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Les choses continuèrent en cet état jusqu'à la mort du cheikh Abou-Mohammed.

MORT DU

CHEIKH ABOU-MOHAMMED LE HAFSIDE ET NOMINATION DE SON FILS ABD-ER-RAHMAN AU GOUVERNEMENT DE L'IFRIKÏA.

La mort du cheikh Abou-Mohammed eut lieu au commencement de l'an 618 (février-mars 1221) et remplit tous les cœurs d'une inquiétude extrême. Dans le conseil d'état [à Tunis], les avis des Almohades furent partagés à l'égard du chef qu'ils devaient choisir, les uns voulant donner le commandement à AbouZeid-Abd-er-Rahman, fils du cheikh décédé, et les autres à Ibrahim, cousin d'Abd-er-Rahman et fils d'Ismail le hafside. Après de longs débats, on finit par élire Abd-er-Rahman, il prêta serment de fidélité, et on le plaça sur le trône de son père.

Le nouveau vice-roi calma bientôt les troubles qui agitaient le royaume et fit voir qu'il était résolu à gouverner d'une main ferme. Il distribua de nombreuses gratifications, récompensa les poètes [qui avaient célébré son avènement] et choisit pour secrétaire d'état Abou-Abd-Allah, fils d'Abou-'l-Hocein. Par une dépêche adressée au souverain almohade, El-Mostancer, il rendit compte de tout ce qui s'était passé, et sortit ensuite à la tête de ses troupes afin de rétablir l'ordre dans les provinces et de mettre les frontières du royaume à l'abri de toute insulte; mais, trois mois après sa nomination, il dut abdiquer le pouvoir, en conséquence d'une ordre envoyé par El-Mostancer. S'étant mis alors en route pour le Maghreb, il alla se présenter à la cour avec ses frères et son secrétaire Ibn-Abi-'l-Hocein.

LA SUCCESSION DES HAFSIDES EST INTERROMPUE PAR LA NOMINATION
DU CAD ABOU-'L-OLA AU GOUVERNEMENT DE L'IFRIKÏA.-
SON FILS,

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La nouvelle de la mort d'Abou-Mohammed le hafside était parvenue à Maroc au moment même où le cîd Abou-l-Ola venait d'arriver dans cette capitale, après s'être vu enlever le gouver

nement de Séville. Abou-'l-Ola-Idris était fils de Youçof, petitfils d'Abd-el-Moumen et frère de Yacoub-el-Mansour et d'Abdel-Ouahed-el-Makhlouê, prince qui régna plus tard. Ayant encouru la disgrâce du sultan, il n'espéra plus rentrer au pouvoir que par l'appui du vizir Ibn-Mothenna et, en effet, il obtint, par l'entremise de ce ministre, le gouvernement de l'Ifrîkïa.

Dans la dépèche envoyée à Tunis pour annoncer cette nomination, on déclara Ibrahîm, fils d'Ismaîl le hafside, gouverneur par intérim, et on rappela à la capitale les fils du cheikh AbouMohammed. Cette pièce fut rendue publique dans le mois de Rebiâ premier 618 (avril-mai 1221).

Le cheikh Ibrahim, chargé alors du commandement, en qualité de lieutenant-gouverneur, prit pour vizir Ahmed-el-Mochetteb et, se laissant guider par les conseils de son entourage, il traita avec beaucoup de dureté les membres de sa propre famille. Croyant mériter la faveur du gouvernement marocain, il agit d'une manière indigne envers les fils d'Abou-Mohammed; mais, dans le mois de Dou-'l-Câda de la même année, il vit arriver le cîd Abou-'l-Ola. Ce prince s'installa aussitôt dans la citadelle et assigna pour logement à son fils Abou-Zeid le Casr-Ibn-Fakher, palais situé dans l'intérieur de la ville. Après avoir donné ses premiers soins au règlement du service public et de la marche des affaires, il fit arrêter, au bout d'un mois, Mohammed-IbnNakhil, ancien secrétaire du cheikh Abou-Mohammed. On emprisonna, en même temps, Abou-Bekr et Yahya, frères d'IbnNakhil, et on confisqua aussitôt, au profit de l'état, les trésors que tous les trois avaient amassés. Leurs bien-fonds et leurs terres furent également mis sous sequestre. Certaines paroles imprudentes et certains écrits émanés d'Ibn-Nakhil pendant

