de nouveau l'autorité du cheikh Abou-Fares. Pendant deux années ils soutinrent avec fermeté les attaques de l'ennemi, bien qu'ils eussent la douleur de voir Ibn-el-Ahmer paraître [avec les siens] au service du roi chrétien et l'aider à bloquer la ville. L'émir Abou-Zékérïa tenta de leur faire passer des secours et arma quelques navires pour cet objet. Abou-'r-Rebia-Ibn-elGhoreigher le tinmelélien, auquel il donna le commandement de cette escadre, se dirigea d'abord vers Ceuta, d'après les instructions de son maître, et, ayant fait équiper les vaisseaux appartenant à cette ville, il les conduisit jusqu'au fleuve qui baigne les murs de Séville. Empêché par la flotte chrétienne de pénétrer jusqu'au port 1 [de Saint-Lucar], il repartit [pour l'Afrique]. L'ennemi, auquel Ibn-el-Ahmer avait fourni des troupes et des munitions, contraignit, enfin, les habitants de Séville à signer une capitulation, et prit possession de sa nouvelle conquête en l'an 646 (1248). Le roi chrétien donna pour chef aux traîtres qui voulaient y rester un membre de la famille d'Abd-el-Moumen appelé Abd-el-Hack-Ibn-Abi-Mohammed le baécien. CEUTA, TANGER ET CASE-IBN-ABD-EL-KERÎM RECONNAISSENT ABouZÉKÉRÏA POUR SOUVERAIN. Après qu'El-Mamoun eut levé le siége de Ceuta, son frère Mouça céda cette ville à Ibn-Houd. Les habitants se révoltèrent quelque temps après, chassèrent El-Cachetîni, le gouverneur qu'Ibn-Houd y avait installé, et se mirent aux ordres d'Ahmedel-Yanechti-el-Mowaffec; puis, en l'an 635 (1237-8), ils suivirent l'exemple des habitants de Séville et reconnurent de nouveau l'autorité d'Er-Rechîd. Ayant alors emprisonné ElYanechti et son fils, ils envoyèrent chercher le cîd Abou-'lAbbas, fils du cîd Abou-Saîd et gouverneur des Ghomara, et lui * Dans le texte arabe, il faut lire el-merça ou merçaho. A la page 237, ce prince est nommé Abou-Mouça, qui est probablement la bonne leçon. remirent le commandement de la ville. Par suite de ce changement, Er-Rechid confia l'administration douanière de Ceuta à un natif de Séville, nommé Abou-Ali-Ibn-Khalas, qu'il avait à son service depuis quelque temps et dans lequel il croyait remarquer de grands talents administratifs. Chargé de percevoir les revenus de Ceuta, Ibn-Khalas obtint, plus tard, de son maître, le gouvernement de cette ville; et cela vers l'époque où Youçof-Ibn-el-Amîr reçut du même souverain le commandement de la citadelle de Tanger et des navires de transport qui entretenaient la communication entre l'Afrique et l'Espagne. En l'an 640, lors de la mort d'Er-Rechîd, la plupart des villes espagnoles proclamèrent la souveraineté d'Abou-Zékérïa qui, devenu tout-puissant en Ifrikïa, venait de soumettre Tlemcen. Ibn-Khalas, ayant alors gagné beaucoup d'argent et de partisans, se tourna aussi vers cet émir et en embrassa le parti. A la nouvelle que le gouverneur de Tanger avait fait porter ses hommages au souverain de l'Ifrîkïa, les habitants du Casr-Ibn-Abdel-Kerîm s'empressèrent d'imiter son exemple. Alors AbouZékérïa déclara Ibn-Khalas gouverneur de la ville et province de Ceuta. Celui-ci équipa sur-le-champ un navire appelé El-Meimoun (le fortuné), y embarqua son fils El-Cacem, chargé de présents pour la cour de Tunis, et le fit accompagner par