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qu'il venait d'enlever et, dans une dépêche qu'il écrivit à EnNacer pour lui annoncer cette victoire, il demanda la permission de quitter son commandement, ainsi que cela avait été convenu. Le prince lui répondit par des remercîments et lui déclara qu'étant préoccupé de la position des affaires dans le Maghreb, il ne pouvait pas lui donner un successeur, mais qu'il y penserait plus tard. Avec cet écrit, il lui envoya une somme d'argent, des chevaux et des robes pour être distribués aux plus dignes. Il y avait deux cent mille pièces d'or, mil huit cents robes, trois cents épées, cent chevaux et beaucoup d'autres objets qu'on lui avait expédié de Ceuta et de Bougie. Ce don fut accompagné de la promesse d'un autre. La lettre d'envoi portait la date de 605 (1208-9).

Abou-Mohammed resta donc à son poste et cut plusieurs rencontres avec Yahya[-Ibn-Ghanîa] le maïorcain, ainsi que nous allons le raconter.

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Echappé de Chebroa, Ibn-Ghanîa prit le parti de se rendre au milieu des tribus zenatiennes de la province de Tlemcen, et il s'y présenta au moment même où le cîd Abou- Amran - Mouça ' fils de Youçof, fils d'Abd-el-Moumen, était arrivé de Maroc pour y prendre le commandement. Le nouveau gouverneur venait de sortir de Tlemcen afin de rétablir l'ordre dans le pays des Zenata et faire rentrer leurs impôts et contributions quand il reçut une dépêche par laquelle le cheikh Abou-Mohammed lui annonçait qu'il s'était mis à la poursuite du chef almoravide et lui recommandait de se tenir sur ses gardes, tout en évitant de risquer un combat. Abou-Amran méprisa ce conseil et se rendit à Tèhert où il fut attaqué à l'improviste par Ibn-Ghanîa. Ses Almohades prirent la fuite, ses alliés zena tiens coururent s'enfermer dans.

Les manuscrits et le texte imprimé portent, à tort, Ibn-Mouça.

T. II.

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leurs forteresses et il succomba lui-même sur le champ de bataille. La ville de Tèhert fut mise au pillage et, depuis cette époque, elle est restée sans habitants. Les vainqueurs reprirent alors la route de l'Ifrîkïa, chargés de butin et traînant à leur suite une foule de prisonniers; mais, ayant été attaqués à........' par les troupes du cheikh Abou-Mohammed, ils perdirent tout ce qu'ils avaient enlevé. Beaucoup d'Almoravides périrent dans cette rencontre et le reste chercha un refuge dans la province de Tripoli. Nous dirons plus loin ce qui leur arriva.

DÉFAITE DES ARABES ET DES ALMORAVIDES A NEFOUÇA.

Après avoir essuyé une défaite à Chebrou et s'être laissé enlever Tehert par Abou-Mohammed, Ibn-Ghanîa se réfugia dans la province de Tripoli où il parvint à rallier les débris de l'armée almoravide. L'arrivée de ses alliés arabes et la coopération des Douaouida et de leur chef, Mohammed-Ibn-Masoud, qui avaient toujours été au premier rang dans ses batailles 2, dissipèrent alors tous ses soucis. A la suite d'un conseil dans lequel on décida la reprise des hostilités, ses partisans firent serment de combattre les Almohades, sans fléchir ni reculer, et ses émissaires coururent de tous côtés pour rassembler les Arabes nomades. Une foule de guerriers appartenant à diverses tribus, telles que les Rîah, les Zoghb, les Cherîd, les Auf, les Debbab et les Nefath vinrent le rejoindre, afin d'envahir l'Ifrîkïa. Voulant prévenir leur dessein, Abou-Mohammed quitta Tunis, l'an 606 (4209-10), et marcha rapidement à leur rencontre. Les deux armées en vinrent aux mains près du Mont-Nefouça et engagèrent le combat avec un acharnement extrême. Pendant que la bataille s'échauffait, Abou-Mohammed fit dresser ses tentes et