Il est probable que l'historien Ibn-Nakhil, dont l'autorité est citée plusieurs fois dans cet ouvrage, était la même personne que le secrétaire d'Abou-Mohammed le hafside. On peut même supposer que, dans son histoire, il avait essayé de rehausser la gloire et la noblesse de la famille des Hafsides, ce qui aurait attiré sur lui la colère du sultan almohade et amené la révocation de tous les descendants d'Abou-Hafs qui se trouvaient en Ifrîkïa.

qu'il était au service d'Abou-Mohammed, étaient venus à la connaissance d'El-Mostancer et avaient provoqué l'emploi de ces mesures rigoureuses. Abou-'l-Ola fit mourir Ibn-Nakhîl et Yahya, un mois après leur arrestation, et relégua Abou-Bekr dans la prison d'état, à El-Mehdïa. Ibn-Nakhîl était parvenu à s'évader du lieu où on le retenait quand il fut arrêté de nouveau et mis à mort.

En l'an 619 (1222), Abou-'l-Ola partit de Tunis, à la tête des troupes almohades, et se rendit à Cabes afin d'enlever à IbnGhania tout espoir de posséder cette ville. S'étant alors installé dans le Casr-el-Arousïîn, il expédia vers le Désert un corps d'Almohades sous la conduite de son fils, le cîd Abou-Zeid, auquel il avait donné l'ordre de faire rentrer dans l'obéissance Derdj et Ghadams, villes de cette région, et d'y percevoir l'impôt. Un autre détachement, qu'il avait fait partir d'avance, devait tenir Ibn-Ghanta bloqué dans, Oueddan jusqu'à ce qu'Abou-Zeid pût s'y rendre, en revenant de Ghadams. Les Arabes, séduits par les intrigues et l'argent d'Ibn-Ghania, harassèrent tellement ce corps qu'ils le forcèrent à rétrograder sur Cabes. Le cîd Abou-Zeid resta quelque temps à Ghadams pour en avoir des nouvelles et, quand il eut appris cette retraite malheureuse, il alla trouver son père et lui fit un exposé exact de tout ce qui venait de se passer. Abou-'l-Ola en fut courroucé au point de vouloir faire mourir le commandant du détachement; mais il se vit forcé de rentrer à Tunis par suite d'une indisposition. Ayant alors appris qu'Ibn-Ghanîa venait de quitter Oueddan pour se rendre dans le Zab et que les habitants de Biskera avaient reconnu l'autorité du chef almoravide, il envoya contre lui un corps d'Almohades sous les ordres du cîd Abou-Zeid. A l'approche de ces troupes, Ibn-Ghanîa rentra dans le Désert, et Abou-Zeid, ne pouvant l'atteindre, s'en retourna et marcha sur Biskera. Pour châtier cette ville, il la livra au pillage et ne repartit pour Tunis qu'après l'avoir entièrement dévastée.

On voit que le Oueddan, dont il est question ici, est celui qui est situé au nord de Morzouc. Voyez l'Index géographique du premier volume.

