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partie l'ouvrage de Hadjoun-er-Rendahi lequel avait agi d'après les inspirations d'Abou-'l-Cacem-el-Azéfi et d'autres notables de la ville, qui voulaient tous avoir Abou-l'-Cacem pour gouverneur. Cette révolution eut lieu en l'an 647 (1249-50), et on célébra aussitôt la prière publique à Ceuta au nom d'El-Morteda [le khalife almohade].

Tanger suivit l'exemple de Ceuta et reconnut pour chef un officier surnommé Ibn-el-Amîr, auquel Abou-Ali-Ibn-Khalas avait délégué le commandement. Cet Ibn-el-Amîr s'appelait Youçof; son père Mohammed, était fils d'Abd-Abd-Allah-IbnAhmed-el-Hemdani 3.

Quand le caïd Rendahi et Abou-'I-Cacem-el-Azéfi se furent emparés du pouvoir à Ceuta, Ibn-el-Air en fit de même à Tanger; mais, au lieu de reconnaître comme eux la souveraineté des Almohades, il y fit prononcer la prière publique au nom du sultan hafside. Bientôt après, il remplaça ce nom par celui du khalife abbacide [de Baghdad], en y ajoutant le sien. Cet état de choses dura jusqu'à ce qu'il mourut assassiné par les Mérinides. Dans l'histoire de ce peuple nous donnerons les détails de cette affaire. Les fils d'Ibn-el- Amir se rendirent à Tunis avec leur beau-père, le cadi Abou-'l-Ghanem-Abd-erRahman-Ibn-Youçof, un des émigrés musulmans qui avaient quitté Xativa [lors de la prise de cette ville par les Chrétiens, en 1244 de J.-C.]. Abou-l-Ghanem s'était alors fixé à Tanger et avait contracté une alliance matrimoniale avec la famille d'Ibn-el-Amîr.

Quant au cadi Abou-'l-Cacem-el-Azéfi, il s'était fait remarquer par sa piété, ses talents, ses connaissances comme légiste et son habileté comme rédacteur d'actes et d'obligations. Aussi, sous le règne du [dernier] sultan, il avait rempli, avec éclat, fonctions de cadi dans la métropole de l'empire.

1 Variantes: Rendadji. Zendahi, etc.

2 Voy., ci-devant, p. 323, note.

les

• Ahmed-el-Hemdani descendait, peut-être, de Hamed-Ibn-Hemdan, le chef aurébien qui trahit le prince idricide El-Haddjam.

En Sicile, les musulmans de Palerme jouissaient des mêmes droits que les chrétiens, tant dans la ville que dans les campagnes; avantage qu'ils devaient à un traité que le sultan [bafside] avait négocié en leur faveur avec le seigneur de cette île. Depuis lors, la bonne harmonie s'était maintenue entre les deux peuples, mais la mort d'Abou-Zékérïa vint tout déranger. Les chrétiens se portèrent à de graves excès contre les vrais croyans et les forcèrent à se réfugier dans les châteaux et lieux escarpés de l'île. Les fuyards prirent pour chef un aventurier appartenant à la tribu [arabe] d'Abs; mais ayant été cernés et bloqués dans leur montagne, ils firent leur soumission. Le vainqueur les déporta dans le pays situé à l'autre côté du détroit [de Messine] et les établit auprès de [Melfi,] berceau de sa puissance, au milieu d'une contrée riche et populeuse. Il passa ensuite dans l'île de Malte, et, après avoir rassemblé tous les Musulmans qui s'y trouvaient encore, il les envoya joindre leurs coreligionnaires [dans la Pouille]. Devenu ainsi maître de la Sicile et des fles voisines, le tyran en fit disparaître l'islamisme et le remplaça par les doctrines de l'infidélité.

INAUGURATION DU SULTAN ABOU¬ABD-ALLAH-EL-MOSTANCER.

En l'an 647 (1249), quand l'émir Abou-Zékérïa mourut sous les murs de Bône, ainsi que nous venons de le dire, les grands officiers de l'empire et les troupes du camp s'accordèrent pour reconnaître pour chef l'émir Abou-Abd-Allah, fils du monarque défunt. Mohammed-el-Libyani, oncle d'Abou-Abd-Allah, leur administra le serment de fidélité. Le nouveau souverain partit sur le champ pour Tunis, où il fit son entrée le 3 Redjeb de la même année (octobre 1249).

Le jour de son arrivée dans la capitale de l'empire, on lui renouvella le serment qu'il avait déjà reçu et on lui donna le titre d'El-Mostancer-Billah (qui cherche la victoire avec l'aide de de Dieu). Quelque temps après, il se fit prêter le même serment pour la troisième fois, et choisit les mots suivants pour en

composer son paraphe: El-hamdo lillahi oues-chekro lillah (louange à Dieu et reconnaissance à Dieu).

S'étant chargé du poids de l'empire, il fit arrêter et conduire à El-Mehdia l'eunuque Kafour, serviteur intime de son père et intendant du palais. D'après les ordres qu'il expédia dans toutes les provinces, les habitants s'empressèrent de lui envoyer leur déclaration de fidélité. Il prit pour vizir Abou2- AbdAllah-Ibn-Abi-Mehdi, et pour cadi Abou - Zeid-et - Touzeri, précepteur de son cousin, le fils de Mohammed-et-Lihyani.

