grand œuvre, il pouvait convertir toute espèce de minéral en or. Ces Arabes l'entourèrent avec empressement et, pendant quelque temps, il fut le sujet de tous leurs entretiens.

Talha-Ibn-Modaffer, cheikh des Amarna 1, l'une des branches de la tribu de Makil, m'a raconté qu'il avait vu cet aventurier arriver chez les Makil et tomber ensuite dans l'abandon et le mépris, quand on s'aperçut qu'il ne pouvait justifier ses grandes prétentions.

1. Dans l'histoire des Beni-Abd-el-Ouad, t. III de cette traduction, l'auteur parle encore de ce mariage. Abou-Zian-Mohammed, fils d'Othman-Ibn-Yaghmoracen et de la princesse hafside, succéda au trône lors de la mort de son père.

2. Au lieu de bi-khatt, lisez yakhatt.

3. Voir l'Appendice no II.

4. Dans le texte arabe, on a imprimé, par erreur, Amarïa.

Ibn-Abi-Omara se mit alors à courir les pays et, étant passé dans la provice de Tripoli, il s'arrêta chez les Debbab. Ce fut là qu'il fit la rencontre d'un affranchi d'El-Ouathec appelé ElFeta-Nacîr (le garçon Nacîr), et surnommé Noubi (le Nubien). Cet homme, frappé de l'aspect d'Ibn-Abi-Omara, qui ressemblait beaucoup à El-Fadl, fils d'El-Ouathec, se mit à pleurer et à lui embrasser les pieds. L'autre lui demanda pourquoi il agissait ainsi, et, sur sa réponse, il lui dit : «< Soutiens-moi dans >> mes prétentions et tu me verras tirer vengeance de celui qui >> tua vos jeunes princes. » Nacîr courut aussitôt chez les chefs arabes en poussant des cris de joie et leur annonça qu'il venait de trouver le fils de son ancien maître. Ayant réussi à leur en imposer, il les trompa complètement en leur faisant répéter par Ibn-Abi-Omara une leçon qu'il lui avait apprise et qui se rapportait à certaines conversations qui eurent lieu entre ces Arabes et El-Ouathec. Parfaitement convaincus alors que c'était le prince El-Fadl, ils lui prêtèrent le serment de fidélité 1.

Morghem-Ibn-Saber-Ibn-Asker, émir des Debbab, entreprit de faire valoir les droits de ce prétendant, rassembla ses Arabes, et alla mettre le siège devant Tripoli, ville où commandait Mohammed-Ibn-Eïça-el-Hintati, surnommé populairement Onk-el-Fidda (cou d'argent). Ne pouvant s'en emparer, les insurgés allèrent à Zenzour et tombèrent sur les Medjrîs, population hoouarite qui demeurait dans le voisinage de cette ville. Ils parcoururent alors toute cette partie du pays et prélevèrent l'impôt chez les Lemaïa, les Zouaza et les Zouagha. Quant aux Nefouça, aux Gharîan et aux Maggher, tribus hoouarites, le prétendant les frappa d'une contribution extraordinaire. Il marcha ensuite sur Cabes où il reçut, en Redjeb 681 (oct. 1282), les hommages empressés d'Abd-el-Mélek-Ibn-Mekki, qui lui prêta le serment de fidélité, «afin, disait-il, d'acquitter les » obligations que je dois à vos aïeux », mais, en réalité, pour frayer le chemin à l'indépendance qu'il ambitionnait pour lui

1. Dans le texte arabe, lisez bíatéhom.

2. Les manuscrits et le texte arabe imprimé portent Zouara.

même. Ce chef le fit alors reconnaître comme khalife par tous ses subordonnés et lui procura les services des Kaoub, tribu soleimide qui obéissait alors aux Beni-Chîba et qui se trouvait sous les ordres d'Abd-er-Rahman, membre de cette famille.

Le prétendant, ayant ensuite reçu l'adhésion des habitants de Djerba, d'El-Hamma et des villages du territoire des Nefzaoua, marcha sur Touzer et soumit cette ville ainsi que la province de Castîlïa. Alors il remonta à Cafsa où il reçut aussi le serment de fidélité. La puissance et la renommée qu'il venait de conquérir décidèrent enfin le sultan Abou-Ishac à expédier une armée de Tunis pour le combattre.

LE SULTAN EST TRAHI PAR SES TROUPES ET S'ÉLOIGNE

DE LA CAPITALE.

La cause du prétendant avait fait un grand progrès dans la province de Tripoli et la plupart des villes s'étaient déclarées pour lui, quand le sultan plaça son fils, l'émir Abou-Zékérïa, à la tête d'une armée et l'envoya contre les insurgés. Arrivé à Cairouan, le jeune prince y leva des contributions dont il s'appropria une bonne partie. Ensuite il se remit en marche et, parvenu à Camouda 1, il apprit que le prétendant venait d'occuper la ville de Cafsa. Cette nouvelle, s'étant répandue dans le camp, amena la dispersion de toute l'armée, et Abou-Zékérïa rentra à Tunis le dernier jour de Ramadan de l'an 681 (janvier 1283).

Le prétendant, qui était sorti de Cafsa pour se mettre à la poursuite d'Abou-Zékérïa, occupa Cairouan et s'y fit reconnaître comme sultan. L'exemple donné par cette ville entraîna dans la même voie El-Mehdia, Sfax et Souça.

Alors une grande agitation se déclara dans Tunis, et, vers le milieu du mois de Choual (janvier), le sultan fit dresser ses tentes en dehors de la ville, après avoir ordonné une levée en

1. Le texte arabe offre la leçon Temmouda.

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