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tous ceux de Séville, après avoir occupé cette ville. Trois années plus tard, les habitants chassèrent de chez eux Abou'n-Nedjat-Salem, frère d'Ibn-Houd, et prêtèrent le serment de fidélité à Abou-Merouan-el-Badji. Le nouveau souverain prit le titre d'El-Motaded (aidé de Dieu) et choisit pour vizir AbouBekr-Ibn-Saheb-er-Redd. La ville de Carmona aussi reconnut la souveraineté d'El-Badji. Un peu plus tard, ce chef fut assiégé par Ibn-Houd, et, pour mieux lui résister, il contracta une alliance avec Mohammed-Ibn-el-Ahmer qui, après avoir établi sa domination dans Cordoue, s'était emparé d'Arjona et de Jaen. Les princes confédérés mirent en déroute les troupes d'IbnHoud et rentrèrent triomphants dans leurs états respectifs. Alors [Ibn-el-Ahmer, qui] n'attendait qu'une occasion favorable pour pénétrer dans Séville, chargea son parent, Ibn-Echkîlola, de mener un corps de chrétiens et d'Arjoniens contre le camp d'El-Badji qui, après son retour à cette ville, avait fait dresser ses tentes en dehors des murailles. El-Badji et son vizir furent mis à mort par les assaillants. Cet événement arriva en l'an 631 (1233-4).

Ibn-el-Ahmer prit possession de Séville, mais, un mois ne s'était pas écoulé quand les habitants s'insurgèrent contre lui et proclamèrent de nouveau l'autorité d'Ibn-Houd, lequel leur donna encore pour gouverneur son frère Abou-Nedjat-Salem. Mohammed-IbnHoud mourut en 635 (1237-8), et le peuple de Séville, ayant alors reconnu la souveraineté d'Er-Rechîd, seigneur de Maroc, prirent pour commandant [Abou-Abd-Allah-] Mohammed, fils du cîd Abou-Amran. Nous avons déjà dit qu'Abou-Amran avait gouverné à Constantine et que l'émir Abou-Zékerïa lui enleva

1 Mohammed-Ibn-Youçof-Ibn-Nasr, surnommé Ibn-el-Ahmer (fils du rouge), appartenait à une famille arabe dont l'aïeul avait combattu sous Mahomet. Natif d'Arjona, il y établit son indépendance, s'empara de Jaen et de Xérès; puis, en l'an 635 (1237), il occupa Grenade et y fonda une dynastie qui régna jusqu'à l'an 897 (1492). — L'auteur d'une note marginale d'un de nos manuscrits suppose, avec raison, que le nom d'Ibn-el-Ahmer a été omis dans le texte par mégarde.

2 Il était gouverneur de Bougie. Voy. ci-devant, pp. 236 et 300.

cette ville, le mit en prison et déporta ses enfants en Espagne. Mohammed, fils d'Abou-Amran, fut élevé à Séville sous les yeux de sa mère. Les habitants ayant proclamé Er-Rechîd, envoyèrent une députation à Maroc pour informer ce prince de ce qu'ils venaient de faire, et se mirent, en attendant, aux ordres de Mohammed. Cette révolution fut en grande partie l'ouvrage d'Ibn-el-Djedd. Er-Rechîd confirma la nomination d'Abou-AbdAllah [Mohammed], et, jusqu'à sa mort, événement qui arriva en 640 (1242), il eut toujours à se louer de la fidélité que lui montrèrent les habitants de Séville.

Lors de la prise de Tlemcen par Abou-Zékérïa, les Sévilliens jugèrent le royaume du Maghreb en péril et se décidèrent à reconnaître la souveraineté de ce prince, ainsi que l'avaient fait les habitants de Valence et de Murcie, villes de l'Espagne orien→ tale. Xerès et Tarifa suivirent cet exemple, et, en l'an 644, une députation nommée par toutes ces villes, partit pour Tunis afin d'obtenir d'Abou-Zékérïa un de ses parents pour chef. Il fit choix de son cousin, Abou-Fares, fils de Younos, fils du cheikh Abou-Hafs. Quand le nouveau gouverneur fut arrivé à Séville, Ihn-el-Djedd lui remit le commandement, mais, en 643 (1 245–6), ce même Ibn-el-Djedd usurpa le pouvoir, déporta Abou-Fares à Ceuta, fit une alliance avec le roi chrétien et effaça des contrôles de l'armée les noms de tous ceux qui persistaient à faire des incursions [sur le territoire chrétien]. Ces hommes l'assassinèrent bientôt après, à l'instigation de leur capitaine Chefaf 1, lequel prit aussitôt le commandement de Séville, rappela Abou-Fares et y rétablit l'autorité d'Abou-Zékérïa.

