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dans le sein de la famille Mendil, et l'indignation que ces forfaits avait excitée fermentait encore dans tous les cœurs, quand Yaghmoraceu leur fit sentir de nouveau la puissance dont il disposait. Omar, fils de Mendîl et frère des assassins, prit avec le chef abd-el-ouadite l'engagement de le mettre en possession de Miliana, à la condition d'obtenir, par son appui, le commandement des Maghraoua. En l'an 668 (1269-70), celte convention reçut son accomplissement: Yaghmoracen occupa la ville de Milîana, y établit Omar comme son lieutenant et fit proclamer la déposition de Thabet. Il se trouva ainsi maître des Maghraoua, dont il avait le chef sous ses ordres.

Thabet et Aïd cherchèrent alors à capter la bienveillance de Yaghmoracen et à contrarier leur frère Omar, en se servant des mêmes moyens que celui-ci avait employés; aussi, en l'an 672 (1273-4), ils livrèrent à ce prince la ville de Ténès, moyennant douze mille pièces d'or. Omar garda le commandement jusqu'à sa mort, événement qui eut lieu quatre années plus tard.

Thabet-Ibu-Mendîl prit alors le commandement des Maghraoua, et son frère Aïd, ayant désiré faire la guerre aux chrétiens, passa en Espagne avec ses amis, Zian-Ibn-Mohammed-Ibn-Abdel-Caouï et Abd-el-Melek Ibn-Yaghmoracen, les plus braves cavaliers de la nation zenatienne. Plus tard, Thabet rompit ses engagements envers Yaghmoracen et lui reprit Ténès et Milîana ; puis, en l'an 6841 (1282-3), il se vit obligé à lui rendre la première de ces villes. Bientôt après, Yaghmoracen mourut et Ténès se révolta, mais son fils et successeur, Othman, dirigea tant d'expéditions contre les Toudjîn et les Maghraoua qu'il finit par leur tout enlever. En 687 (1288-9), il obtint des Beni-Lemdïa la remise de Médéa, conquit sur Thabet la ville de Mazouna et le contraignit ensuite à lui céder celle de Ténès. Jusqu'à l'an 693 (1294), il ne cessa de châtier les Maghraoua et, s'étant em→ paré de leurs villes, il occupa toutes leurs campagnes aussi et les rejeta dans les montagnes. Thabet s'enferma dans Brechk avec l'intention d'y faire une vigoureuse résistance; mais, se voyant assiégé par Othman et prêt à succomber, il s'embarqua pour le Maghreb-el- Acsa, en l'an 694, et alla implorer le secours

de Youçof-Ibn-Yacoub, sultan des Beni-Merîn. Ayant obtenu de ce monarque un bon accueil et la promesse d'un appui efficace, il se logea dans Fez et gagna l'amitié d'Ibn-el-Acheheb, un des cheikhs des Beni-Asker[, tribu mérinide]. Un jour, étant allé lui rendre visite, il entra sans se faire annoncer et fut attaqué et tué par ce chef qui était alors en état d'ivresse. Le sultan fut très-fâché de cet événement et vengea la mort de son protégé.

Mohammed, fils de Thabet, gouverna d'abord les Maghraoua au nom de son père; ensuite il usurpa toute l'autorité et, quand Thabet partit pour le Maghreb, il se déclara chef de la tribu. Il cessa de vivre peu de temps après la mort de son prédécesseur et fut remplacé par son frère Ali. Celui-ci fut tué par son frère Monîf, qui lui disputait le pouvoir avec l'appui de Rahmoun, un autre de ses frères. Les meurtriers, se voyant repoussés par les Maghraoua que leur crime avait indignés, se rendirent à la cour d'Othman-Ibn-Yaghmoracen et obtinrent de ce prince les moyens de passer en Espagne. Ayant traversé le Détroit, ils allèrent trouver leur frère Mâmer-Ibn-Thabet, qui commandait un corps de troupes qu'on avait stationné à ElBaghira (?) pour faire la guerre sainte. Cet officier se démit en faveur de Monîf qui obtint ainsi son premier commandement en Espagne. Abd-el-Moumen, un autre de leurs frères, s'y rendit aussi et ils se fixèrent tous dans ce pays. On y trouve encore les descendants de Yacoub-Ibn-Zîan, petit-fils d'Abd-el-Moumen, et ceux d'Ibn-Omar, fils de Monîf.

