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troisième fois, et envoya des troupes à la poursuite d'AbouHammou, qui s'était enfui avec les gens de sa maison et ses partisans arabes. Les Mérinides poussèrent jusqu'à El-Bat’ha, où ils prirent quelques jours de repos.

Il se trouvait dans cette armée un jeune homme nommé Hamza, fils du même Ali-Ibn-Rached qui périt de sa propre main. Comme la famille royale s'était alliée à la sienne par un mariage, Hamza, demeuré orphelin, fut élevé dans le palais avec tous les soins, toute la tendresse que l'on pouvait montrer à un parent. Sorti de l'adolescence et devenu homme, il ne voulut plus être à la charge de l'empire et rester confondu avec les autres jeunes gens de la cour. Le vizir et général en chef, Abou - Bekr - Ibn - Ghazi, auquel il alla se plaindre de sa position, le reçut très-mal et le renvoya avec beaucoup de dureté. Hamza en fut tellement offensé qu'il s'enfuit à l'ombre de la nuit et courut à la montagne des Beni-Bou-Saîd, dans le pays de Chelif. Cette tribu le prit sous sa protection, et les Maghraoua, invités à le soutenir, y répondirent avec empressement. Une armée, composée de Mérinides et de troupes de la milice, et commandée par le vizir, Omar-Ibn-Masoud - Ibn-Mendil - IbnHammama, chef des Tîrbîghîn, marcha contre lui par l'ordre du sultan Abd-el-Azîz et, pendant l'année entière qu'elle tint cette montagne bloquée, elle eut à subir autant de pertes qu'elle en fit éprouver aux insurgés. Le sultan commença enfin à soupçonner son vizir d'être d'intelligence avec eux, et, sur les représentations que lui adressèrent les ennemis de cet officier, il ordonna son arrestation et le remplaça par Abou-Bekr-Ibn-Ghazi-Ibn-elKas. L'armée nombreuse que ce ministre emmena avec lui attaqua les Maghraoua dans leur montagne et profita de leur effroi pour les chasser de la forte position où ils s'étaient retranchés. Hamza prit la fuite avec un petit nombre de partisans fidèles et courut se réfugier dans le pays des Hosein, tribu qui, peu de temps auparavant, s'était mise en révolte contre les Mérinides pour soutenir le prince abd-el-ouadite Abou-Zian-IbnAbi-Saîd. Après le départ des fugitifs, les Beni-Bou-Saîd firent leur soumission d'une manière franche et sincère, ce qui ne

manqua pas de laisser une bonne impression sur l'esprit du sultan; et, plus tard, quand Hamza accourut chez eux avec une petite troupe d'amis, ils le repoussèrent en déclarant qu'ils tenaient au gouvernement mérinide par les liens de l'obéissance. Frustré dans son espoir, Hamza redescendit dans la plaine avec l'intention de surprendre Tîmzought, mais la garnison de cette ville sortit à sa rencontre, le força à tourner le dos et le poursuivit si vigoureusement qu'elle le fit prisonnier. Le vizir IbnGhazi, auquel on conduisit Hamza et ses camarades, reçut du sultan, quelque temps après, l'ordre de les décapiter tous. Leurs têtes furent envoyées à la cour, et leurs cadavres furent empalés sous les murs de Miliana.

Avec Hamza, les Maghraoua perdirent toute leur puissance et, se voyant réduits à subir, en esclaves, la domination d'émirs étrangers, ils partirent, les uns pour servir dans les armées des états voisins, et les autres pour vivre dispersés dans des régions éloignées; ainsi que cela leur était déjà arrivé avant qu'ils eussent fondé leur dernier empire, celui dont nous venons de retracer l'histoire.

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HISTOIRE DE L'EMPIRE FONDÉ A TLEMCEN PAR LES BENI ABD-ELQUAD ET DE LA DOMINATION EXERCÉE PAR CETTE TRIBU DANS LE MAGHREB.

Au commencement des chapitres consacrés à l'histoire des Zenata de la seconde race, nous avons dit1 que les Beni-Abd-elOuad descendaient de Badîn-Ibn-Mohammed et que leur tribu

Page 302 de ce volume.

2 Abd-el-Ouad est, sans doute, une altération berbère du nom Abdel-Ouahed (serviteur du Dieu unique), bien qu'un historien maghrebin prétende qu'Abd-el-Ouad soit une altération des mots dabed-el- ouadi (l'adorateur de la vallée). L'aïeul de cette tribu, dit-il, était un dévot qui vivait dans la solitude.

était sœur de celles de Toudjin, des Mozab, des Zerdal et des Beni-Rached. Après avoir fait observer que leur généalogie remontait à Zahhîk - Ibn - Ouacîn - Ibu - Ourchîk - Ibn-Djana, nous avons indiqué leur état d'existence à l'époque où ils habitaient les régions du Désert, avant d'avoir fondé un empire, et nous avons mentionné que plusieurs peuples sortis de la même souche qu'eux occupaient le Mozab, le mont Rached, Figuig et les bords du Molouïa. Nous y avons ajouté quelques mots au sujet de leurs démêlés avec les Beni-Merîn, tribu qui tire aussi son origine de Zahhîk-Ibn-Ouacîn.

Tant que les Abd-el-Ouad séjournaient dans leurs anciens territoires, ils restaient attachés aux Beni-Rached, aux BeniZerdal et aux Mozab par les liens de famille et par des traités; mais, à presque toutes les époques, ils étaient en guerre avec les Toudjîn. Pendant très - longtemps, ils dominaient [eux et les Toudjin] sur les campagnes du Maghreb central, tout en reconnaissant l'autorité des Beni-Ouémannou et des Beni-Iloumi, quand ces deux dernières tribus y étaient les plus fortes.

