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son neveu Tazìr, fils de Talha. En l'an 710 (1310), après l'inauguration du sultan Abou-Yahya [Abou-Bekr] à Constantine, Tazîr quitta son service pour celui d'Ibn-el-Khalouf [gouverneur] de Bougie. Cette démarche amena sa destitution et la nomination de son oncle Mendil au commandement de la tribu. Les AuladAlaoua furent ensuite remplacés par les Aulad-Youçof. Cette branche de la famille montra un grand dévouement à la cause d'Abou-Yahya; aussi, quand ce monarque eut soumis la ville de Bougie et fait mourir Ibn-el-Khalouf, elle profita de ses avanta ges pour forcer les Alaoua à quitter le territoire de la tribu. La famille proscrite passa chez les Eïad, peuple formé d'un mélange de tribus hilaliennes, et s'étant mise sous leur protection, elle se fixa à côté d'eux et choisit pour demeure la montagne qui domine la ville d'El-Mecîla.

Depui lors, les Aulad-Youçof ont continué à gouverner les Se louikich. Cette famille forme maintenant quatre branches : les Beni-Mohammed-Ibn-Youçof, les Beni-Mehdi-Ibn-Youçof, les Beni-Ibrahim-Ibn-Youçof, et les Azîzides (el-Aziziîn). Ceuxci descendent de six frères : Mendîl, Dafer, Djeri [ou Djora], Cîd-el-Molouk, El-Abbas et Eïça, tous fils de Youçof et nés d'une même mère. Cette femme s'appelait Tazîzt1, et pour cette raison on nomma ses fils les Azîzides.

Les Aulad-Mohammed et les Azîzides habitent la province de Bougie; les Aulad-Mehdi et les Aulad-Ibrahîm se tiennent dans celle de Constantine, et jusqu'à ce jour, une ou plusieurs des quatre familles commandent aux Sedouikich. Vers la fin du règne de notre seigneur le sultan Abou-Yahya, l'autorité appartenait à Abd-el-Kerîm, fils de Mendil, fils d'Eïça l'Azîzide; mais ensuite elle se partagea entre les quatre familles que nous venons de nommer, de sorte que chacune d'elles resta indépendante desautres.

Pendant tout ce temps les Alaoua continuèrent à habiter le Djebel-Eïad, mais lors de la conquête de l'Ifrîkïa par les Mérinides, le sultan Abou-Einan, ayant à se plaindre des Aulad-You

1. Tazizt est la forme berbère du nom propre arabe Azîza.

çof, leur ôta le commandement sous le prétexte de leur attachement aux Hafsides, et plaça à la tête des Sedouîkich le nommé Mohenna, fils de Tazîr, fils de Talha, membre de la famille Alaoua. Le nouveau chef n'avait pas encore affermi son autorité quand il fut tué par les Beni-Youçof. Les Alaoua prirent alors le parti de retourner à la montagne d'Eïad. Leur chef, Adouan, fils d'Abd-el-Aziz, fils de Zerouc, fils d'Ali, fils d'Alaoua, est mort depuis peu de temps et ils ne l'ont pas encore remplacé. Plusieurs fractions de la tribu des Sedouîkich obéissent aux Beni-Sekîn, une de leurs familles qui sert de lieutenante à celle des Souac. Le territoire des Beni-Sekîn avoisine celui des Louata du côté du Djebel-Babour et embrasse toute la partie de la province de Bougie qui dépend de cette montagne. Leur chef actuel appartient à la famille Mouça-Ibn-Thaber1, branche [de celle des Sekîn]. J'ai eu occasion de rencontrer Sakhr (fils de Mouça-Ibn-Thaber), auquel le sultan Abou-Yahya [Abou-Bekr]? avait confié le commandement de ce peuple et qui s'était distingué par de bons services rendus au gouvernement. Il montra un dévouement tout à fait extraordinaire à l'émir Abou-Hafs, fils d'Abou-Yahya, et lui resta fidèle jusqu'à la dernière extrémité. Fait prisonnier par les Mérinides dans le combat qui eut lieu aux environs de Cabes, il fut conduit avec plusieurs autres compagnons d'infortune devant le sultan Abou-'l-Hacen et eut les mains et les pieds coupés alternativement par l'ordre de ce prince. Son fils Abd-Allah lui succéda dans le commandementet s'y distingua par son habileté ainsi que par son dévouement au sultan de Bougie. Il mourut entre les années 780 (1378) et 790. Son fils Mohammed lui succéda et exerce encore le commandement.

1. Variante: Thaïr.

2. Dans le premier volume du texte arabe des Berbères, ce prince est désigné par son surnom Abou-Yahya, et dans le second par son nom Abou-Bekr.

3. Ici les manuscrits et le texte imprimé offrent une bévue de copiste : il faut corriger et lire ainsi : el wefâ libnihi 'l-Amir Abi-Hafs. Dans l'histoire des Hafsides, on trouvera les passages qui justifient cette correction.

NOTICE DES BENI-THABET, TRIBU KETAMIENNÉ QUI HABITE LA MONTAGNE EN FACE DE CONSTANTINE 1.

