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de Bougie. Nos traités mentionnent seulement aux treizième, quatorzième et quinzième siècles, l'exploitation du plomb, et réservent par privilège l'exportation en franchise de ce métal du royaume de Tunis et de Bougie aux seuls Vénitiens. L'acier et le cuivre dont il est question dans quelques documents pisans étaient plutôt des importations en Afrique, bien que les mines de Mouzaïa attestent l'existence de précieux minerais dans notre colonie.

On connaît les beaux travaux de nos ingénieurs sur les gisements métalliques de l'Algérie. L'auteur principal de ces savantes explorations, M. Henri Fournel, exprime ainsi, sous une forme vive et originale, et au fond très sérieuse, les espérances qu'elles permettent de concevoir : « Quand je songe <<< aux avantages immédiats qu'on peut tirer de l'exploitation << de mines depuis si longtemps oubliées, quand je songe aux << métamorphoses que les eaux artésiennes peuvent produire <«< dans la fertilité d'un sol comme celui de l'Afrique, je suis << entraîné à admettre que c'est par le dessous que nous ar« riverons à la conquête définitive du dessus. »

Le Soudan fournissait beaucoup d'or brut aux dixième, onzième et douzième siècles. L'or est mentionné comme objet d'importation d'Afrique à Porto Pisano dans le tarif de 1461; et le tarif vénitien de 1540 mentionne aussi l'oro barbarescho, qui était sans doute de la poudre d'or, parmi les exportations du Magreb.

1. Plumes d'autruche.

2. Ivoire.

18. Objets divers.

3. Corail, régulièrement exploité dès le dixième siècle à Tenez, Ceuta et Mers-el-Kharès, près de Tabarca. Le corail de Ceuta était moins estimé. Le rouge était le plus recherché. On travaillait aussi les sortes blanches et noires. Venise, Gênes, Naples et Barcelone recevaient la plus grande partie

des coraux rouges exportés en Europe. Marseille ne s'est occupée en grand de cette industrie que beaucoup plus tard, à l'époque de la fondation du bastion de France, près de Bone; mais ses pêcheurs allaient récolter le corail dans les eaux de la Sicile, et peut-être sur les côtes d'Afrique dès le moyen âge.

On exportait au seizième siècle, comme autrefois, beaucoup de coraux rouges en Égypte et en Syrie pour les chapelets musulmans. Le roi de Tunis affermait souvent la pêche du corail à des Catalans, et la prétention des corailleurs de Cagliari et d'Alghero, quand la Sardaigne fit partie du royaume d'Aragon, fut d'obtenir du fermier espagnol, ainsi que de l'autorité arabe, le même traitement que les corailleurs de Barcelone.

4. Armes du Maroc.

5. Probablement quelques porcelaines fabriquées autrefois dans le pays, et de ces vases en argile appelés aériens à cause de leur extrême légèreté, et destinés à contenir l'eau en la rafraîchissant.

6. Épiceries. Grâce à son voisinage de l'Égypte, Tripoli recevait, tant par navires arabes que par navires chrétiens, une grande quantité d'épiceries, dont une partie était réexportée en Europe.

7. Vernis et gomme arabique.

8. Dans l'inventaire d'une pharmacie de Gênes, en 1312, il est fait mention de pots ou faïences dorées de Bougie. AbouObaïd parle des vases d'argile destinés à contenir l'eau que l'on fabriquait à Tunis mieux qu'en aucun autre pays; ils étaient d'une extrême blancheur et d'une finesse approchant de la transparence (1).

(1) M. de Sacy, Notices et extraits, t. XII, p. 494.

UNI

1350. Importance relative du commerce du Magreb.

La multiplicité des objets d'échange n'est pas toujours la preuve d'un grand trafic. Quelques produits, les épices, la soie, le sucre ou le coton, peuvent suffire aux plus vastes opérations de commerce. Mais quand à une régulière fréquentation des navires étrangers dans un pays s'ajoute une grande variété de matières exportables, on peut être assuré que ce pays possède un commerce extérieur actif, facile et avantageux. Tel était alors l'état de l'Afrique septentrionale. D'après ce que dit Balducci Pegolotti du commerce général de la Méditerranée de son temps, on peut certainement placer les relations du Magreb avec les chrétiens au second rang d'importance. Il n'y avait au-dessus que le commerce de Constantinople et d'Égypte, en comprenant dans ce dernier le commerce de Chypre. Jusqu'à la découverte du cap de Bonne-Espérance, l'île de Chypre fut, pour la chrétienté entière, l'entrepôt naturel de l'Égypte et de la Syrie, et le marché obligé de toutes les petites marines chrétiennes qui n'avaient pas de traités directs avec ces pays. Constantinople résumait tout le commerce de la mer Noire et de l'Asie centrale.