4 L'auteur a laissé en blanc le nom de la localité.

Dans le texte arabe, il faut lire mewakifihi à la place de mowakefeta. On effectue cette correction en supprimant les deux points qui couronnent la dernière lettre du mot.

pavillons. Quelques fractions de la tribu d'Auf- Ibn-Soleim passèrent alors de son côté, et, par cette défection, elles jetèrent le désordre dans les rangs d'Ibn-Ghania. Les Almohades chargèrent alors et poursuivirent l'ennemi jusqu'à ce que les ombres de la nuit l'eurent dérobé à la mort. Un butin immense et une foule de prisonniers tombèrent au pouvoir des vainqueurs. Les Arabes avaient fait prendre les devants aux chameaux qui portaient leurs femmes, afin d'en faire un centre de ralliement et d'avoir sous leurs yeux les objets les plus chers à leur honneur ; mais toute cette caravane fut enlevée par les Almohades. Un nombre immense d'Almoravides, de Zenata et d'Arabes resta sur le champ de bataille, et parmi les morts on compta Abd-AllahIbn-Mohammed-Ibn-Masoud-el-Bolt, chef des Douaouida, son cousin Haracat-Ibn-Abi-'s-Cheikh-Ibn-Açaker, chef des Corra, Djerrar-Ibn-Ouîghern 2, chef des Maghraoua, Mohammed, fils de Ghazi-Ibn-Ghanîa, et plusieurs autres personnages distingués. Pendant que Yahya-Ibn-Ghanîa opérait sa retraite, le désespoir dans l'âme, après avoir vu la ruine de sa puissance et la destruction de son armée, Abou-Mohammed ramena à Tunis ses Almohades victorieux et triomphants. Par ce succès, il raffermit sa puissance en Ifrîkïa et fit disparaître jusqu'aux dernières semences de rebellion qui avaient germé dans ce pays. Dès lors, l'impôt sa paya régulièrement, les combats devinrent plus rares et aucun échec ne fit reculer ses drapeaux.

Youçof-el-Mostancer, fils et successeur d'En-Nacer, était encore si jeune que le grand conseil des cheikhs almohades dut se charger du gouvernement de l'empire, et l'on était alors tellement préoccupé du progrès des Mérinides en Maghreb qu'il fallut laisser aux soins d'Abou-Mohammed le commandement de l'Ifrîkïa. Plein de confiance dans l'habileté de chef, qui s'était également distingué comme administrateur et comme général, on lui conserva sa place et on lui envoya régulièrement assez d'argent pour subvenir à toutes ses dépenses et à la solde de l'armée.

Il voulut montrer son intention de ne pas reculer. V. p. 295, 1. 42.
Le texte arabe porte Ouighzen.

Les choses continuèrent en cet état jusqu'à la mort du cheikh Abou-Mohammed.

MORT DU CHEIKH ABOU-MOHAMMED LE HAFSIDE ET NOMINATION DE SON FILS ABD-ER-RAHMAN AU GOUVERNEMENT DE L'IFRIKÏA.

La mort du cheikh Abou-Mohammed eut lieu au commence→ ment de l'an 648 (février -mars 1221) et remplit tous les cœurs d'une inquiétude extrême. Dans le conseil d'état [à Tunis], les avis des Almohades furent partagés à l'égard du chef qu'ils devaient choisir, les uns voulant donner le commandement à AbouZeid-Abd-er-Rahman, fils du cheikh décédé, et les autres à Ibrahim, cousin d'Abd-er-Rahman et fils d'Ismail le hafside. Après de longs débats, on finit par élire Abd-er-Rahman, il prêta serment de fidélité, et on le plaça sur le trône de son père.