Une fraction de la tribu de Ketama habite la montagne située eatre Collo et Constantine. Cette peuplade s'appelle les BeniThabet, du nom de la famille qui la gouverne. L'on dit que ce Thabet était fils de .. .3, fils d'Abou-Bekr, fils de Telîlan et que ce fut leur aïeul Abou-Bekr qui, sous la dynastie des Almohades, décida les habitants de la montagne à payer l'impôt, chose qu'ils n'avaient jamais faite auparavant. Lors de la chute de la dynastie sanhadjite [zîride] et la conquête de l'Ifrikïa par les Almohades, Abou-Bekr se rendit à Maroc pour offrir ses hommages au khalife, et voulant s'assurer un bon accueil, il prit l'engagement de lui faire payer un tribut par les habitants de la montagne. Thabet laissa trois fils: Hacen, Soltan et Ibrahîm, qui y exercèrent tous le commandement. Quand le sultan Abou-Yahya fut parvenu au trône, Hacen remplit auprès de lui les fonctions de grand chambellan [premier ministre] pendant l'absence d'Ibn-Ghamr qui s'était rendu dans la province de Tripoli. Ceci eut lieu en l'an 711 (1311), ainsi que nous l'exposerons ailleurs. Après la prise de Bougie par le sultan et la mort d'Ibn-Khalouf, le chambellan Ibn-Ghamr arriva de Tunis pour reprendre les fonctions de son office, et ayant trouvé HacenIbn-Thabet dans le Ferdjioua, où il s'était rendu avec un corps de troupes pour recueillir l'impôt, il aposta des assassins qui lui òtèrent la vie. Ali [-Ibn-Hacen fut l'avant-dernier de cette famille qui commanda dans la montagne, et il y était encore quand les Mérinides s'emparèrent de l'Ifrîkia. Son fils et successeur, Abd-er-Rahman, se rendit à Fez pour offrir ses hommages au sultan Abou-Einan. Notre seigneur le sultan Abou-'l-Abbas, ayant rétabli l'empire des Hafsides, renversa le gouvernement

1. Le texte porte, comme auparavant, page 292: qui domine Constantine.

2. A la lettre sont habitants de la montagne qui domine El-Coll, entre cette ville et Cosantina.

3. Il y a ici un blanc dans les manuscrits.

aristocratique des Beni-Thabet, les obligea à servir dans ses armées et désigna quelques-uns de ses propres officiers pour administrer la population de la montagne. Cette localité s'appelle le Djebel-Metouaâ; les impôts s'y perçoivent très facilement à cause de la proximité des troupes qui forment la garnison de Constantine.

Une autre fraction de la tribu de Ketama habite les collines qui entourent Tedellis et forme une partie des populations soumises à l'impôt. La montagne qui s'élève au midi de celle des Beni-Iznacen dans le Maghreb-el-Asca, est occupée par une branche des Beni-Istîten, tribu ketamienne. Une autre peuplade issue de la même souche se tient dans cette partie de la province d'El-Hebet qui avoisine le Casr-Ibn-Abd-el-Kerim ; d'autres encore habitent au milieu du peuple sanhadjien de la province de Maroc.

De nos jours l'appellation de ketamien est employée chez toutes les tribus pour désigner un homme avili. La raison en est que pendant les quatre siècles qui se sont écoulés depuis la chute de l'empire ketamien, les dynasties suivantes se sont plu à leur reprocher l'attachement qu'ils avaient montré aux doctrines hérétiques et aux croyances infidèles; il en résulta que la plupart des peuples ketamiens renoncèrent à ce surnom à cause de l'idée de dégradation qu'il comportait, et se donnèrent pour membres de quelque autre tribu.

NOTE [SUPPLEMENTAIRE] SUR LES ZOUAOUA, BRANCHE DE LA TRIBU

DE KETAMA.

Les Zouaoua, grande tribu berbère, habitent, comme on le sait, les montagnes et les collines escarpées qui s'étendent depuis les alentours de Bougie jusqu'à Tedellis. Ils se partagent en plusieurs branches et occupent un territoire qui avoisine celui des Ketama. La véritable origine des Zouaoua n'est connue que d'un petit nombre de personnes : la plupart des généalogistes berbères les font descendre de Semgan-Ibn-Yahya-Ibn-Darîs, les représentant ainsi comme frères des Zouagha; mais les généalogistes les plus exacts, tels qu'Ibn-Hazm, les comptent au nombre des

peuples ketamiens. Cette opinion est plus conforme à la vérité que la précédente et la localité occupée par les Zouaoua en est la preuve; car, autrement, on ne saurait expliquer pourquoi ils se trouvent établis sur le territoire des Ketama, bien loin de Tripoli et du Maghreb-el-Acsa, provinces où les Zouagha font leur demeure. L'erreur que l'on a commise en ne leur reconnaissant pas une origine ketamienne provient, sans aucun doute, de la ressemblance qui existe entre leur nom et celui des Zouaoua, frères des Zouagha : quelque lecteur, ayant pris le second z du mot Zouaza pour un ou, aura dit que les Zouaoua et les Zouagha sont frères. Cette faute d'orthographe n'ayant pas été relevée, on aura fini par regarder Semgan comme père des Zouaoua et des Zouagha. Dans notre notice sur ces derniers, nous avons parlé des Zouaoua et fait l'énumération de leurs tribus.

FIN DU TOME PREMIER.

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