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Beni-Merouan, les Ouarmekcen, les Segdal et les Beni-Eïad, On trouve aussi dans le même pays des fractions des Lemaïa, des Meklata et des Righa. Toutes ces peuplades forment un corps très-puissant, tant par leur nombre que par leurs richesses. Elles reconnaissent l'autorité d'une famille de la tribu de Sedouikieh appelée les Aulad-Souac. Les tribus [d'origine différente qui demeurent avec elles] sont réduites au rang de simples sujets et leur paient des impôts.

Les Sedouîkich se servent de chevaux pour monture; ils vivent sous la tente et parcourent le pays avec des troupeaux, composés de chameaux et de bœufs. A l'instar des tribus arabes jouissant d'une certaine puissance, ils sont tantôt en paix, tantôt en guerre avec les empires voisins. Ils ne veulent pas être regardés comme ketamiens; ils désavouent, même tous les rapports de parenté qui les attachent à cette race, croyant par là éviter l'opprobre dont la tribu des Ketama se voit couverte depuis quatre cents ans à cause de son attachement aux doctrines hérétiques des Chiites et de son hostilité aux gouvernements qui succédèrent aux Fatemides. Aussi, se donnent-ils quelquefois pour une branche des Soleim, tribu arabe descendue de Moder; mais cette prétention n'est nullement fondée, car ils sont bien certainement des ketamiens. Les historiens de la tribu des Sanhadja nous l'assurent positivement, et la localité de l'Ifrikia qu'habitent les Sedoufkich en est encore une preuve.

Les généalogistes et les historiens de la tribu des Sedouîkich rapportent que les Souac, leur famille principale, habitaient autrefois les Calâa des Beni-bou-Khadra, châteaux situés, dans la province de Constantine, et que de là ils étendirent des ramifications dans toute cette contrée. Les Souac se partagent en deux branches les Aulad-Alaoua-Ibn-Souac et les Aulad-Youçof-IbnHammou-Ibn-Souac. Nous avons entendu dire à nos précepteurs que pendant la domination des Almohades [hafsides], les AuladAlaoua commandaient à toute la tribu des Sedoutkich; Ali, fils d'Aloua, gouverna d'abord; son fils Talha lui succéda, et celuici fut remplacé par son frère Yahya-Ibn-Ali. Mendil, frère et, successeur de Yahya, fut privé du commandement et remplacé par

son neveu Tazir, fils de Talha. En l'an 720 (1320), après l'inauguration du sultan Abou-Yahya [-Abou-Bekr] à Constantine, Tazîr quitta son service pour celui d'Ibn-el-Khalouf [gouverneur] de Bougie. Cette démarche amena sa destitution et la nomination de son oncle Mendil au commandement de la tribu. Les AuladAlaoua furent ensuite remplacés par les Aulad-Youçof. Cette branche de la famille montra un grand dévouement à la cause d'Abou-Yahya; aussi, quand ce monarque eut soumis la ville de Bougie et fait mourir Ibn-el-Khalouf, elle profita de ses avantages pour forcer les Alaoua à quitter le territoire de la tribu. Là famille proscrite passa chez les Eïad, peuple formé d'un mélange de tribus hilaliennes, et s'étant mise sous leur protection, elle se fixa à côté d'eux et choisit pour demeure la montagne qui domine la ville d'El-Mecîla.

Depuis lors, les Aulad-Youçof ont continué à gouverner les Sedouîkich. Cette famille forme maintenant quatre branches: les Beni-Mohammed-Ibn-Youçof, les Beni-Mehdi-Ibn-Youçof, les Beni-Ibrahim-Ibn-Youçof, et les Azîzides (el-Azîziin). Ceux-ci descendent de six frères : Mendil, Dafer, Djeri [ou Djora], Cîdel-Molouk, El-Abbas et Eïça, tous fils de Youçof et nés d'une même mère. Cette femme s'appelait Tazîzt, et pour cette raison on nomma ses fils les Azîzides.