Le nouveau vice-roi calma bientôt les troubles qui agitaient le royaume et fit voir qu'il était résolu à gouverner d'une main ferme. Il distribua de nombreuses gratifications, récompensa les poètes [qui avaient célébré son avènement] et choisit pour secrétaire d'état Abou-Abd-Allah, fils d'Abou-'l-Hocein. Par une dépêche adressée au souverain almohade, El-Mostancer, il rendit compte de tout ce qui s'était passé, et sortit ensuite à la tête de ses troupes afin de rétablir l'ordre dans les provinces et de mettre les frontières du royaume à l'abri de toute insulte; mais, trois mois après sa nomination, il dut abdiquer le pouvoir, en conséquence d'une ordre envoyé par El-Mostancer. S'étant mis alors en route pour le Maghreb, il alla se présenter à la cour avec ses frères et son secrétaire Ibn-Abi-'l-Hocein.

LA SUCCESSION DES HAFSIDES EST INTERROMPUE PAR LA NOMINATION

DU CID ABOU-'L-OLA AU GOUVERNEMENT DE L'IFRÎKÏA. SON FILS, ABOU-ZEID, LUI SUCCÉDE.

La nouvelle de la mort d'Abou-Mohammed le hafside était parvenue à Maroc au moment même où le cid Abou-'1-Ola venait d'arriver dans cette capitale, après s'être vu enlever le gouver

nement de Séville. Abou-'l-Ola-Idrîs était fils de Youçof, petitfils d'Abd-el-Moumen et frère de Yacoub-el-Mansour et d'Abdel-Ouahed-el-Makhlouê, prince qui régna plus tard. Ayant encouru la disgrâce du sultan, il n'espéra plus rentrer au pouvoir que par l'appui du vizir Ibn-Mothenna et, en effet, il obtint, par l'entremise de ce ministre, le gouvernement de l'Ifrikïa.

Dans la dépêche envoyée à Tunis pour annoncer cette nomination, on déclara Ibrahim, fils d'Ismail le hafside, gouverneur par intérim, et on rappela à la capitale les fils du cheikh AbouMohammed. Cette pièce fut rendue publique dans le mois de Rebiâ premier 618 (avril-mai 1224).

Le cheikh Ibrahim, chargé alors du commandement, en qualité de lieutenant-gouverneur, prit pour vizir Ahmed-el-Mochetteb et, se laissant guider par les conseils de son entourage, il traita avec beaucoup de dureté les membres de sa propre famille. Croyant mériter la faveur du gouvernement marocain, il agit d'une manière indigne envers les fils d'Abou-Mohammed; mais, dans le mois de Dou-'l-Câda de la même année, il vit arriver le cid Abou-'l-Ola. Ce prince s'installa aussitôt dans la citadelle et assigna pour logement à son fils Abou-Zeid le Casr-Ibn-Fakher, palais situé dans l'intérieur de la ville. Après avoir donné ses premiers soins au règlement du service public et de la marche des affaires, il fit arrêter, au bout d'un mois, Mohammed-IbnNakhil, ancien secrétaire du cheikh Abou-Mohammed. On emprisonna, en même temps, Abou-Bekr et Yahya, frères d'IbnNakhil, et on confisqua aussitôt, au profit de l'état, les trésors que tous les trois avaient amassés. Leurs bien-fonds et leurs terres furent également mis sons sequestre. Certaines paroles imprudentes et certains écrits émanés d'Ibn-Nakhil pendant

Il est probable que l'historien Ibn-Nakhil, dont l'autorité est citée plusieurs fois dans cet ouvrage, était la même personne que le secrétaire d'Abou-Mohammed le hafside. On peut même supposer que, dans son histoire, il avait essayé de rehausser la gloire et la noblesse de la famille des Hafsides, ce qui aurait attiré sur lui la colère du sultan almohade et amené la révocation de tous les descendants d'Abou-Hafs qui se trouvaient en Isrîkïa.

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