Ibrahim-Ibn-Sehl, littérateur distingué. Le Meimoun périt corps et biens en sortant du port. Ibn-Khalas, tout accablé par ce malheur, s'adressa à l'amiral Ibn-el-Goreigher et le pria de le prendre à bord, lui et sa famille, et de le transporter à Tunis. Cet officier venait de quitter les parages de Séville et de ramener, à Ceuta, la flotte d'Abou-Zékérïa. S'étant alors embarqué avec les gens de sa maison et ses trésors, Ibn-Khalas profita de la relâche du navire au port d'Oran pour descendre à terre afin de prendre quelque repos, et, après avoir mangé des figues qu'on lui présenta, il fut saisi d'une colique qui l'emporta sur-le-champ. Ceci arriva en 646 (1248-9). Le sultan donna alors le gouvernement de Ceuta à son propre Variante: Amin, qui est probablement la bonne leçon. cousin, Abou-Yahya, fils d'Abou-Yahya-Zékérïa-es-Chehîd, fils du cheikh Abou-Hafs, et l'y envoya avec Abou-Amr le sévillien, fils d'Abou-Khaled, auquel il venait d'accorder l'administration des revenus de cette place. Abou-Amr avait été l'ami de Chefaf et l'ennemi d'Ibn-el-Djedd; aussi, quand Chefaf perdit la vie, il chercha un refuge à Tunis et ce fut là qu'il obtint d'AbouZékérïa cette charge importante. Depuis lors, aucun événement grave n'eut lieu à Ceuta jusqu'au moment où cette ville tomba au pouvoir d'Ibn-el-Azéfi, ainsi que nous le raconterons plus tard. LA VILLE D'ALMERIA RECONNAIT LA SOUVERAINETÉ D'ABOU ZÉKKRÏA. En l'an 635 (1237-8), Mohammed-Ibn-Houd mourut à Almeria, et son vizir, Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-er-Remîmi, s'empara du commandement. Cinq années plus tard, l'usurpateur, se voyant étroitement bloqué par Ibn-el-Ahmer, reconnut Abou-Zékérïa pour son souverain et lui envoya un acte de fidélité. Ceci eut lieu vers l'époque où l'Espagne orientale se plaça sous l'autorité du même prince. Ibn-el-Ahmer continua le blocus d'Almeria jusqu'à l'an [643 (1245-6) ], quand il s'en rendit maftre, ainsi que nous l'avons dit dans l'histoire de ce chef'. ErRemîmi quitta alors la ville, avec sa famille et ses trésors, et trouva auprès d'Ibn-Khalas, à Ceuta, l'accueil le plus empressé. Il reçut un logement, en dehors de la ville, au milieu des jardins de Ben-Younoch; mais, en retour de l'hospitalité qu'on lui accorda, il complota la perte de son bienfaiteur 2. Voyant, ensuite, ses trames découvertes et l'amitié d'Ibn-Khalas changée en méfiance, il profita de l'arrivée de la flotte qui rentrait des parages de Séville pour s'y embarquer. Arrivé à Tunis, il obtint d'Abou La notice des souverains de l'Espagne se trouve dans la partie inédite de l'Histoire universelle d'Ibn-Khaldoun. *Ici, dans le texte arabe et les manuscrits, on lit Abi-Khalas; il faut lire Ibn-Khalas. Zékérïa une position honorable et se fixa dans cette capitale. Il y mourut propriétaire de plusieurs terres et villages et d'un grand nombre de belles maisons qu'il y avait fait construire. IBN-EL-AHMER RECONNAIT LA SOUVERAINETE D'ABOU- Mohammed-Ibn-el-Ahmer se révolta dans Arjona, sa ville natale, contre l'autorité d'Ibn-Houd et parvint ensuite à s'emparer de Jaen, de Cordoue, de Séville et de l'Espagne [musulmane] occidentale. Après une longue guerre, un raccomodement s'effectua entre ces deux princes et Ibn-el-Ahmer reconnut