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>> l'abnégation de soi est un trésor inépuisable. Au sujet de ces paroles du Coran : Et nous avons laissé sur lui [cette béné» diction] pendant les générations suivantes : Que la paix soit » sur Noé dans l'univers entier un commentateur a dit: « Cela signifie une bonne renommée dans le monde, parce qu'il » y laissa l'éternel souvenir de sa conduite méritoire et de ses >> actions saintes et célèbres. » Qu'il te suffise donc, en fait des » biens mondains, de posséder un habit pour te couvrir et un >> cheval pour te porter au secours des serviteurs de Dieu.

>> Si tu gardes ces conseils sans cesse devant les yeux, j'ai >> tout espoir que Dieu laissera remporter par ta main des vic>> toires qu'il aura rendu faciles, qu'il te soutiendra sans cesse >> et qu'il ne t'affligera que pour ton avantage. [Ainsi soit-il] >> par la bonté de Dieu, par sa puissance et par sa majesté ! » Dieu veuille que tu sois de ceux qui écoutent pour retenir et >> qui répondent à l'appel quand on les invite à suivre la bonne >> voie. Dieu est tout-puissant et digne d'être obéi. Il n'y a de » force, ni de puissance que par le moyen de Dieu très-haut! » Dieu nous suffit, et il est le meilleur des gardiens. »

Ce fut en suivant les conseils renfermés dans cet excellent écrit que l'émir Abou-Yahya se forma au trône et qu'il s'acquit une haute position dans l'empire; mais, en l'an 646 (1248-9), pendant qu'il se livrait à l'étude et à la dévotion, la mort vint l'enlever aux espérances qu'il avait éveillées dans tous les cœurs. Cet événement plongea le sultan dans un chagrin profond et fournit aux poètes le sujet de plusieurs élégies qui servirent à augmenter la douleur et à entretenir la tristesse du malheureux père.

Dans une assemblée des grands officiers de l'empire, le sultan désigna comme son successeur l'émir Abou-Abd-Allah-Mohammed, frère du prince décédé, et il leur ordonna à tous d'apposer leurs signatures à l'acte de cette nomination.

Coran, sourate 37, versets 76, 77. L'auteur de cette lettre n'en cite que le premier verset.

MORT DU SULTAN ABOU – ZÉKÉRÏA.

SUITES DE CET

ÉVÉNEMENT.

Le sultan Abou-Zékérïa venait de quitter Tunis et s'était dirigé vers Constantine dans l'intention d'examiner l'état de cette province. Arrivé à Baghaïa, il passa ses troupes en revue et reçut une députation des Douaouida que lui amena Mouça-IbnMohammed. Ce cheikh, après s'être montré peu dispos à l'obéissance, fit maintenant sa soumission. Le sultan était encore à Baghaïa quand il tomba malade; mais, après son retour à Constantine, il recouvra la santé et se transporta à Bône. Attaqué de nouveau par la même indisposition, qui se déclara, cette fois-ci, avec une grande intensité, il mourut en arrivant sous les murs de Bône, le 22 du mois de Djomada second 647 (2 octobre 1249) et dans la vingt-deuxième année de son règne. Il fut enterré dans la grande mosquée de Bône; mais, en l'an 666 (1267-8), quelque temps avant le siége de Tunis par les chrétiens, on transporta son corps à Constantine. AbouAbd-Allah-Mohammed, son fils et successeur désigné, fut aussitôt proclamé sultan.

A peine la nouvelle de cette mort se fut-elle répandue que plusieurs états, situés dans les pays lointains, cessèrent de reconnaître la souveraineté de l'empire hafside. Partout où l'autorité d'Ibn-el-Ahmer se faisait sentir, on supprima le nom de cette dynastie dans la prière publique; mais Yaghmoracen-Ibn-Zian, seigneur du Maghreb central, lui resta fidèle et, jusqu'au siége de Tlemcen [par les Mérinides], [son fils Othman] suivit l'exemple qu'il avait donné. [Dans l'histoire des Beni-Abd-Ouad] nous expliquerons le motif de leur défection.

Ceuta était alors gouverné au nom l'émir Abou-Zékérïa par Abou-Yahya-Ibn-es-Chehîd, prince qui avait sous ses ordres Abou-Amr-Ibn-Abi-Khaled et le caïd Chefaf. Quand on apprit dans cette ville qu'Abou-Zékérïa avait cessé de vivre, une populace émeutée tua ces deux officiers et mit Ibn-es-Chehîd dans la nécessité de de s'enfuir fà Tunis. Cette révolte fut en grande

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partie l'ouvrage de Hadjoun-er-Rendahi1 lequel avait agi d'après les inspirations d'Abou-l-Cacem-el-Azéfi et d'autres notables de la ville, qui voulaient tous avoir Abou-l'-Cacem pour gouverneur. Cette révolution eut lieu en l'an 647 (1249-50), et on célébra aussitôt la prière publique à Ceuta au nom d'El-Morteda [le khalife almohade].

Tanger suivit l'exemple de Ceuta et reconnut pour chef un officier surnommé Ibn-el-Amir 2, auquel Abou-Ali-Ibn-Khalas avait délégué le commandement. Cet Ibn-el-Amir s'appelait Youçof; son père Mohammed, était fils d'b-Abd-Allah-IbnAhmed-el-Hemdani 3.

