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A LA MÉMOIRE DE MON PÈRE

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PRÉFACE

La France a fait signer à Versailles dans la Galerie des Glaces un traité qui consacre l'une des victoires les plus éclatantes que l'histoire enregistre. A la France ainsi victorieuse s'imposent de lourds devoirs. La paix est pour elle, comme la guerre, une création continue. Les plus mâles vertus lui sont nécessaires pour se hausser à ce rôle éminent que les siècles passés lui indiquent d'une affirmation sans cesse renouvelée, que la géographie lui délimite, que le sacrifice de ses fils lui assure, pour se hausser à cette place d'honneur que le traité de paix lui reconnaît et pour s'y tenir.

A la France glorieuse mais douloureuse, triomphante mais mutilée, élevée sur le pavois et frustrée du fruit de ses peines, deux tâches incombent qui exigent d'elle la persévérance dans l'énergie et l'union totale dans le vouloir.

Elle doit et elle veut d'abord vivre en sécurité. A quoi lui servirait d'avoir versé à flots le sang de ses meilleurs enfants si demain l'agression sauvage devait se renouveler? La garde au Rhin, voilà donc l'obligation sacrée de notre génération. Nous sentons qu'elle n'y faillira pas.

Et puis la France doit et veut être une grande puissance économique. Elle ne se contente pas de rayonner dans le domaine artistique, d'être le champion de toutes les libertés, de toutes les générosités. Elle est la plus douce terre sous les cieux. Elle peut être l'une des plus riches. Le labeur économique qu'elle entrevoit avec précision comporte un effort continental et un effort colonial. L'effort continental, c'est en premier lieu la restauration des régions dévastées et c'est en second lieu l'intensification du travail métropolitain, agricole, industriel et commercial. L'effort colonial c'est la pleine mise en valeur des territoires souvent vierges sur lesquels flotte notre drapeau et au premier chef de l'Afrique du Nord, cette merveilleuse France nouvelle.

Mais ces deux grandes tâches ne seront menées à bien que si, réformant ses mœurs, la démocratie française retrouve ses qualités de race prolifique. Nous avons, dans un de nos derniers livres, donné cette formule: « Il faut à la France un cerveau et un cœur, des bras et un marteau et d'abord des enfants». Le problème de la natalité est au premier plan des préoccupations de quiconque aime vraiment sa patrie, et l'augmentation de la population française est la condition même de la réussite des efforts que nous venons de définir et de déclarer obligatoires.

Le problème de la sécurité a des aspects politiques qui nous interdisent pour un temps de le traiter. Aux autres problèmes, reconstitution des régions dévastées, intensification du travail métropolitain, mise en valeur des colonies, natalité et peuplement, nous avons consacré de nombreuses études. C'est une de ces questions déjà ébauchées que nous voudrions aujourd'hui creuser, sans prétendre qui aurait cette prétention faire œuvre essentielle, mais avec l'espoir de jeter quelque lumière sur ce sujet qui, pour beaucoup trop de bons patriotes, demeure obscur.

L'interrogation qui s'est posée à nous, avant même que nous ayons mis le pied sur le sol africain, l'interrogation qui s'est posée à nous le jour où notre père vénéré nous ouvrit des horizons africains est celle-ci : comment doit agir la France pour faire du Nord Africain une terre essentiellement française?

On conçoit clairement que cette action nationale comporte deux parties premièrement, ne pas perdre la possession du continent nord africain et secondement le façonner à la française. Ce qui ne signifie nullement, au contraire, que l'Afrique du Nord doive être exactement la même chose que la France.

Ayant ainsi précisé l'interrogation, nous n'eumes de cesse que nous ne nous missions en état de répondre et nous entreprimes sur le champ un travail de recherches qui devait durer de longues années. Mais à peine avions nous commencé à recueillir et classer les matériaux de cette enquête qu'elle se révéla à nos yeux dans toute son ampleur. Et de l'étendue de la tâche à laquelle nous nous étions ainsi attelé, nous fumes effrayé, mais non rebuté.

Très rapidement il nous apparut que pour nous créer une opinion raisonnée, nous devions posséder une documentation précise sur les points essentiels suivants :

1o Qu'enseigne l'histoire de l'Afrique du Nord? Il est de toute évidence que la première obligation est de connaître très exactement l'histoire de ce continent et d'en tirer les leçons qu'elle comporte. C'est une étude sur documents que complète éventuellement l'information sur place. Les voyages n'interviennent que pour vérifier ou infirmer certaines données fournies par les auteurs et pour mieux saisir les conditions géographiques du développement historique.

20 Quelles sont les races qui peuplent l'Afrique du Nord et comment chacune d'elles a-t-elle évolué? Berbères, Arabes, Israélites, Européens,

autant de groupes ethniques. Il faut voir vivre chacun, élucider ses origines, rechercher ses conditions d'adaptation au milieu africain, détailler ses mœurs, préciser ses ambitions s'il en existe. Ici l'observation directe l'emporte de beaucoup sur l'examen des théories des auteurs. Et entreprendre un tel travail c'est s'imposer un contact prolongé avec les divers milieux nord-africains et quelque cent mille kilomètres de parcours. Nous avons dès aujourd'hui doublé ce chiffre.

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30 Mais il serait tout à fait insuffisant pour brosser un tableau exact de ce qu'est la situation actuelle, de ce que sera la situation future du continent Nord-Africain, de s'en tenir à cette étude de chaque race, prise et observée en elle-même. Il faut camper les uns face aux autres les divers groupes ethniques, les voir vivre les uns en fonction des autres. Les actions et les réactions qu'ils exercent les uns sur les autres, voilà qui est essentiel. L'aspect sociologique du problème se dévoile alors tout entier. Il faut pour le bien saisir une reflexion mûrie, appuyée à la fois sur des faits historiques et sur les idées générales des meilleurs auteurs, une réflexion mûrie d'où découlent des vues personnelles peu à peu élaborées et établies.

Et ce n'est que lorsque cette triple tâche aura été menée à bien que celui qui l'a entreprise pourra en toute honnêteté se demander quelle politique la France doit suivre en Afrique du Nord pour faire de ce pays un véritable prolongement de la métropole. Vouloir répondre à la question sans avoir procédé à la vaste enquête dont nous venons d'esquisser la nature et la portée, c'est se condamner d'avance à ne rien bâtir de solide, c'est vouer son œuvre à l'échec.

On trouvera dans les pages qui suivent immédiatement cette préface, c'est-à-dire dans l'« Introduction aux études nord-africaines », quelques détails sur la génèse de notre effort et les difficultés que nous avons éprouvées à le fournir.

L'ouvrage dont nous offrons aujourd'hui le premier tome au public comprendra donc huit parties.

C'est un

1o Introduction générale aux études nord-africaines. résumé des problèmes soulevés par la vie moderne en Afrique du Nord et des idées générales avec lesquelles il convient de se familiariser pour poursuivre sans trop d'à coups des études sérieuses. Cette introduction commence à créer la mentalité particulière que doit posséder quiconque s'intéresse à l'avenir de la France nouvelle, elle est faite pour éviter aux profanes de se heurter à trop d'écueils et de tomber dans de trop grandes hérésies.

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