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n'appartient qu'aux grandes maisons dont les membres sont animés de l'esprit de corps. Une famille qui admet des étrangers dans son sein, qui affranchit ses esclaves et favorise ses clients, s'en fait des partisans dévoués. Ils s'assimilent, par leurs sentiments et leurs habitudes1, aux membres de cette famille; ils participent à leur esprit de P. 246. corps, qui devient alors, pour ainsi dire, le leur, et qui les rend comme des enfants de la maison. Aussi notre saint Prophète a-t-il dit : « Le client d'une famille est un membre de cette famille; qu'il soit client par affranchissement, ou par adoption, ou par un engagement solennel, ce droit lui appartient. » Quand on s'incorpore dans une autre famille, la noblesse de celle dans laquelle on est né ne compte pour rien 2, car les intérêts de la famille dans laquelle on entre diffèrent de ceux de la famille dont on est originaire. Ainsi l'étranger qui s'est affilié à une tribu oublie les liens de parenté et les sentiments qui l'avaient attaché à la sienne, et il devient effectivement un membre de la maison qui a voulu l'accueillir. Si le client ou le protégé compte plusieurs générations d'ancêtres attachés à cette maison, il participe à la noblesse de son patron, mais jamais au même degré que les membres-nés de la famille. Tel est le cas avec les clients et les serviteurs de toutes les familles souveraines; ils doivent leur noblesse à leur état de clients, aux emplois qu'ils remplissent auprès du prince et au nombre de leurs aïeux qui ont été au service de cette maison. Voyez, par exemple, les Turcs qui étaient au service des Abbacides; voyez encore leurs devanciers, les Barmekides et les Beni-Noubakht (familles viziriennes)". Attachés à une maison illustre, ils arrivèrent aux honneurs, à une considération réelle et à la gloire, parce qu'ils tenaient intimement à la dynastie régnante par les liens de la clientèle. Djafer le Barmekide, fils de Yahya Ibn Khaled, parvint au plus haut degré de la noblesse et de l'illustration, non pas à cause de son origine persane, mais parce qu'il était client du khalife (Haroun ) er-Rechîd. C'est

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ainsi que, dans toutes les familles princières, les clients et les domestiques obtiennent la noblesse et la considération. S'ils appartiennent, par leur naissance, à une famille étrangère, ils s'empressent d'oublier leur origine, de la répudier2, et de ne faire aucun cas ni de l'ancienneté de leur maison, ni de sa noblesse. Ce qu'ils apprécient, P. 217. c'est l'espèce de parenté que l'état de client ou de protégé établit entre eux et leur nouvelle famille; ils savent que la parenté est l'élément essentiel de l'esprit de corps, et que les grandes maisons doivent à cet esprit leur consistance et leur illustration. Aussi la noblesse et la considération se conmuniquent du patron au client; l'édifice (de gloire) que le patron s'est érigé devient le leur. Une origine illustre ne sert de rien aux clients d'une maison souveraine; c'est à leur condition de clients, ou de protégés, ou d'élèves de la famille, qu'ils doivent tous leurs honneurs. Par leur origine ils auraient pu jouir (dans leur pays) des avantages qui résultent de l'esprit de corps et de l'exercice du pouvoir; mais si cet esprit vient à s'éteindre, et s'ils entrent dans une autre famille en qualité de clients ou de protégés, c'est de leur nouvelle famille qu'ils tirent leurs avantages, parce qu'elle a conservé son esprit de corps, tandis que l'ancienne a perdu le sien. Ces observations peuvent s'appliquer aux Barmekides on sait qu'ils appartenaient à une famille persane chargée de l'intendance d'un des temples où l'on adorait le feu. Lorsqu'ils furent entrés dans la clientèle des Abbacides, personne ne tenait compte de leur noble origine, mais on leur témoignait la plus haute considération parce qu'ils étaient clients et protégés de la famille du khalife. (Nous venons d'indiquer quelle est la véritable noblesse); toute autre n'est qu'une vaine illusion capable d'égarer les esprits mal réglés. D'ailleurs les faits sont là pour montrer que nous avons raison. Le plus noble d'entre vous aux yeux du Seigneur est celui qui le craint le plus. (Coran, sour. XLIX, vers. 13.)

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La noblesse atteint son point culminant' dans quatre générations.