En l'an 694 (1294-5), aussitôt après la mort de Thabet-IbnMendil, ses fils et toute sa famille éprouvèrent la bonté du sultan Youçof-Ibn-Yacoub, lequel se chargea de leur entretien et prit pour femme la sœur de Rached, fils de Mohammed et petitfils de Thabet. En 696, ce monarque investit Tlemcen et bâtit une ville auprès de cette place forte afin de pouvoir la tenir étroitement bloquée. Pendant la durée du siége, il expédia des colonnes de troupes dans les contrées voisines et fit choix d'Omar, fils de Ouîghern et petit-fils de Mendil, pour gouverner les Maghraoua et le territoire de Chelif. En 699 (1299-4300), il fournit à ce chef un corps d'armée et le mit ainsi en mesure de

réduire Miliana, Ténès et Mazouna. Rached fut très-mécontent de n'avoir pas obtenu le commandement de sa tribu, charge à laquelle il croyait avoir plus de droits que tout autre, tant par sa naissance que par son alliance avec le sultan; aussi, dans sa colère, il s'enfuit du camp impérial et se jeta dans les montagnes de Metîdja d'où il parvint, au moyen de ses émissaires, à se former un parti chez les Maghraoua. Paraissant alors à l'improviste au milieu de cette tribu, il y jeta la désunion et, par ses intrigues, il décida les habitants de Mazouna à se révolter contre les Mérinides. Ensuite, il marcha sur Azemmor, place située dans le pays ouvert du territoire maghraouien, et, dans une attaque de nuit, il y surprit Omar-Ibn-Ouîghern et lui ôta la vie, Par ce coup de main, il rallia le reste de la tribu autour de lui. Le sultan prit aussitôt des mesures pour comprimer cette insurrection et envoya de ce côté plusieurs corps d'armée dont l'un, composé de guerriers appartenant à la tribu des Beni-Asker, était commandé par El-Hacen-Ibn-Ali-Ibn-Abi-Talac; un autre, formé des Beni-Ourtadjen, avait pour chef Ali-Ibn-MohammedIbn el-Kheïri; un troisième, fourni par les Beni-Toudjîn, obéissait à Abou-Bekr-Ibn-Ibrahim-Ibn-Abd-el-Caour, et un détachement de la milice y marcha aussi sous la conduite d'Ali-Ibn-Hassanes-Sobhi, client de la famille royale. Mohammed, fils d'Omar et petit-fils de Mendil, reçut en même temps sa nomination au commandement des Maghraoua. Ces troupes arrivèrent devant Mazouna où Rached avait laissé une forte garnison sous les ordres de ses cousins, Ali et Hammou, fils de Yahya-Ibn-Thabet. Rached lui-même monta chez les Beni-Bou-Said afin de mieux surveiller les mouvements de l'ennemi.

Après avoir soutenu un siége de deux années, Ali, fils de Yahya se vit réduit presqu'à la dernière extrêmité et chargea son frère Hammou d'aller implorer la miséricorde du sultan. Cet envoyé se présenta devant le prince et fut aussitôt conduit en prison parce qu'il ne s'était pas muni d'un sauf-conduit. En l'an 703 (1303-4), Ali fut tellement découragé par l'épuisement de ses vivres qu'il se laissa emporter par le désespoir et alla se livrer aux assiégeants. Le sultan, auquel on l'envoya, lui fit grâce de

la vie et se contenta de l'enfermer dans la même prison avec Hammou. Par ce trait de clémence, il espérait dissiper les craintes de Rached et le décider à rentrer dans le devoir. AbouYahya-Ibn-Yacoub obtint alors de son frère, le sultan, le commandement d'une armée et partit pour la frontière orientale de l'empire, afin d'attaquer Rached dans la montagne des BeniBou-Saîd; mais, pendant que ses troupes, à la suite d'un long siége, croyaient avoir trouvé l'occasion de surprendre la place et tâchaient d'y monter par des escarpements presque impra-. ticables, il les vit culbuter inopinément par les gens de son adversaire. Cette affaire eut lieu en l'an 704 et coûta la vie à un grand nombre de Mérînides et d'autres guerriers. A la nouvelle de ce grave échec, le sultan laissa éclater sa colère et ordonna la mort d'Ali-Ibn-Yahya, de Hammou-Ibn-Yahya et de tous ceux qui avaient suivi leur fortune. Ces malheureux furent massacrés à coups de flèches.