LE FILS DE

MOHAMMED-EL-LIHYANI

SE MET EN RÉVOLTE ET MEURT

1 AINSI QUE SON PÈRE.

L'émir Abou-Zékérïa avait deux frères : Abou-Ibrahîm et Mohammed, surnommé El-Lihyani, à cause de la longueur de sa barbe (lihya). Bien que ce dernier jouissait de l'amitié toute particulière du sultan, la meilleure intelligence n'en régna pas moins entre les trois frères.

Abou-Abd-Allah-el-Mostancer ayant succédé à son père, AbouZékérïa, confia le vizirat à Mohammed-Ibn-Abi-Mehdi, personnage marquant de la tribu des Hintata. La jeuneusse du nouveau souverain, qui n'avait alors qu'environ vingt ans, inspira à ce ministre l'espoir de pouvoir le diriger à son gré. Mais, pour atteindre ce but, il fallait vaincre la résistance que devait lui opposer l'entourage du sultan, troupe régulièrement organisée dans laquelle il n'y avait que des esclaves chrétiens et des musulmans espagnols appartenant à de bonnes familles. Ces serviteurs fidèles devaient leur fortune et leur position au dernier sultan et formaient un corps de milice dont le nombre en imposa

'Eo arabe: alama. Tous les écrits émanés du sultan devaient porter son paraphe.

2 Dans le texte arabe, il faut lire Aba-Abd-Allah à la place d'AbouAbd-Allah.

aux Almohades et dont les membres leur enlevaient les meilleurs

emplois de l'empire.

d'abord

Pour parvenir à ses fins, Ibn-Abi-Mehdi s'adressa aux frères du feu sultan, et chercha à leur inspirer le regret d'avoir laissé échapper le pouvoir. N'ayant obtenu aucun encouragement de leur part, il se retourna vers le fils de Mohammed-el-Lihyani, et l'ayant décidé à le seconder, il le reconnut pour souverain et lui prêta secrètement le serment de fidélité en l'assurant que les moyens d'exécuter leur projet ne manqueraient pas. Mohammed-el-Lihyani découvrit la trahison de son fils et en informa le sultan, pendant que le cadi Abou-Zeid-et-Touzeri, fidèle aussi à son devoir, lui fit parvenir la même nouvelle.

Le vingtième jour du mois de Djomada [premier] de l'an 648 (août 1250), Ibn-Abi-Mehdi se rendit de bon matin à la porte du palais, où il devait donner audience au public en sa qualité de vizir. Ayant alors fait arrêter son collègue Abou-Zeid-IbnDjamé, il se rendit avec les chefs almohades à la maison où demeurait le fils d'El-Lihyani, et lui prêta le serment de fidélité. Le sultan fit aussitôt monter ses partisans à cheval et donna au caïd Dafer, son affranchi, l'ordre d'attaquer les rebelles. Ces troupes en vinrent aux mains avec les Almohades dans le Mosalla, en dehors de la ville, et les mirent en pleine déroute. Cette rencontre coûta la vie à Ibn-Abi-Mehdi et à Ibn-Ouazguelden. Dafer se dirigea ensuite vers la maison d'El-Lihyani, oncle du sultan, et le fit mourir ainsi que son fils, le même auquel les conjurés avaient engagé leur foi. Il prit alors leurs têtes pour les porter au sultan, et ayant rencontré en chemin Ibrahim, l'autre oncle, accompagné de son fils, il leur ôta également la vie. Les maisons des Almohades furent livrées au pillageet détruites de fond en comble.

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Quand la sédition fut étouffée et l'agitation apaisé, le sultan prodigua des récompenses à ses amis et partisans. Il rétablit aussi dans le vizirat Abd-Allah-Ibn-Abi-'l-Hocein, le même qui,

1 Je lis fedakhel, à la troisième forme.

2 Voy. tome 1, p. 372.

T. 11.

22

à l'avènement du prince, avait dû céder devant l'ambition d'IbnAbi-Mehdi et quitter non-seulement sa place mais la ville. Tout rentra alors dans l'ordre.

Quelque temps après, les ennemis de Dafer complotèrent sa perte et représentèrent au sultan l'extrême illégalité de la conduite tenue par cet affranchi, qui avait ordonné la mort des oncles du souverain, bien que leur innocence fût parfaitement reconnue. Prévenu de ces intrigues, et craignant la colère de son maître, Dafer prit la fuite et chercha un refuge chez les Douaouida. Hilal, client de Dafer, qui avait le plus contribué à le desservir, obtint alors du sultan la place de caïd (général en chef). Dafer continua pendant quelque temps à vivre en proscrit sous la protection des Arabes.

MONUMENTS DU RÈGNE DE CE SULTAN.

Parmi les constructions vraiment royales qui s'élevèrent sous les auspices d'El-Mostancer, nous devons signaler d'abord le parc de chasse qu'il forma auprès de Benzert, en l'an 650 (1252-3). Une vaste étendue de terrain, située dans la plaine, fut entourée d'une clôture afin de procurer un séjour tranquille à de nombreux troupeaux de bêtes fauves. Quand le monarque voulait se donner le plaisir de la chasse, il entrait à cheval dans ce parc, accompagné de quelques-uns des affranchis attachés à sa personne et de plusieurs fauconniers ayant avec eux des faucons, des sacres, des chiens slougui et des léopards. Comme la clôture empêchait le gibier de s'échapper, le sultan pouvait s'amuser toute la journée au gré de ses désirs et courir dans un parc magnifique dont le pareil n'existait pas au monde.

Voulant procurer aux dames de son harem la facilité de se

'C'est-à-dire : des levriers. En Ecosse, le même mot est employé pour désigner le limier de la grosse espèce.

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