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Dans l'Auras, montagne de l'Ifrikïa, se rencontre aussi une fraction des Beni-Abd-el-Ouad. Elle y a habité depuis une époque très-reculée, s'y étant trouvée au moment de la première invasion musulmane, et elle jouit d'une certaine considération parmi les populations qui l'avoisinent. Quelques historiens racontent que ces Abd-el-Ouad accompagnèrent Ocba-Ibn-Nafè dans son expédition en Maghreb, lorsque, devenu gouverneur de l'Afrique pour la seconde fois, il pénétra dans le Sous, parvint jusqu'à l'Océan atlantique et se fit tuer au moment de rentrer en Ifrikïa. Ils ajoutent que cette tribu s'y conduisit très-bravement et qu'Ocba, après avoir invoqué sur elle la bénédiction divine, lui permit de regagner ses foyers avant l'achèvement de la campagne.

Quand les Ketama et les Sanhadja repoussèrent les Zenata dans le Maghreb-el-Acsa, toutes les tribus descendues de Ouacîn se réunirent dans le territoire situé entre le Za et le Molouïa. Elles se multiplièrent alors et poussèrent de nouvelles ramifications dans le Désert, au Sud des deux Maghrebs, et même jusque dans le Zab et les déserts de l'Ifrikïa qui en sont voisins. Cela leur était très-facile, car les Arabes nomades ne commencèrent à parcourir ces régions que dans le cinquième siècle de l'hégire.

Cette race zenatienne ne sortit pas des contrées que nous venons d'indiquer, et s'étant enveloppée dans son orgueil, elle montra un dédain superbe pour les autres peuples. Leur principal moyen de subsistance consistait dans le produit de leurs troupeaux, mais il leur fallait aussi les jouissances du luxe et, pour se les procurer, ils pillaient les voyageurs et marchaient toujours la lance au poing. Leurs guerres avec les autres tribus, leurs contestations avec les peuples et royaumes voisins, leurs expéditions victorieuses contre les souverains furent signalées par des batailles et des combats que l'on ne peut indiquer avec précision, vu le peu de soin qu'ils ont mis à en conserver les détails. La cause de cette négligence fut le grand progrès que fit l'emploi de la langue et de l'écriture arabes à la suite du triomphe de l'islamisme elles finirent par prévaloir à la cour des princes indigènes et, pour cette raison, la langue berbère

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ne sortit point de sa rudesse primitive. Aussi, dans les temps anciens, la race zenalienne n'eut jamais un roi qui ait encouragé les écrivains à recueillir avec soin et à enregistrer l'histoire de sa nation; elle ne connut point les beaux monuments que possèdent les habitants des villes et du littoral, parce qu'elle n'eut pas de liaisons avec eux. Vivant au fond du Désert pour éviter la domination des étrangers, elle négligea le soin de sa propre histoire, au point d'en laisser tomber une grande partie dans l'oubli. Même quand elle eut fondé des royaumes, elle ne nous en conserva que de vagues renseignements: indications que l'historien intelligent recherche partout; bien heureux encore quand il peut en suivre les traces afin de les tirer de l'abandon où on les avait laissées. Les Zenata de cette race restèrent dans leurs déserts jusqu'à l'époque où elles atteignirent les hauteurs de la domination et fondèrent des empires. Ces événements feront le sujet des chapitres suivants.

HISTOIRE DES ZENATA DE LA SECONDE RACE JUSQU'A L'ÉPOQUE OU ILS CONQUIRENT DES ROYAUMES.

La catégorie dont nous allons traiter se place à la suite de celle qui renferme les Zenata de la première race et se compose de toutes les familles ouacinides que nous avons nommées dans le chapitre précédent. A l'époque où les Ketama et les Sanhadja repoussèrent les Zenata dans le Maghreb-el-Acsa, les BeniOuacîn allèrent s'établir dans le désert qui est situé entre le Molouïa et le Za. Ils y reconnurent l'autorité des gouvernements maghrebins; d'abord celle des princes miknaciens et, ensuite, celle des Maghraoua. La dynastie sanhadjienne ayant enfin retiré du Maghreb les flots de sa puissance et retréci les bornes de son empire, chercha des alliés parmi les tribus zenatiennes, pour assurer la tranquillité de ses frontières; et, dès ce moment, elle fournit aux Beni-Ouacîn les moyens de faire briller leur influence et de se maintenir dans un état florissant au milieu des royaumes zenatiens,

Les Beni-Ouémannou et les Beni-Iloumi se partagèrent alors les provinces du [Maghreb central], et chaque fois que les princes sanhadjiens de la Cala-Beni-Hammad dirigeaient une expédition contre le Maghreb, ces deux tribus levaient des troupes pour les assister. Tout le désert situé entre le Molouïa et le pays du Zab appartenait alors aux tribus ouaciniennes, telles que les BeniMerîn, les Abd-el-Ouad, les Toudjin et les Mozab; mais les rifs1 des deux Maghrebs leur demeuraient inaccessibles. Toutes les fois, cependant, que les souverains zenatiens qui commandaient dans ces rifs et dans ces plaines, tels que les Ouémannou et les lloumi, maîtres du Maghreb central, et les Beni-Ifren et les Maghraoua, seigneurs de Tlemcen, eurent à résister aux envahissements des souverains sanhadjiens, zenatiens et autres, ils envoyaient dans les territoires occupés par les enfants de Ouacîn, afin d'en convoquer les nombreux guerriers; puis, en retour des bons services de ces nomades et du secours qu'ils venaient d'en tirer, ils leur donnèrent de l'argent, des armes et des grains, denrée qui ne se trouve pas dans le Désert. Ce fut ainsi que par le moyen des princes du Maghreb les tribus de Ouacîn devinrent riches et florissantes.

