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tèrent contre cet officier et le bloquèrent dans sa ville à l'époque où Ibn-Abi-'l-Afïa passa dans le Maghreb central afin d'y faire reconnaître l'autorité des Oméïades. Parmi les chefs qui se rallièrent en cette occasion à la cause des khalifes espagnols on remarqua Mohammed-Ibn-Abi-Aoun, seigneur d'Oran. Abou-'lCacem ayant alors envoyé son client, Meiçour, en Maghreb, à la tête d'une armée, Ibn-Abi-Aoun fit sa soumission à cet officier et obtint sa confirmation dans le commandement de la ville; mais, après le départ du vainqueur, il embrassa de nouveau la cause des Oméïades. Peu de temps après, survint la révolte d'AbouYezid. Tous les peuples berbères se soulevèrent alors contre les Fatemides, et les Zenata, qui étaient devenus très-puissants, se rallièrent au parti des Oméïades. Yala-Ibn-Mohammed-el-Ifreni [chef zenatien], qui avait été nommé gouverneur du Maghreb par En-Nacer, le souverain oméïade, fit savoir à ce prince que la soumission d'Ibn-Abi-Aoun n'était qu'apparente et que la haine des Azdadja pour les Zenata, haine entretenue par le proche voisinage des deux peuples, les empêchait d'être fidèles à l'empire oméïade. Par suite de ces représentations il obtint la permission de leur faire la guerre. Les Azdadja, cernés dans la montagne de Guedéra, en l'an 343 (954-5), furent écrasés et dispersés par Yala qui, aussitôt après cet exploit, mit le siége devant Oran et l'emporta d'assaut. La ville fut incendiée par son ordre; une grande partie des Azdadja fut massacrée ét les personnages les plus considérables de cette tribu émigrèrent en Espagne. Khazroun-Ibn-Mohammed, un de ces chefs, devint officier supérieur des troupes entretenues par le vizir El-Mansour-Ibn-Abi-Amer. Il servit ensuite sous El-Modaffer, fils d'El-Mansour, et, lors de la guerre des Oméïades contre Ziri-Ibn-Atïa, il accompagna le général Ouadeh en Maghreb. Ayant alors relevé la ville d'Oran qui n'était qu'un monceau de ruines, il s'y fixa avec sa famille et ses enfants qu'il envoya chercher à Ifgan où ils habitaient alors. Depuis cette époque les Azdadja sont demeurés dans l'avilissement

1 Dans les manuscrits, ce nom est quelquefois écrit Mohammed-IbnAoun, ce qui paraît être une erreur de copiste.

et la misère, ayant été réduits par leur faiblesse au rang de peuplade tributaire.

Les Adjîça [ou Adjdjîça], autre branche de la grande famille berbère de Bernès, remontent leur origine à Adjica-Ibn-Bernès. Le mot adjica signifie ventre; la forme berbère en est Addis, mais les Arabes l'ont altérée en substituant le dj au d. Ce peuple se distingua parmi les autres Berbères par son nombre et sa puissance. Il demeurait dans le voisinage des Sanhadja, et encore aujourd'hui sa postérité se trouve aux environs de Tedellis et dans les montagnes qui dominent El-Mecîla.

Une peuplade appartenant à cette tribu habitait la montagne de Calâ [-Beni-Hammad]. Comme elle avait combattu pour AbouYezîd, ce chef chercha un asile chez eux après sa défaite par El-Mansour [le khalife fatemide], et se fortifia dans la CalâKiana un de leurs châteaux, mais il ne put empêcher son adversaire d'y pénétrer de vive force. Plus tard, Hammad, fils de Bologguîn, choisit dans leur territoire l'emplacement d'une ville où il fixa son séjour. Cette résidence, dont l'étendue et la population prirent de rapides accroissements, devint la capitale des états hammadites et porta une grave atteinte à la púissance des Adjîça, qui furent enfin épuisés et réduits au dernier degré de la faiblesse par les guerres fréquentes qu'ils eurent à soutenir contre les Hammadites. Ils avaient essayé à plusieurs reprises de surprendre la forteresse de leurs ennemis; ils avaient même suscité, parmi les descendants de Hammad, des rivaux aux souverains de cette dynastie; mais ils périrent enfin, moissonés par l'épée. Quelque temps après, la Calà des Beni-Hammad fut mis en ruine. Les territoires que les Adjica possédaient dans la montagne devinrent l'héritage des Eïad, peuple formé d'un mélange d'Arabes hilaliens, et la montagne elle-même prit le nom de Djebel-Eïad. Un grand nombre d'Adjîça vivent encore dispersés parmi les autres tribus du Maghreb.