Le roi chrétien apprit cette nouvelle avec un vif mécontentement et, rompant la trève, il alla mettre le siége devant Séville, après s'être emparé de Carmona et de Marchéna. Les habitants de cette ville, sur son refus d'accorder la paix, en confièrent le commandement à une junte composée du caïd Chefaf, d'IbnChoaib, de [mon ancêtre] Yahya-Ibn-Khaldoun, de Masoud-IbnKhfar et d'Abou-Bekr-Choreih; mais, plus tard, ils reconnurent

1 Variante Checaf.

T. II.

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de nouveau l'autorité du cheikh Abou-Fares. Pendant deux années ils soutinrent avec fermeté les attaques de l'ennemi, bien qu'ils eussent la douleur de voir Ibn-el-Ahmer paraître [avec les siens] au service du roi chrétien et l'aider à bloquer la ville. L'émir Abou-Zékérïa tenta de leur faire passer des secours et arma quelques navires pour cet objet. Abou-'r-Rebiâ-Ibn-elGhoreigher le tinmelélien, auquel il donna le commandement de cette escadre, se dirigea d'abord vers Ceuta, d'après les instructions de son maître, et, ayant fait équiper les vaisseaux appartenant à cette ville, il les conduisit jusqu'au fleuve qui baigne les murs de Séville. Empêché par la flotte chrétienne de pénétrer jusqu'au port 1 [de Saint-Lucar], il repartit [pour l'Afrique]. `L'ennemi, auquel Ibn-el-Ahmer avait fourni des troupes et des munitions, contraignit, enfin, les habitants de Séville à signer une capitulation, et prit possession de sa nouvelle conquête en l'an 646 (1248). Le roi chrétien donna pour chef aux traîtres qui voulaient y rester un membre de la famille d'Abd-el-Moumen appelé Abd-el-Hack-Ibn-Abi-Mohammed le baécien.

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CEUTA, TANGER ET CASR-IBN-ABD-EL-KERÎM RECONNAISSENT ABOUZÉKÉRÏA POUR SOUVERAIN.

Après qu'El-Mamoun eut levé le siége de Ceuta, son frère Mouça céda cette ville à Ibn-Houd. Les habitants se révoltèrent quelque temps après, chassèrent El-Cachetîni, le gouverneur qu'Ibn-Houd y avait installé, et se mirent aux ordres d'Ahmedel-Yanechti-el-Mowaffec; puis, en l'an 635 (1237-8), ils suivirent l'exemple des habitants de Séville et reconnurent de nouveau l'autorité d'Er-Rechîd. Ayant alors emprisonné ElYanechti et son fils, ils envoyèrent chercher le cîd Abou-'lAbbas, fils du cîd Abou-Saîd et gouverneur des Ghomara, et lui

Dans le texte arabe, il faut lire el-merça ou merçaho.

A la page 237, ce prince est nommé Abou-Mouça, qui est probablement la bonne leçon.

remirent le commandement de la ville. Par suite de ce changement, Er-Rechid confia l'administration douanière de Ceuta à un natif de Séville, nommé Abou-Ali-Ibn-Khalas, qu'il avait à son service depuis quelque temps et dans lequel il croyait remarquer de grands talents administratifs. Chargé de percevoir les revenus de Ceuta, Ibn-Khalas obtint, plus tard, de son maître, le gouvernement de cette ville; et cela vers l'époque où Youçof-Ibn-el-Amir reçut du même souverain le commandement de la citadelle de Tanger et des navires de transport qui entretenaient la communication entre l'Afrique et l'Espagne.