Les Aulad-Mohammed et les Azîzides habitent la province de Bougie; les Aulad-Mehdi et les Aulad-Ibrahim se tiennent dans celle de Constantine, et jusqu'à ce jour, une ou plusieurs des qua tre familles commandent aux Sedouîkich. Vers la fin du règne de notre seigneur, le sultan Abou-Yahya, l'autorité appartenait à Abd-el-Kerîm, fils de Mendil, fils d'Eïça l'azîzide; mais ensuite elle se partagea entre les quatre familles que nous venons de nommer, de sorte que chacune d'elles resta indépendante des

autres.

Pendant tout ce temps les Alaoua continuèrent à habiter le Djebel-Eïad, mais lors de la conquête de l'Ifrîkïa par les Mérinides, le sultan Abou-Einan, ayant à se plaindre des Aulad-You

1 Tazizt est la forme berbère du nom propre arabe Aziza.

çof, leur ôta le commandement sous le prétexte de leur attachement aux Hafsides, et plaça à la tête des Sedouîkich le nommé Mohenna, fils de Tazîr, fils de Talha, membre de la famille Alaoua. Le nouveau chef n'avait pas encore affermi son autorité quand il fut tué par les Beni-Youçof. Les Alaoua prirent alors le parti de retourner à la montagne d'Eïad. Leur chef, Adouan, fils d'Abd-el-Azîz, fils de Zerouc, fils d'Ali, fils d'Alaoua, est mort depuis peu de temps et ils ne l'ont pas encore remplacé.

Plusieurs fractions de la tribu des Sedouîkich obéissent aux Beni-Sekin, une de leurs familles qui sert de lieutenante à celle des Souac. Le territo ire des Beni-Sekîn avoisine celui des Louata du côté du Djebel-Babour et embrasse toute la partie de la province de Bougie qui dépend de cette montagne. Leur chef actuel appartient à la famille Mouça-Ibn-Thaber, branche [de celle des Sekin]. J'ai eu occasion de rencontrer Sakhr, (fils de Mouça-Ibn-Thaber), auquel le sultan Abou-Yahya [-Abou-Bekr] avait confié le commandement de ce peuple et qui s'était distingué par des bons services rendus au gouvernement. Il montra un dévouement tout-à-fait extraordinaire à l'émir Abou-Hafs, fils d'Abou-Yahya, 3 et lui resta fidèle jusqu'à la dernière extrémité. Fait prisonnier par les Mérinides dans le combat qui eut lieu aux environs de Cabes, il fut conduit avec plusieurs autres compagnons d'infortune devant le sultan Abou-'l-Hacen et eut les mains et les pieds coupés alternativement par l'ordre de ce prince. Son fils Abd-Allah lui succéda dans le commandement et s'y distingua par son habileté ainsi que par son dévouement au sultan de Bougie. Il mourut entre les années 780 (1378) et 790. Son fils Mohammed lui succéda et exerce encore le commandement.

3

1 Variante: Thair.

2 Dans le premier volume du texte arabe des Berbères, ce prince est désigné par son surnom Abou-Yahya, et dans le second par son nom Abou-Bekr.

3 Ici les manuscrits et le texte imprimé offrent une bévue de copiste : il faut corriger et lire ainsi el wefâ libnihi 'l-Amir Abi-Hafs. Dans l'histoire des Hafsides, on trouvera les passages qui justifient cette correction.

NOTICE DES BENI-THABET, TRIBU KETAMIENNE QUI HABITE LA

MONTAGNE EN FACE DE CONSTANTINE 1.