↑ Dans les manuscrits ce nom est très-souvent écrit Ketama, leçon tout-à-fait mauvaise.

NOTICE DES AURÉBA, TRIBU BERBÈRE DEScendue DE BERNÈS. HISTOIRE DE SES APOSTASIES, SES RÉVOLTES ET SON SOULÈVEMENT EN FAVEUR D'IDRIS L'ANCIEN.

Parmi les tribus berbères les plus remarquables par leur nombre et leur puissance à l'époque de la conquète musulmane, on distingue les Auréba, les Hoouara, les Sanhadja et les Ketama, tous descendants de Bernès, et les Nefouça, les Zenata, les Matghara et les Nefzaoua, peuples qui tirent leur origine d'ElAbter. A cette époque, les Auréba occupèrent le premier rang parmi les tribus berbères, honneur qu'ils devaient à leur force numérique et à leur bravoure. Descendus d'Aureb, fils de Bernès, ils se partagèrent en plusieurs branches telles que les Lodjaïa, les Anfaça, les Nîdja, les Zehkoudja, les Mezyata, les Reghîoua et les Dicouça.

Dans les temps qui précédèrent immédiatement la conquête, ils eurent pour émir Sekerdid-Ibn-Zoufi-Ibn-Barezt-Ibn-Bezrîat. Ce chef les goaverna pendant soixante-treize ans et mourut en 74 de l'hégire (690 de J.-C.), après avoir vu les armées de l'islamisme envahir son pays. Il eut pour successeur KoceilaIbn-Lemezm-el-Aurébi, lequel fut aussi chef de toutes les autres tribus descendues de Bernès. En l'an 55 (675), pendant qu'Abou'l-Mohadjer se trouvait à Tlemcen, Koceila s'était révolté et occupait le Maghreb-el-Acsa avec ses Auréba et d'autres tribus. Vaincu par Abou-'l-Mohadjer, il embrassa l'islamisme pour éviter la mort, et il mérita, par sa conversion, la bienveillance de cet émir dont il devint l'ami et le compagnon. En l'an 62 (684-2), sous le khalifat de Yezîd, Ocba vint prendre, pour la seconde fois, le commandement de l'Ifrîkïa. A peine arrivé, il témoigna une grande antipathie pour Koceila à cause de l'amitié que ce chef portait à Abou-'l-Mohadjer. Celui-ci essaya, mais inutilement, d'obtenir pour son protégé la bienveillance du nouveau gouverneur. Ocba se mit alors en marche pour le Maghreb, précédé d'une avant-garde sous les ordres de Zoheir-Ibn-Caïs-elBeloui. Dans cette expédition, il défit les princes berbères qui, soutenus par les Francs, lui avaient livré bataille dans le Zab et