Le monde formé des (quatre) éléments et ce qu'il renferme sont sujets à la corruption tant dans leur essence que dans leurs accidents 2; aussi les choses et les êtres des diverses classes, tels que les minéraux, les plantes et tous les animaux, y compris l'homme, changent et se corrompent à vue d'œil. Il en est de même à l'égard des phénomènes que le monde offre à notre observation. Cela se voit P. 248. surtout chez l'homme : les sciences, ainsi que les arts et toutes les choses de cette nature, naissent pour disparaître. La noblesse et l'illustration, simples accidents de la vie humaine, subissent inévitablement le même sort. Parmi les hommes, on n'en trouve pas un seul dont la noblesse remonte, à travers une série non interrompue d'ancêtres, jusqu'à Adam. Exceptons toutefois notre saint Prophète, qui avait reçu cette distinction comme une marque d'honneur et afin que la véritable noblesse fût conservée dans le monde. L'état qui précède celui de la noblesse peut se désigner par le terme d'exclusion; cela veut dire : être placé en dehors du commandement et des honneurs, et être privé d'égards et de considération. Nous entendons par là que l'existence de la noblesse et de l'illustration est précédée de sa nonexistence, ainsi que cela a lieu pour tout ce qui a un commencement. La noblesse parvient à son terme en passant par quatre générations successives, ainsi que nous allons l'expliquer. L'homme qui a fondé la gloire de sa famille sait bien par quels moyens il y est parvenu;

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aussi conserve-t-il toujours intactes les qualités qui lui ont procuré l'illustration et qui la maintiennent. Son fils, auquel il remet le pouvoir, a déjà appris de lui comment il doit se conduire; mais il ne le sait pas d'une manière complète; celui qui entend raconter un fait ne le comprend pas aussi bien que le témoin oculaire. Le petit-fils succède au commandement et se borne à marcher sur les traces de son prédécesseur et à le prendre pour modèle unique; mais il ne fait pas les choses aussi bien que lui; le simple imitateur reste toujours au-dessous de celui qui travaille sérieusement. L'arrière petit-fils succède à son tour et s'arrête tout à fait dans la voie suivie par ses aïeux; il ne conserve plus rien de ces nobles qualités qui avaient servi à fonder l'illustration de la famille; il ose même les mépriser, et il s'imagine que ses aïeux s'étaient élevés à la gloire sans se donner la moindre peine et sans faire le moindre effort. Se figurant que, par le seul fait de leur naissance, ils avaient possédé la puissance de tout temps et de toute nécessité, il se laisse tromper par le respect qu'on lui témoigne, et ne veut pas concevoir que sa famille soit arrivée au pouvoir par son esprit de corps et par ses nobles qualités. Ne sachant pas quelle est l'origine de la grandeur de ses aïeux, il en méconnaît les véritables causes, et croit que le pouvoir leur était venu par droit de naissance; aussi se met-il bien au-dessus1 des guerriers dont l'es- P. 249. prit de corps soutient encore la dynastie. Habitué, dès son enfance, à leur donner des ordres, il demeure convaincu de sa supériorité et il ne se doute pas que leur obéissance ait eu pour cause les grandes qualités au moyen desquelles ses prédécesseurs avaient dompté tous les esprits et gagné tous les cœurs. Ses troupes, indisposées par le peu de considération qu'il leur montre, commencent par lui manquer de respect; ensuite elles lui témoigent du mépris; puis elles le remplacent par un nouveau chef, pris dans une autre branche de la même famille. Elles montrent par là que la famille dominante impose toujours par son esprit de corps 2, fait que nous avons déjà signalé;

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mais l'individu qu'elles choisissent est celui dont le caractère leur convient le plus. Dès lors la branche favorisée de la famille prospère rapidement, pendant que l'autre se flétrit et perd tout son éclat1. Cela arrive dans toutes les dynasties, dans les familles qui gouvernent des tribus, dans celles dont les chefs occupent de grands commandements et chez tous les peuples dont l'esprit de corps est bien prononcé. Quant aux familles établies dans les villes, elles tombent dans la décadence et leurs familles collatérales les remplacent. Si Dieu voulait, il vous ferait disparaître et amènerait (pour vous remplacer) une nouvelle génération; pour lui, cela ne serait aucunement difficile. (Coran, sour. IV, vers. 132.)

La thèse que la noblesse d'une famille demeure pendant quatre générations est généralement vraie; quoique des maisons soient tombées en décadence et aient disparu avant d'avoir eu des rejetons du quatrième degré; d'autres en ont du cinquième ou du sixième degré, mais elles sont déjà en décadence et sur le point de s'éteindre. On a posé la condition de quatre générations, parce que ce nombre comprend le fondateur, le conservateur, l'imitateur et le destructeur, et qu'en effet il ne saurait être moindre. Dans les éloges et les panégyriques, on trouve encore ce nombre de quatre employé pour désigner le plus haut degré de la noblesse d'une famille: notre saint Prophète a dit : « Le noble, fils de noble, fils de noble, fils de noble, c'est Joseph, fils de Jacob, fils d'Isaac, fils d'Abraham. >> Cette parole indique clairement que Joseph avait atteint au point le plus élevé2 P. 250. de la noblesse. Dans le Pentateuque se trouve un passage qui signifie : Moi, ton Seigneur, je suis puissant3 et jaloux; je me venge des péchés des pères en punissant les enfants jusqu'à la troisième et la

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