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Une fraction de la tribu de Ketama habite la montagne située entre Collo et Constantine. Cette peuplade s'appelle les BeniThabet du nom de la famille qui la gouverne. L'on dit que ce Thabet était fils de . 3 fils d'Abou-Bekr, fils de Telîlan, et que ce fut leur aïeul Abou-Bekr qui, sous la dynastie des Almohades, décida les habitants de la montagne à payer l'impôt, chose qu'ils n'avaient jamais faite auparavant. Lors de la chute de la dynastie sanhadjite [zîride] et la conquête de l'Ifrikïa par les Almohades, Abou - Bekr se rendit à Maroc pour offrir ses hommages au khalife, et voulant s'assurer un bon accueil, il prit l'engagement de lui faire payer un tribut par les habitants de la montagne. Thabet laissa trois fils: Hacen, Soltan et Ibrahîm, qui y exercèrent tous le commandement. Quand le sultan Abou-Yahya fut parvenu au trône, Hacen remplit auprès de lui les fonctions de grand chambellan [premier ministre] pendant l'absence d'Ibn-Ghamr qui s'était rendu dans la province de Tripoli. Ceci eut lieu en l'an 711 (1314), ainsi que nous l'exposerons ailleurs. Après la prise de Bougie par le sultan et la mort d'Ibn-Khalouf, le chambellan Ibn-Ghamr arriva de Tunis pour reprendre les fonctions de son office, et ayant trouvé HacenIbn-Thabet dans le Ferdjîoua, où il s'était rendu avec un corps de troupes pour recueillir l'impôt, il aposta des assassins qui lui ôtèrent la vie. Ali [-Ibn-Hacen] fut l'avant-dernier de cette famille qui commanda dans la montagne, et il y était encore quand les Mérinides s'emparèrent de l'Ifrîkïa. Son fils et successeur, Abd-er-Rahman, se rendit à Fez pour offrir ses hommages au sultan Abou-Einan. Notre seigneur, le sultan Abou-'l-Abbas, ayant rétabli l'empire des Hafsides, renversa le gouvernement

tine.

Le texte porte, comme auparavant, pag. 292, qui domine Constan

A la lettre sont habitants de la montagne qui domine El-Coll, entre cette ville et Cosantina.

3 Il y a ici un blanc dans les manuscrits

aristocratique des Beni-Thabet, les obligea à servir dans ses armées et désigna quelques-uns de ses propres officiers pour administrer la population de la montagne. Cette localité s'appelle le Djebel-Metouaâ; les impôts s'y perçoivent très-facilement à cause de la proximité des troupes qui forment la garnison de Constantine.

Une autre fraction de la tribu de Ketama habite les collines qui entourent Tedellis et forme une partie des populations soumises à l'impôt. La montagne qui s'élève au midi de celle des Beni-Iznacen dans le Maghreb-el-Acsa, est occupée par une branche des Beni-Istîten, tribu ketamienne. Une autre peuplade issue de la même souche, se tient dans cette partie de la province d'El-Hebet qui avoisine le Casr-Ibn-Abd-el-Kerîm; d'autres encore habitent au milieu du peuple sanhadjien de la province

de Maroc.

De nos jours l'appellation de ketamien est employée chez toutes les tribus pour désigner un homme avili. La raison en est que pendant les quatre siècles qui se sont écoulés depuis la chute de l'empire ketamien, les dynasties suivantes se sont plu à leur reprocher l'attachement qu'ils avaient montré aux doctrines hérétiques et aux croyances infidèles; il en résulta que la plupart des peuples ketamiens renoncèrent à ce surnom à cause de l'idée de dégradation qu'il comportait, et se donnèrent pour membres de quelque autre tribu.

NOTE [SUPPLÉMENTAIRE] SUR LES ZOUAOUA, BRANCHE DE LA TRIBU

DE KETAMA.

Les Zouaoua, grande tribu berbère, habitent, comme on le sait, les montagnes et les collines escarpées qui s'étendent depuis les alentours de Bougie jusqu'à Tedellis. Ils se partagent en plusieurs branches et occupent un territoire qui avoisine celui des Ketama. La véritable origine des Zouaoua n'est connue que d'un petit nombre de personnes : la plupart des généalogistes berbères les font descendre de Semgan-Ibn-Yahya-Ibn-Darîs, les représentant ainsi comme frères des Zouagha; mais les généalogistes les plus exacts, tels qu'Ibn-Hazm, les comptent au nombre des

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