Quand le caïd Rendahi et Abou-'l-Cacem-el-Azéfi se furent emparés du pouvoir à Ceuta, Ibn-el-Air en fit de même à Tanger; mais, au lieu de reconnaître comme eux la souveraineté des Almohades, il y fit prononcer la prière publique au nom du sultan hafside. Bientôt après, il remplaça ce nom par celui du khalife abbacide [de Baghdad], en y ajoutant le sien. Cet état de choses dura jusqu'à ce qu'il mourut assassiné par les Mérinides. Dans l'histoire de ce peuple nous donnerons les détails de cette affaire. Les fils d'lbn-el- Amir se rendirent à Tunis avec leur beau-père, le cadi Abou-'l-Ghanem-Abd-erRahman-Ibn-Youçof, un des émigrés musulmans qui avaient quitté Xativa [lors de la prise de cette ville par les Chrétiens, en 1244 de J.-C.]. Abou-'l-Ghanem s'était alors fixé à Tanger et avait contracté une alliance matrimoniale avec la famille d'Ibn-el-Amîr.

Quant au cadi Abou-'l-Cacem-el-Azéfi, il s'était fait remarquer par sa piété, ses talents, ses connaissances comme légiste et son habileté comme rédacteur d'actes et d'obligations. Aussi, sous le règne du [dernier] sultan, il avait rempli, avec éclat, les fonctions de cadi dans la métropole de l'empire.

1 Variantes Rendadji. Zendahi, etc.

2 Voy., ci-devant, p. 323, note.

Ahmed-el-Hemdani descendait, peut-être, de Hamed-Ibn-Hemdan, le chef aurébien qui trahit le prince idrîcide El-Haddjam.

En Sicile, les musulmans de Palerme jouissaient des niêmes droits que les chrétiens,. tant dans la ville que dans les campagnes; avantage qu'ils devaient à un traité que le sultan [bafside] avait négocié en leur faveur avec le seigneur de cette île. Depuis lors, la bonne harmonie 's'était maintenue entre les deux peuples, mais la mort d'Abou-Zékérïa vint tout déranger. Les chrétiens se portèrent à de graves excès contre les vrais croyans et les forcèrent à se réfugier dans les châteaux et lieux escarpés de l'île. Les fuyards prirent pour chef un aventurier appartenant à la tribu [arabe] d'Abs; mais ayant été cernés et bloqués dans leur montagne, ils firent leur soumission. Le vainqueur les déporta dans le pays situé à l'autre côté du détroit [de Messine] et les établit auprès de [Melfi,] berceau de sa puissance, au milieu d'une contrée riche et populeuse. Il passa ensuite dans l'île de Malte, et, après avoir rassemblé tous les Musulmans qui s'y trouvaient encore, il les envoya joindre leurs coreligionnaires [dans la Pouille]. Devenu ainsi maître de la Sicile et des îles voisines, le tyran en fit disparaître l'islamisme et le remplaça par les doctrines de l'infidélité. .

INAUGURATION DU SULTAN ABOU-ABD-ALLAH-el-mostancer.

En l'an 647 (1249), quand l'émir Abou-Zékérïa mourut sous les murs de Bône, ainsi que nous venons de le dire, les grands officiers de l'empire et les troupes du camp s'accordèrent pour reconnaître pour chef l'émir Abou-Abd-Allah, fils du monarque défunt. Mohammed-el-Libyani, oncle d'Abou-Abd-Allah, leur administra le serment de fidélité. Le nouveau souverain partit sur le champ pour Tunis, où il fit son entrée le 3 Redjeb de la même année (octobre 1249).

Le jour de son arrivée dans la capitale de l'empire, on lui renouvella le serment qu'il avait déjà reçu et on lui donna le titre d'El-Mostancer-Billah (qui cherche la victoire avec l'aide de de Dieu). Quelque temps après, il se fit prêter le même serment pour la troisième fois, et choisit les mots suivants pour en

composer son paraphe: El-hamdo lillahi oues-chekro lillah (louange à Dieu et reconnaissance à Dieu).

S'étant chargé du poids, de l'empire, il fit arrêter et conduire à El-Mehdia l'eunuque Kafour, serviteur intime de son père et intendant du palais. D'après les ordres qu'il expédia dans toutes les provinces, les habitants s'empressèrent de lui envoyer leur déclaration de fidélité. 1 prit pour vizir Abou-AbdAllah-Ibn-Abi-Mehdi, et pour cadi Abou-Zeid-et - Touzeri, précepteur de son cousin, le fils de Mohammed-et-Lihyani.

LE FILS DE MOHAMMED-EL-LIHYANI SE MET EN REVOLTE ET MEURT AINSI QUE SON PÈRE.

L'émir Abou-Zékérïa avait deux frères: Abou-Ibrahim et Mohammed, surnommé El-Lihyani, à cause de la longueur de sa barbe (lihya). Bien que ce dernier jouissait de l'amitié toute particulière du sultan, la meilleure intelligence n'en régna pas moins entre les trois frères.

Abou-Abd-Allah-el-Mostancer ayant succédé à son père, AbouZékérïa, confia le vizirat à Mohammed-Ibn-Abi-Mehdi, personnage marquant de la tribu des Hintata. La jeuneusse du nouveau souverain, qui n'avait alors qu'environ vingt ans, inspira à ce ministre l'espoir de pouvoir le diriger à son gré. Mais, pour atteindre ce but, il fallait vaincre la résistance que devait lui opposer l'entourage du sultan, troupe régulièrement organisée dans laquelle il n'y avait que des esclaves chrétiens et des musulmans espagnols appartenant à de bonnes familles. Ces serviteurs fidèles devaient leur fortune et leur position au dernier sultan et formaient un corps de milice dont le nombre en imposa

Ea arabe: alama. Tous les écrits émanés du sultan devaient porter son paraphe.

Dans le texte arabe, il faut lire Aba-Abd-Allah à la place d'AbouAbd-Allah.

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