L'Égypte et Chypre étaient les grands marchés des productions de l'Inde et de l'Arabie. Le Magreb fournissait à l'Italie, à la France et à l'Espagne, et par ces pays au reste de l'Europe, des cuirs, des laines, des écorces tanniques, de l'huile, du blé, de la cire, de l'ivoire et du corail. Les chrétiens vendaient surtout aux Maugrebins, comme aux Arabes d'Égypte, des toiles, des fers, de la quincaillerie, des bijoux, des navires et

des métaux précieux. Ces marchandises, auxquelles on peut ajouter les esclaves et les épiceries venant directement d'Égypte au Magreb, et dont il se faisait un immense débit en Europe, formaient les chargements habituels des navires qui périodiquement se rendaient dans les ports de l'Afrique. Rarement un navire chrétien parcourait toutes les escales de Tripoli au Maroc. Les expéditions isolées ou en conserve avaient généralement un parcours limité. Mais il n'était pas un port de la côte africaine ouverte au commerce chrétien qui ne vît au moins deux fois dans l'année les navires de chaque nation.

C'est à ces rapports habituels que les Génois durent de pouvoir effectuer contre Tripoli un coup de main des plus audacieux. Exécuté par des Arabes contre une ville chrétienne, il eût fourni à nos chroniqueurs ample matière de déclamation contre les ravages des barbares. La suite naturelle des événements nous amène à parler de ce grave incident.

1355. La ville de Tripoli, gouvernée par un émir indépendant, est pillée par les Génois.

Tripoli, possédé quelque temps par les rois de Sicile au douzième siècle, repris ensuite par les Almohades, ne fut jamais un royaume tout à fait indépendant comme Bougie, parce que son territoire restreint ne pouvait former un grand État. Son éloignement permit cependant à ses gouverneurs d'exercer une autorité considérable. Au quatorzième siècle, à l'époque où le sultan de Maroc Abou-Einan envahit le Magreb central à la tête

des troupes mérinides, les Beni-Thabet, ses oualis héréditaires, avaient cessé de payer le tribut, représentant l'impôt, qu'ils devaient annuellement envoyer à Tunis, et bornaient leur déférence à faire prononcer la prière publique au nom des rois hafsides.

Le pays était dans cette situation quand Philippe Doria, amiral génois, battu en Sardaigne par les Aragonais, eut l'idée de se dédommager de son échec sur Tripoli. Aucun prétexte de guerre n'existait entre IbnThabet et la république de Gênes; mais Tripoli était une ville riche, facile à prendre, ne relevant à peu près que d'elle-même. C'en fut assez aux yeux de l'amiral pour justifier son projet. Comme il y avait toujours dans le port de Tripoli, nous dit un auteur arabe de ce temps, << un grand mouvement commercial et beaucoup d'ar<< rivages et de départs », sept galères de Doria purent jeter l'ancre (juin 1355) à côté de deux navires musulmans venant d'Alexandrie avec un chargement d'épiceries, sans éveiller la moindre défiance. A l'entrée de la nuit, l'amiral feignit de s'éloigner; puis, de grand matin, il rentre dans le port, escalade les murs de l'enceinte, massacre ceux qui résistent, et se trouve bientôt maître de la place, surprise et sans défense. Assuré des portes et de la citadelle, il donna avis de son facile triomphe à la république, et fit procéder avec ordre au pillage du palais, des bazars et des plus belles maisons. On dit qu'il rassembla des richesses pour une valeur de plus de dix-huit cent mille florins en marchandises, en bijoux et en numéraire, sans compter sept mille hommes, femmes et enfants, qu'il retint prisonniers.

La crainte qu'un pareil forfait ne provoquât des re

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