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serment de fidélité et de conduire les affaires de l'empire avait été accordé à Said-Ibn-Youçof-Ibn-Abi-Hocein, en considération des fonctions importantes qu'il remplissait déjà et de la haute place qu'il occupait dans l'opinion publique. Nous allons raconter de quelle manière eurent lieu la chute de ce ministre et son remplacement par Ibn-el-Habbeber1.

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Abou-'l-Hacen -Yahya - Ibn-Abd-el - Mélek-el-Ghafeki, surnommé Ibn-el-Habbeber, était natif de la province de Murcie, en Andalousie. Il vint en Afrique avec les émigrés qui abandonnèrent l'Espagne orientale lors de la conquête de cette région par les chrétiens. Bien qu'il ne possédait qu'un seul talent, celui de l'écriture, il se fit donner un emploi dans l'administration des provinces et il monta alors de grade en grade jusqu'à ce qu'il entrât comme secrétaire au service d'Ibn-Abi-'l-Hocein. Porté ensuite par son patron à la présidence du conseil d'état, il parvint à y exercer une influence sans bornes. Dans cette position, il entretint des rapports secrets avec El-Ouathec, fils du sultan, et se ménagea ainsi des titres à la faveur de ce prince. Lors de l'avènement d'El-Ouathec, il en devint le conseiller intime et le secrétaire d'état 3. Contrarié, ensuite, et vexé par l'opposition d'Ibn-Abi-'l-Hocein, qui voyait avec peine ses anciens bienfaits méconnus, il chercha à indisposer le sultan contre lui et tenta la cupidité du monarque par la perspective des richesses amassées par ce ministre. Il y réussit trop bien en l'an 676 (1277-8), dans le sixième mois du règne d'El-Ouathec, Saîd-Ibn

1 Dans le texte arabe, il faut lire oua lam yezel à la place d'oua la yezel.

2 Il ne faut pas confondre ce personnage avec son cousin et homonyme dont notre auteur vient de donner une notice biographique.

3 En arabe écrivain de l'alalama. Voy. p. 336.

Abi-'l-Hocein fut arrêté et conduit à la citadelle, pendant qu'Ibn-Yacîn, Ibn-Seïad-er-Ridjala et d'autres officiers s'emparèrent de son mobilier. L'administration des finances fut confiée à un affranchi d'origine chrétienne nommé Modafê, et Abou-ZeidIbn-Abi-'l-Alam reçut l'ordre d'opérer la confiscation des biens du prisonnier. Par l'emploi de la torture, ce chef almohade arracha de fortes sommes à l'inculpé, et il ne cessa de le mettre à la question jusqu'à ce que ce malheureux eut déclaré n'avoir plus rien. Il lui fit prêter serment à cet effet et, ensuite, par une nouvelle application de la bastonnade, il le contraignit à avouer qu'il avait encore quelques sommes en dépôt chez des individus qu'il nomma. Quand la rentrée de cet argent fut effectuée, un des esclaves d'Ibn-Abi-'l-Hocein déclara que dans la maison de son maître il y avait encore un trésor caché. On alla y faire des fouilles et on découvrit six cent mille pièces d'or. Alors, on n'ajouta plus aucune foi aux paroles du prisonnier et on l'accabla de tourments jusqu'à ce qu'il mourut. Cela eut lieu dans le mois de Dou-'l-Hiddja 676 (avril-mai 4278). On ignore ce que devint le corps du supplicié.

Ibn-el-Habbeber se trouvant ainsi seul directeur du gouvernement et maître de l'esprit du sultan, nomma son propre frère, Abou-'l-Ola [-Idris], administrateur des impôts de la province de Bougie', et encourut la haine des cheikhs almohades et des courtisans par son orgueil, son esprit despotique et la hauteur avec laquelle il accueillit leurs hommages. Par sa persévérance à suivre cette voie dangereuse, il s'attira des malheurs qui retombèrent sur l'empire.

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ISHAC ARRIVE D'ESPAGNE ET SE FAIT PROCLAMER SULTAN PAR
LES HABITANTS DE BOUGIE.

En l'an 660 (1261-2), le sultan El-Mostancer ôta le gouvernement de Bougie à son frère, l'émir Abou-Hafs, et confia cette

'Malgré l'autorité des manuscrits et du texte imprimé, il faut lire : oualian ala achyhal Bedjaïa. Voy. le chapitre suivant.

charge importante à Abou-Hilal-Eïad-Ibn-Saîd-el-Hintati. Cet officier resta en fonctions jusqu'à sa mort, évènement qui eut lieu à Beni-Oura, en l'an 673. Son fils Mohammed-Ibn-AbiHilal lui succéda dans ce commandement et y fit preuve d'une haute capacité. Lors de la mort d'El-Mostancer et l'avènement d'El-Ouathec, Mohammed envoya au nouveau sultan l'assurance de son dévouement et lui fit porter, par une députation, les hommages du peuple de Bougie. Quelque temps après, l'administration des revenus fournis par cette province fut confiée à [Abou-'l-Ola] Idris par son frère, Ibn-el-Habbeber. Ce fonctionnaire ramassa beaucoup d'argent dans cet emploi et imposa ses volontés au conseil municipal de la ville. Le gouverneur luimême fut indigné de la conduite despotique d'Abou-'l-Ola et, sachant que ce même individu travaillait à le perdre, il tint conseil avec ses officiers et suborna3 quelques-uns de ses affidés afin de prévenir le danger. Le premier jour du mois de Dou-'lCâda 667, Abou-'l-Ola alla, comme d'ordinaire, tenir une séance à la porte du palais quand il fut tué par les conjurés. Sa tête fut séparée du corps et livrée aux insultes de la populace.