Quand les Arabes hilaliens marchèrent contre le Maghreb central, après avoir envahi l'Afrique séptentrionale, brisé la puissance des Sanhadja et ruiné l'empire d'El-Moëzz, tant à Cairouan qu'à El-Mehdia, les Hammadites combattirent vigoureusement pour la défense du pays et invitèrent les Zenata à suivre leur exemple. Les Beni-Yala, famille maghraouienne qui régnait dans Tlemcen, rassemblèrent aussitôt leurs alliés ouacinides, tels que les Beni-Merîn, les Beni-Abd-el-Ouad, les Toudjin et les Beni-Rached, et les placèrent sous les ordres de leur vizir BouSoda-Khalifa l'ifrenide 2. Cet officier livra plusieurs combats aux

1 Voy. la table géographique du tome 1, au mot Rif. première signification.

2 Voy., ci-devant, p. 271, et t. 1, p. 37. Dans le texte arabe, le nom du père d'Abou-Soda a été laissé en blanc par l'auteur.

Arabes, afin de les chasser du Zab et du Maghreb central, et il ne cessa de leur faire la guerre jusqu'à ce qu'il trouva la mort sur le champ de bataille. A la suite de cet événement, les Arabes hilaliens enlevèrent les plaines du Zab aux tribus zenatiennes et les expulsèrent de ce pays ainsi que de la partie de l'Ifrîkïa qui

en est voisine.

Les Beni-Merin, les Abd-el-Ouad et les Toudjîn, tribus ouacinides, s'empressèrent alors-de quitter le Zab, de rentrer dans le Désert du Maghreb central et de reprendre possession du territoire qui s'étend depuis le Mozab et le mont Rached jusqu'au Molouïa et, de là, jusqu'à Figuig et à Sidjilmessa. S'étant mis sous la protection des Ouémannou et des Iloumi, tribus maîtresses des plaines du Maghreb central, ils se partagèrent les régions du Désert et y établirent leur séjour. Les Beni-Merîn en occupèrent la partie occidentale, au Sud-Est du Maghreb-el-Acsa, de Tigourarîn à Debdou et depuis le Molouïa jusqu'à Sidjilmessa; s'éloignant ainsi des Ouémannou et des Iloumi, excepté dans les moments où il fallait se secourir les uns les autres. Quant aux Beni-Badin, ils occupèrent la partie orientale du même désert et se tinrent au Sud du Maghreb central, depuis Figuig et Mediona jusqu'au mont Rached et au Mozab. Tant qu'ils restèrent dans ces régions, ils eurent des luttes continuelles avec les Beni-Merîn, ainsi qu'il arrive aux tribus dont les territoires se touchent. Dans la plupart de ces conflits, la victoire demeura aux BeniBadin, grâce au nombre de leurs tribus et à la multitude de leurs guerriers. Il faut se rappeler qu'à cette époque les Badîn formaient quatre branches : les Abd-el-Ouad, les Toudjîn, les Beni-Zerdal et les Beni-Mozab. On peut même y ajouter une cinquième branche, celle des Beni-Rached, car nous avons déjà mentionné que Rached était frère de Badin. Les Beni-Rached occupèrent la montagne qui porte encore leur nom et qui est située dans le Désert.

Toutes ces tribus continuèrent à habiter ces localités jusqu'à

Voy., ci-devant, p. 302.

l'apparition de la secte almohade. Les Abd-el-Ouad, les Toudjîn et les Maghraoua prirent alors parti pour les Beni-lloumi contre cette nouvelle puissance, ainsi que nous l'avons raconté dans son histoire. Quand les Almohades eurent subjugué le Maghreb central et soumis les tribus zenatiennes de ce pays, les Abd-el-Ouad et les Toudjîn passèrent du côté des vainqueurs et, par leurs bons services et leur fidélité, méritèrent la faveur de cette dynastie qui les préféra toujours aux Beni-Merîn. On peut voir, à ce sujet, ce que nous dirons dans l'histoire de chacune de ces tribus. Ce fut alors que les Almohades concédèrent aux Beni-Abd-el-Ouad les plaines du Maghreb central qui avaient appartenu aux Beni-lloumi et aux Beni-Ouémannou.

Après l'entrée des Beni-Badîn dans le Maghreb central, les Beni-Merîn restèrent seuls dans le Désert. Dieu leur tenait en réserve la jouissance d'une autorité et d'un empire dans le Maghreb qui devaient leur permettre de conquérir des royaumes, de subjuguer des provinces, d'étendre leur puissance depuis l'Occident jusqu'à l'Orient et de s'emparer de tous les trônes qui s'élevaient depuis le Sous-el-Acsa jusqu'à l'Ifrîkïa. Le royaume est à Dieu; il le donne à celui de ses serviteurs qu'il veut 1!

De même que les Beni-Merîn, leurs collatéraux, les Beni-Abdel-Ouad, jouirent des faveurs de la fortune, et donnèrent au monde un nouveau royaume zenatien. Ils menèrent les peuples par la bride de la conquête, bien qu'ils eussent pour rivaux dans cette puissance d'origine nomade, une tribu de la même race. qu'eux, les Beni-Toudjîn.

Dans la seconde race des Zenata, l'on doit compter aussi quelques tribus maghraouiennes de la première catégorie; débris que la dynastie des Khazer laissa dans le territoire de Chelif, ancien siége de sa puissance, berceau de sa nation.

Tous ces peuples aspiraient à la domination et se disputaient entre elles les rênes du commandement ils tâchaient de s'élever

1 Ces mots sont une imitation d'une phrase coranique; voy. Coran, sourate 7, verset 125.

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