La même année, Abou-Yahya-Ibn-Yacoub entreprit une nouvelle expédition par l'ordre de son frère, le sultan Youçof, et, après avoir fait rentrer dans l'obéissance le pays des Maghraoua, il alla bloquer les montagnes de Sanhadja qui dépendent de Metîdja. Rached, qui s'y était retiré avec son oncle, Monîf-IbnThabet1, et une bande de Thâlebiens dont il avait obtenu l'appui, ouvrit alors des négociations avec le sultan et, par un traité de paix, il obtint l'éloignement des troupes mérinides. Monîf-IbnThabet, ses enfants et les gens de sa maison passèrent en Espagne où ils se fixèrent définitivement.

Vers la fin de l'an 706 (mai 1307), Youçof- Ibn-Yacoub mourut dans son camp, sous les murs de Tlemcen, et son petit-fils, Abou-Thabet, conclut avec Abou-Zîan-Ibn-Othman, sultan des Beni-Abd-el-Quad, un traité par lequel il prit l'engagement de remettre à ce prince toutes les villes, provinces et forteresses

1 Notre auteur ne nous explique pas pourquoi Monîf-Ibn-Thabet, qui avait déjà quitté l'Afrique (voy., ci-devant, p. 318), s'était décidé à y rentrer.

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que les Mérinides lui avaient enlevées. Quand on fit tenir aux garnisons de ces places et aux officiers du gouvernement mérinide l'ordre de les livrer aux agents d'Abou-Zîan, l'émir Rached crut avoir trouvé l'occasion de rentrer en possession de ses états et alla camper devant Miliana; mais, s'étant aperçu que les Mérinides, en évacuant cette ville ainsi que Ténès, les avaient remises aux Abd-el-Quadites, il sentit l'inutilité de sa tentative et se retira.

La mort d'Abou-Zian eut lieu peu de temps après, et son frère, Abou-Hammou-Mouça, étant monté sur le trône, étendit son autorité sur tout le Maghreb central. En l'an 707 (1307-8), il se rendit maître de Taferguint; ensuite il reprit Milîana, Médéa et Ténès, villes dont il confia le commandement à son affranchi Moçameh.

Pendant ces événements, le sultan de Bougie, Abou-'l-BacaKhaled, fils de l'émir Abou-Zékérïa et petit-fils du sultan hafside Abou-Ishac, était entré dans la Metîdja, avec l'intention de reprendre Alger sur Ibn-Allan, chef qui s'y était rendu indépendant. Rached vint alors se mettre au service de ce prince, qui lui fit l'accueil le plus honorable, et, par son entremise, il contracta, au nom des Maghraoua, une alliance avec les Sanhadja, tribu toute dévouée au gouvernement hafside, maîtresse des plaines qui dépendent de Bougie ainsi que des montagnes des Zouaoua. Yacoub-Ibn-Khalouf, chef des Sanhadja et vizir impérial, prit alors avec Rached l'engagement de se soutenir mutuellement.

Le sultan Abou-'l-Baca ayant entrepris l'expédition qui devait le mettre en possession de Tunis, confia le gouvernement de Bougie à Ibn-Khalouf, et celui-ci retint auprès de lui l'émir Rached et les guerriers qui l'accompagnaient. Dès lors, le chef maghraouien déploya la plus grande bravoure sous les yeux du vizir et montra un dévouement parfait à ses alliés sanhadjiens. Le sultan venait d'occuper la capitale et de s'asseoir sur le trône

1 Voy. t. 1, pp. 417, 426.

T. III.

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