Au moment où cet événement se passa, l'émir Abou-Ishac venait d'arriver à Tlemcen. Ayant appris la mort de son frère El-Mostancer, il s'était décidé à passer en Afrique afin de faire valoir ses droits au trône. Il hésita d'abord quelque temps [avant de quitter l'Espagne], mais, ayant enfin traversé la mer, il prit la route de Tlemcen et trouva auprès de Yaghmoracen-IbnZian l'accueil le plus distingué.

Après l'assassinat d'Abou-'l-Ola, les habitants de Bougie et leur gouverneur virent que le seul moyen d'échapper à la vengeance du sultan était de reconnaître la souveraineté d'Abou-Ishac et de le faire prier, par une députation, de venir prendre possessession de la ville. Le prince répondit à leurs vœux et fit son

1 Dans le texte arabe, il faut lire di-bialihim.

Lisez: el-mela à la place d'el-melek, dans le texte arabe.

3 Le mot dakhel se trouve dans les manuscrits, mais il faut lire dákhel, à la troisième forme.

entrée à Bougie vers la fin de Dou-'l-Cada de la même année. Les Almohades et les notables de Bougie lui prêtèrent aussitôt le serment de fidélité. Le nouveau sultan choisit pour ministre Mohammed-Ibn-Abi-Hilal et marcha sur Constantine, ville où se trouvait Abd-el-Azîz, fils d'Eïça-Ibn-Dawoud; mais la résistance qu'il y rencontra fut si vigoureuse qu'il prit le parti de s'en éloigner.

L'EMIR ABOU-HAFS EMBRASSE LE PARTI DU SULTAN ABOU
ABDICATION D'EL-OUATHEC.

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Quand El-Ouathec et son vizir ba-el-Habbeber apprirent l'entrée du sultan Abou-Ishac à Bougie, ils envoyèrent contre lui un corps de troupes commandé par Abou-Hafs, oncle d'ElOuathec, auquel on avait adjoint Abou-Zeid - Ibn-Djamê en qualité de lieutenant. Pendant que cette armée se rendait de Tunis à Bédja, où elle dressa son camp, El-Ouathec donna le gouvernement de Constantine à Abd-el - Azîz-Ibn-Eïça-IbnDawoud parce qu'il était gendre d'Ibn-el-Habbeber. Cet officier étant parvenu à sa destination, défendit la ville contre AbouIshac, ainsi que nous venons de le dire. Ibn-el-Habbeber s'étant alors imaginé qu'Abou-Hafs avait l'intention de se révolter, chercha à semer la division dans l'armée aux ordres de cet émir, et, d'après ses conseils, El-Ouathec écrivit à Abou-Hafs et à Ibn-Djamê, recommandant à chacun d'eux de se défaire de l'autre. Les deux officiers se firent mutuellement part de l'ordre qu'ils venaient de recevoir, et, s'étant aussitôt accordés sur la nécessité de reconnaître la souveraineté de l'émir Abou-Yahya, ils envoyèrent leur adhésion à ce prince. El-Ouathec apprit cette nouvelle à Tunis et, voyant que la ville était restée sans garnison et lui-même sans amis, il sentit l'impossibilité de garder le

1 Dans le texte arabe, on a imprimé, par mégarde, Bedjaïa, au lieu de Badja.

Ou beau-père; le mot arabe porte les deux significations.

pouvoir et convoqua les grands dignitaires de l'empire, afin d'abdiquer en faveur de son cousin, le sultan Abou-Ishac. Ceci se passa le 1er du mois de Rebià premier de l'an 678 (13 juillet 1 279). Quittant alors le palais impérial, qui était situé dans la citadelle, il alla se loger dans la maison nommée Dar-el-Acouri. En perdant ainsi le trône, il perdit toute sa considération.

LE SULTAN ABOU-ISHAC OCCUPE LA CAPITALE.

Quand le sultan Abou-Ishac reçut la dépêche que son frère l'émir Abou-Hafs et Ibn-Djamê lui avaient expédiée de Bédja, il se hâta d'aller les joindre, et ayant ensuite appris l'abdication de son neveu El-Ouathec, il se porta en avant, accompagné de tout son monde. Les habitants de Tunis, classés par corps et métiers, s'empressèrent d'aller au-devant de lui pour témoigner leur obéissance, et, vers le milieu du mois de Rebiâ second, il fit son entrée dans la capitale de l'empire. Mohammed-Ibn-AbiHilal remplit auprès de lui les fonctions de premier ministre ; celles de grand chambellan furent confiées à Abou-'l-CacemIbn-es-Cheikh, ancien secrétaire d'Ibn- Abi-'l-Hocein, et celles de ministre des finances à Abou-Bekr[-Mohammed], fils d'ElHacen-Ibn-Khaldoun. Ce personnage était venu de Séville avec son père, El-Hacen, pour faire valoir leurs droits à la bienveillance de l'émir Abou-Zékérïa. En effet, ce fut de [leur proche parent] Ibn-el-Mohteceb que ce prince reçut en cadeau la belle esclave qui donna le jour à ses fils et que l'on nommait [pour cette raison] Omm-el-Khalaïf (la mère des khalifes). AbouZékérïa leur fit une très-honorable position. Plus tard, El

Dans l'errata de l'édition arabe, nous avons proposé une correction et nous l'avons adoptée dans la traduction. Même avec ce changement, le passage ne serait guères intelligible sans le secours de deux citations de l'Autobiographie que nous reproduisons ici : « Nos ancêtres de » Séville s'étaient attachés à la cause des Almohades, et, quand l'émir » Abou-Zékérïa, fils d'Abd-el-Oua bed le hafside, gouverna l'Ifrikïa, un » de nos aïeux maternels, nommé Ibn el-Mohteceb, lui fit cadeau

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