à Tèhert. Après avoir abandonné au pillage les biens des vaincus, il reçut la soumission de Yulian [le comte Julien], émir [du pays] des Ghomara, qui s'était présenté devant lui avec un riche cadeau. Yulian lui indiqua les endroits faibles du pays occupé par les Berbères et le dirigea vers la région qui s'étend depuis Oulili jusqu'au Sous, ainsi que vers les contrées encore plus éloignées où les peuples porteurs de voile s'adonnaient à la vie nomade. Après y avoir fait beaucoup de butin et de prisonniers, Ocba poussa jusqu'au bord de la mer et revint ensuite, toujours victorieux. Pendant cette expédition, il ne cessa de témoigner un profond mépris pour Koceila qu'il retenait prisonnier auprès de lui, et, un jour, il lui ordonna d'écorcher un mouton devant lui. Koceila voulut confier cette tâche dégradante à un de ses domestiques, mais forcé par Ocba de s'en charger lui-même et vivement blessé par les paroles insultantes de ce chef, il se leva en colère et commença l'opération. Chaque fois qu'il retirait sa main du corps de l'animal, il la passa sur sa barbe et, interrogé par les Arabes au sujet de ce geste, il répondit : « Cela fait du bien aux poils. » Un de leurs vieillards, qui entendit ces paroles, les avertit que c'était une menace de la part du Berbère. Abou-'lMohadjer ayant su ce qui venait de se passer, pria Ocba de laisser le prisonnier tranquille : « Le Prophète de Dieu, ajouta-t-il, >> chercha à se concilier les puissants d'entre les Arabes, tandis » que toi, tu prends plaisir à indisposer le cœur d'un homme » qui tient un haut rang parmi son peuple et qui se trouve ac>>tuellement sur les lieux où il déployait naguère une grande au»torité, à l'époque où il était infidèle. Je te conseille maintenant » de bien t'assurer de sa personne et d'être en garde contre » lui. » Ocba ne fit aucune attention à ce discours et, parvenu à Tobna, il renvoya ses troupes, par détachements, à Cairouan; tant il croyait avoir effectué la conquête du pays et la soumission des Berbères. Resté à la tête d'un petit corps de guerriers, il se mit en marche pour Tehouda, ou pour Badis, afin d'y établir une garnisou. Les Francs s'aperçurent de son imprudence et formèrent le projet de le surprendre. Koceila apprit leur intention par un message qu'ils lui firent parvenir, et il profita d'une occa

sion favorable pour en faire avertir ses parents et leurs alliés berbères.

Arrivé aux environs de Tehouda, Ocba se vit attaquer à l'improviste par les Berbères qui le suivaient depuis quelque temps. Ses troupes mirent pied à terre, dégaînèrent leurs épées et en brisèrent les fourreaux [dont ils sentaient bien qu'ils n'auraient plus besoin]; un combat acharné s'ensuivit et Ocba y succomba avec tous les siens; pas un seul n'échappa à la mort 1. Ils étaient environ trois cents individus, les uns, anciens compagnons de Mahomet, les autres disciples de ceux-ci. Tous trouvèrent le martyre sur un même champ de carnage. Abou-'l-Mohadjer, qu'Ocba avait gardé aux arrêts jusqu'alors et qui ce jour-là déploya la plus grande bravoure, resta parmi les morts. Les tombeaux d'Ocba et de ses compagnons, ces généreux martyrs de la foi, se voient encore dans le Zab, au lieu même où ils perdirent la vie. Le corps d'Ocba repose dans une tombe enduite de plâtre, sur laquelle on a érigé une mosquée. Cet édifice s'appelle la Mosquée d'Ocba, et forme un but de pèlerinage, un lieu saint dont la visite est censée attirer la bénédiction divine. J'ose même dire que, de tous les cimetières du monde vers lesquels les hommes dévots dirigent leurs pas, celui-ci est le plus illustre par le nombre et la qualité des martyrs qu'il renferme. Personne depuis lors ne s'est jamais acquis même la moitié des mérites qui distinguèrent chaque individu de ces Compagnons et Tabés. Le petit nombre de prisonniers faits dans cette journée et parmi lesquels se trouvèrent deux compagnons de Mahomet, les nommés YezidIbn-Khalef-el-Caïci et Mohammed-Ibn-Owaïs-el-Ansari, furent rachetés par Ibn-Mesad, seigneur de Cafsa. Quand la nouvelle de ce désastre parvint à Cairouan, Zoheir-Ibn-Caïs-el-Beloui quitta la ville précipitamment avec les débris de l'armée musul

1 Quelques-uns furent faits prisonniers; notre auteur le dit lui-même un peu plus loin.

2 Ce tombeau se voit encore dans la mosquée de l'oasis de Sidi-Ocba, à quatre lieues de Biskera. Il porte, en caractères coufiques, l'inscription suivante: Hada cabr Ocba-Ibn-Nafé (ceci est le tombeau d'Ocba fils de Nafé).

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