la souveraineté de son rival. Plus tard, il se révolta de nouveau et, en l'an 636 (1238-9), à l'époque où Séville et Ceuta se déclarèrent pour Er-Rechîd [l'almohade], il envoya aussi à ce prince un acte de foi et hommage. Tant qu'Er-Rechîd vécut, Ibn-el-Ahmer lui demeura fidèle; mais, ensuite, voyant qu'Abou-Zékérïa [le hafside] était parvenu à fonder un empire en Ifrikïa et espérait remporter de grands avantages [sur les Almohades], il fit célébrer la prière publique au nom de cet émir dans toutes les mosquées de ses états, et choisit AbouBekr-Ibn-Aïach, membre du corps des cheikhs à Malaga, pour porter cette nouvelle à Tunis. Abou-Zékérïa reçut cette députation avec un grand plaisir; en la congédiant, il lui remit une forte somme d'argent pour subvenir aux frais de la guerre sainte, et, jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu en 647 (1249), il ne cessa d'expédier des subsides à ses sujets espagnols. Ibn-el-Ahmer brisa ensuite les liens qui le retenaient dans la dépendance et parvint à fonder un royaume. SIDJILMESSA RECONNAIT L'AUTORITÉ D'ABOU-ZÉKÉRÏA ET LA RÉPUDIE ENSUITE. En l'an 640 (1242), lors de la mort d'Er-Rechîd et l'avènement de son frère, Es-Saîd, un cheikh almohade, nommé AbdAllah - Ibn - Zékérïa - el-Hezerdji, gouvernait Sidjilmessa au nom de la dynastie d'Abd-el-Moumen. Es-Saîd, ayant été vivement offensé de certains propos injurieux qu'El-Hezerdji avait tenus à son égard, repoussa les excuses que cet officier lui fit parvenir et en déchira la lettre. Effrayé du danger qui le menaçait, El-Hezerdji fit porter un acte de soumission à l'émir Abou-Zékérïa, qui venait d'occuper Tlemcen, et, en récompense de cette trahison, il reçut sa confirmation comme gouverneur de la ville et province de Sidjilmessa, avec la promesse d'obtenir bientôt un envoi d'armes et de troupes, afin de pouvoir se défendre. Il venait d'y faire proclamer l'autorité d'Abou-Zékérïa, quand il vit arriver chez lui Abou-Zeid-Ibn-Ouagag 2-el-Guedmîouï et Abou-Saîd-el-Aoud-er-Reteb, qui s'étaient enfuis de Maroc. Celui-ci continua sa route jusqu'à Tunis; mais AbouZeid resta avec El-Hezerdji à Sidjilmessa. En l'an 644 (1243-4), ou en 640, selon un autre récit, le sultan Es-Said, dont ces deux fonctionnaires avaient abandonné le camp, marcha contre leur protecteur. Arrivé sous les murs de Sidjilmessa, il adressa une proclamation aux habitants pendant qu'Abou-Zeid-el-Guedmiouï les travaillait de son côté. Il en résulta un soulèvement du peuple qui expulsa El-Hezerdji et donna le commandement de la ville à Abou-Zeid. Le sultan reçut 'alors une dépêche dans laquelle cet officier lui annonça qu'il était prêt à lui remettre la ville, et il y répondit par une lettre de remercîments et l'assurance que le passé serait oublié. Quelques Arabes ayant rencontré El-Hezerdji, le conduisirent à Es-Saîd qui reprit la route de Maroc, après avoir fait mourir le traître et donné l'ordre d'en porter la tête à Sidjilmessa pour y être exposée aux regards du public. Cette ville rentra ainsi dans l'obéissance, et demeura soumise au gouvernement almohade jusqu'à l'arrivée de certains événements dont nous aurons, ailleurs, l'occasion de parler. Voyez, ci-devant, p. 244. 2 Variante de la page 214 : Zékérïa. |