En l'an 640, lors de la mort d'Er-Rechîd, la plupart des villes espagnoles proclamèrent la souveraineté d'Abou-Zékérïa qui, devenu tout-puissant en Ifrikïa, venait de soumettre Tlemcen. Ibn-Khalas, ayant alors gagné beaucoup d'argent et de partisans, se tourna aussi vers cet émir et en embrassa le parti. A la nouvelle que le gouverneur de Tanger avait fait porter ses hommages au souverain de l'IfrikŸa, les habitants du Casr-Ibn-Abdel-Kerîm s'empressèrent d'imiter son exemple. Alors AbouZékérïa déclara Ibn-Khalas gouverneur de la ville et province de Ceuta. Celui-ci équipa sur-le-champ un navire appelé El-Meimoun (le fortuné), y embarqua son fils El-Cacem, chargé de présents pour la cour de Tunis, et le fit accompagner par Ibrahîm-Ibn-Sehl, littérateur distingué. Le Meimoun périt corps et biens en sortant du port. Ibn-Khalas, tout accablé par ce malheur, s'adressa à l'amiral Ibn-el-Goreigher et le pria de le prendre à bord, lui et sa famille, et de le transporter à Tunis. Cet officier venait de quitter les parages de Séville et de ramener, à Ceuta, la flotte d'Abou-Zékérïa. S'étant alors embarqué avec les gens de sa maison et ses trésors, Ibn-Khalas profita de la relâche du navire au port d'Oran pour descendre à terre afin de prendre quelque repos, et, après avoir mangé des figues qu'on lui présenta, il fut saisi d'une colique qui l'emporta sur-le-champ. Ceci arriva en 646 (1248-9).

Le sultan donna alors le gouvernement de Ceuta à son propre

↑ Variante: Amin, qui est probablement la bonne leçon.

cousin, Abou-Yahya, fils d'Abou-Yahya-Zékérïa-es-Chehîd, fils du cheikh Abou-Hafs, et l'y envoya avec Abou-Amr le sévillien, fils d'Abou-Khaled, auquel il venait d'accorder l'administration des revenus de cette place. Abou-Amr avait été l'ami de Chefaf et l'ennemi d'Ibn-el-Djedd; aussi, quand Chefaf perdit la vie, il chercha un refuge à Tunis et ce fut là qu'il obtint d'AbouZékérïa cette charge importante. Depuis lors, aucun événement grave n'eut lieu à Ceuta jusqu'au moment où cette ville tomba au pouvoir d'Ibn-el-Azéfi, ainsi que nous le raconterons plus tard.

LA VILLE D'ALMERÏA RECONNAIT LA SOUVERAINETÉ D'ABOU

ZÉKÉRÏA.

En l'an 635 (1237-8), Mohammed-Ibn-Houd mourut à Almeria, et son vizir, Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-er-Remîmi, s'empara du commandement. Cinq années plus tard, l'usurpateur, se voyant étroitement bloqué par Ibn-el-Ahmer, reconnut Abou-Zékérïa pour son souverain et lui envoya un acte de fidélité. Ceci eut lieu vers l'époque où l'Espagne orientale se plaça sous l'autorité du même prince. Ibn-el-Ahmer continua le blocus d'Almeria jusqu'à l'an [643 (1245-6) ], quand il s'en rendit maître, ainsi que nous l'avons dit dans l'histoire de ce chef. ErRemîmi quitta alors la ville, avec sa famille et ses trésors, et trouva auprès d'Ibn-Khalas, à Ceuta, l'accueil le plus empressé. Il reçut un logement, en dehors de la ville, au milieu des jardins de Ben-Younoch; mais, en retour de l'hospitalité qu'on lui accorda, il complota la perte de son bienfaiteur. Voyant, ensuite, ses trames découvertes et l'amitié d'Ibn-Khalas changée en méfiance, il profita de l'arrivée de la flotte qui rentrait des parages de Séville pour s'y embarquer. Arrivé à Tunis, il obtint d'Abou

La notice des souverains de l'Espagne se trouve dans la partie inédite de l'Histoire universelle d'Ibn-Khaldoun.

• Ici, dans le texte arabe et les manuscrits, on lit Abi-Khalas; il faut lire Ibn-Khalas.

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