Abou-l-Ola reçut ensuite la nouvelle qu'Ibn-Ghania avait reparu sur la frontière de l'Ifrîkïa, suivi d'un ramassis d'Arabes et de Berbères, et fit marcher contre lui le cîd Abou-Zeid. A peine ce prince fut-il arrivé à Cairouan, qu'Ibn-Ghanta profita de son éloignement pour se diriger contre Tunis. Abou-Zeid, soutenu par ses alliés arabes et berbères hoouarites, qui emmenaient avec eux leur familles et leurs troupeaux, se mit à la poursuite de son adversaire et l'atteignit à Medjdoul. Dans cette rencontre, qui eut lieu vers le commencement de l'an 624 (janv.-fév. 1224), les deux armées se battirent avec un grand acharnement. Pendant que les Almohades engageaient le combat, Bâra-Ibn-Hannach, chef des Hoouara, fit dresser ses tentes et inspira ainsi à son peuple la résolution de vaincre ou mourir. Cette journée se termina par la déroute des Almoravides, et Ibn-Ghanîa, qui perdit une foule de ses guerriers, moissonés par la mort, prit la fuite et laissa tomber son camp au pouvoir des vainqueurs. Abou-Zeid renonça à la poursuite de l'ennemi et prit le chemin de la capitale, sachant que son père, le cîd Abou -'l-Ola, y était mort depuis le mois Châban, 620 (sept. 1223). Lors de son arrivée, il expédia une dépêche à El-Mostancer pour lui faire part de cet événement et de la défaite des Almoravides. Au moment même où il redigeait cet écrit, il ignorait que le monarque almohade venait de prononcer la destitution d'Abou-'l-Ola et de nommer au gouvernement de l'Ifrîkïa Abou-Yahya - Ibn-Abi-Amran de Tinmelel, qui commandait alors à Maïorque.

Sur ces entrefaites eurent lieu la mort d'El-Mostancer et l'avènement d'Abd-el-Ouahed-el-Makhlouê, fils de Youçof et petit-fils d'Abd-el-Moumen. Le nouveau souverain annula la décision prise par son prédécesseur et autorisa, par écrit, le cîd Abou-Zeid à garder le commandement.

Dès ce moment, celui-ci gouverna au gré de ses passions et tyrannisa le peuple à un tel point, qu'il devint l'objet de l'exécration

1 Ci-devant, p. 102, notre auteur ou son copiste a écrit, par erreur, Hannach-Ibn-Bára. Voy. ci-après, p. 303 et t. 1, p. 278.

générale. L'on céda d'autant plus facilement à ce sentiment, qu'Abou-Mohammed le hafside et son fils avaient su gagner tous le cœurs. Abou-Zeid fut bientôt remplacé par Abou-Mohammed II, ainsi que nous allons le raconter, et, s'étant ensuite embarqué avec ses trésors et sa famille, il partit pour la capitale [de l'empire almohade].

REGNE D'ABOU-MOHAMMED-ABD-ALLAH, FILS D'ABOU-MOHAMMED,
FILS D'ABOU-hafs.

La mort d'El-Makhlouê et l'avènement d'El-Adel amenèrent la nomination d'Abou-Mohammed-Abd-Allah, fils d'Abou-Mohammed-Abd-el-Ouahed, au gouvernement de l'Ifrîkïa. Celui de Bougie fut accordé en même temps à Yahya-Ibn-el-Attas-etTînmeleli, qui remplaça ainsi Ibn-Yaghmor. Le cîd Abou-Zeid reçut alors du khalife l'ordre de revenir à la cour.

Abou-Mohammed envoya, sur-le-champ, à son cousin AbouAmran-Mouça, fils d'Ibrahîm le hafside, un écrit par lequel il l'autorisa à gouverner l'Ifrîkïa jusqu'à son arrivée.

Dans le mois de Rebiâ second 623 (avril 1226), le cîd AbouZeid quitta le pouvoir, et Abou-Amran se chargea de la lieutenance dont il continua à remplir les fonctions pendant à peu près huit mois. Abou-Mohammed partit enfin de Maroc pour se rendre à sa destination et, arrivé à Bougie, il envoya son frère, l'émir Abou-Zékérïa, à Tunis, afin d'amener au devant de lui la population de la capitale, classe par classe.

Dans le mois de Châban (août) de la même année, AbouZékérïa y fit son entrée, après avoir châtié, en chemin, la tribu des Oulhaça. Les Aulad-Cheddad, chefs de cette peuplade, s'étaient concertés pour attaquer Abou-Mohammed quand il passerait auprès de Bône, et ce fut alors qu'il confia à l'émir AbouZékérïa le soin d'étouffer ce mouvement et de lui amener ensuite les notables de Tunis. Abou-Zékérïa exécuta la première de ces commissions, puis, dans le mois de Ramadan (septembre), il sortit de la capitale, avec les diverses corporations, et se rendit à Setif, au-devant de son frère.

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