D'après certains renseignements qui nous sont parvenus, ils auraient eu pour chef, à cette époque, un nommé Youçof-IbnTekfa. Abd-el-Moumen ayant alors envahi le territoire de Tlemcen, envoya dans le pays des Zenata une armée almohade commandée par le cheikh Abou-Hafs. La rude leçon que ce général donna aux Beni-Abd-el-Ouad les rendit parfaitement soumis pour l'avenir et assura leur dévouement à la dynastie des Almohades.

La tribu des Abd-el-Ouad formait plusieurs branches dont les plus distingués, dit-on, étaient six; savoir les Beni-Yatkîn, les Beni-Quellou, les Beni-Ourstef, les Masouha, les BeniToumert et les Beni-'l-Cacem. Cette dernière famille se nommait dans leur langue, Aith-Cacem, le mot aïth étant employé chez eux comme particule servant à former des adjectifs patro

Toumert, uom propre assez connu, paraît être le nom Omar ber-bérisé.

nymiques et ethniques. Les Beni-'l-Cacem eux-mêmes se disent descendants d'El-Cacem l'idricide, fils, selon les uns, de Mohammed-Ibn-Idris, et, selon les autres, de Mohammed-IbnAbd-Allah-Ibn-Idris, ou bien de Mohammed-Ibn-el-Cacem-IbnIdris. Ce n'est là cependant qu'une assertion sans preuve, bien. que les Beni-'l-Cacem s'accordent à la soutenir; mais l'on sait combien les peuples nomades sont peu au courant de généalogies telles que celle-ci. Ce qu'il peut y avoir de vrai n'est connu que de Dieu seul. L'on raconte même que Yaghmoracen-Ibn-Zian, fondateur de leur dynastie, ayant entendu des personnes faire remonter sa famille à Idris, s'écria, dans le dialecte barbare de sa nation : « Si c'est vrai, cela nous profitera auprès de Dieu; >> mais, dans ce monde, nous ne devrons notre succès qu'à nos » épées. »

La famille des Beni-'l-Cacem conserva toujours le privilége de commander aux Beni-Abd-el-Ouad, avantage qu'elle devait à sa puissance et à son esprit de corps. Elle se partagea en plusieurs branches dont l'ane, appelée les Beni-Ignimen 3-Ibn-elCacem, donna naissance à Ouîghern, fils de Masoud, fils d'Ignîmen, et à Omar et Ignîmen, frères de Ouîghern. Du premier des deux Ignîmen, ou du dernier, selon quelques récits, naquit Adouï-Ibn-Ignîmen.

La famille de Ouighern produisit Abd-el-Hack-Ibn-Menaghfad. Du temps d'Abd-el- Moumen, ce fut celui-ci et Adour qui commandaient aux Beni-Abd-el-Ouad. Abd-el-Hack-IbnMenaghfad est le même chef qui, ayant reçu d'Abd-el-Moumen la conduite d'une troupe d'Almohades, reprit un grand butin que les Beni-Merîn étaient en train d'enlever, et tua El-Mokhaddeb à Messoun. Les historiens le nomment Abd-el-Hack-Ibn-Mådd, ce

Aith signifie gens, peuple, tribu.

2 L'auteur aurait pu ajouter et combien ils sont portés à se raltacher, par des fausses généalogies, à la famille de Mahomet.

3 Variante: Ikrimen.

Voy. t. I, p. 180.

qui n'est pas exact; car le nom Mâdd n'appartient pas au dialecte zenatien il faut écrire et prononcer Menaghfad.

:

Une autre ramification de la famille El-Cacem eut pour aïeul Motahher, fils de Yemel, fils d'Izguen', fils de Cacem. Sous le règne d'Abd-el-Moumen, Hammama, fils de Motahher, était un de leurs cheikhs. Il se distingua par sa bravoure dans la guerre des Zenata contre les Almohades; mais, ayant ensuite fait sa soumission, il se dévoua au service de cette dynastie.

Les Beni-Ali autre branche de la famille Cacem, parvinrent au commandement de toute la tribu par suite de la puissance qu'ils tiraient de leur nombre et de leur esprit de corps. Ils se composaient de quatre grandes familles : les Beni-Tâ-Allah, les Beni-Deloul, les Beni- Gommi et les Beni - Moti - Ibn - Djouher, toutes descendues d'Ali. Chez les Tâ-Allah, le commandement appartenait à la famille des Beni-Mohammed-Ibn-Zegdan 3 - IbnTidoukcen-Ibn-Tâ-Allah.

Voilà le sommaire de tout ce que l'on rapporte au sujet de la postérité d'Abd-el-Ouad.

En faisant la conquête du Maghreb central, les Almohades eurent beaucoup à se louer du dévouement et des bons services de ces tribus; aussi leur témoignèrent-ils, dans la suite, une grande bienveillance, et ils leur concédèrent les territoires qui avaient appartenu aux Beni - Iloumi et aux Beni-Ouémannou. Après l'établissement des Beni-Abd-el-Ouad dans ces localités, une querelle s'éleva entre les Beni-Tâ-Allah et les Beni-Gommi, par suite de laquelle, Kendouz, membre de cette dernière famille, tua Zian-Ibn-Thabet, membre et cheikh de la famille des BeniMohammed - Ibn-Zegdan. Djaber-Ibn-Youçof - Ibn - Mohammed, cousin et successeur de Zîan, vengea la mort de son parent en tuant Kendouz, soit de guet-apens, soit dans un des combats que les deux tribus se livrèrent entr'elles. La tête de Kendouz et

Variantes Irguen, Bergen, Mezguen, Izgou.

2 Ali était frère de Motahher.

3 Variantes: Zegdar, Zegdaz, Zegran. Ibn-Khaldoun paraît avoir écrit Zekeddan.

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